Cinéma : Heureusement, j’ai pu voir De Gaulle avant le confinement !

De Gaulle

Cela va faire un mois que regarder la télévision, c’est n’entendre parler que du coronavirus. Pour m'aérer un peu l'esprit et tant que c'était encore possible, j’ai mis mon poste en quarantaine et je suis allé au cinéma voir De Gaulle. En voilà un qui n’avait peur de personne !

Un très beau film qui nous fait revivre ces quelques jours de juin 40 où le colonel devient général et sous-secrétaire d’État, et où l’homme devient un grand homme en décidant d’incarner la France et d’être celui qui sauvera la patrie. Il y a un peu de Jeanne d’Arc en lui, à ce moment-là. L’armée française a été complètement enfoncée par la tactique, les avions et les chars allemands, les Français n’en ont presque pas, eux, ils sont encore sur les chaînes de montage ou dans les entrepôts, et la tactique des chefs militaires a vingt ans de retard, ils raisonnent comme en 1914 ! Les politiques sont pathétiques, mis soudain face aux conséquences de leurs errements, et incapables d’imaginer une riposte. C’est étonnant, comme ils ressemblent à ceux qui nous gouvernent aujourd’hui : défaitisme, lâcheté, carriérisme, vivre ensemble (savent-ils qui sont les nazis ?)… Le malheureux Paul Reynaud porte un costume bien trop grand pour lui, il est devenu une girouette qui ne sait plus s’il doit continuer à se battre ou prendre une retraite dont on ne saurait dire s’il l’a méritée.

Et soudain, alors que l’ennui de devoir faire la guerre et le désir d’y mettre un terme occupent l’esprit de ceux qui sont en charge de la mener, voilà cet homme à peine nommé général de brigade qui arrive et dit : « Rien n’est perdu, il faut se battre. Moi, général de Gaulle, je vais sauver la France. » Comme Jeanne d’Arc lorsqu’elle arrive à Chinon : « Gentil Dauphin, je suis venu sauver la France et vous faire sacrer roi. » Le courage de la volonté, le miracle de la foi !

Pari fou ? Pas tout à fait. La France a encore toute sa marine, un restant d’armée, un empire colonial et, bien sûr, l’allié anglais. Mais Paul Reynaud écoute un jour de Gaulle, le lendemain Pétain… Pétain, maréchal pacifiste et qui a sans doute vu trop de jeunes soldats tués en 14 ! Qui porte ce pacifisme des années 30. Mais face à des nazis, est-ce bien raisonnable ? Reynaud démissionne. Pétain choisit d’être le bouclier. Il fait le don de sa personne à la France. Par-delà la guerre avec l’Allemagne, c’est déjà la guerre civile entre Français qui se profile et qui déchirera un peu plus le pays, jusqu’à l’épuration…

Deux visions radicalement opposées. Je n’ai connu ni le Maréchal ni le Général, je n’ai pas vécu cette époque, je ne me permettrai pas de juger, comme ces résistants de la 75e année qui jouent, aujourd’hui, aux héros qu’ils n’auraient pas été. Les Français, dans leur immense majorité, étaient pétainistes en 40 et gaullistes en 44 !

Un film émouvant, bien construit et qui ne donne pas exagérément dans les poncifs d’aujourd’hui sur cette époque. Lambert Wilson et Isabelle Carré incarnent avec beaucoup de talent et de sensibilité Charles de Gaulle et celle que l’on appellera plus tard Tante Yvonne, en alternant subtilement la vie du combattant et leur vie sentimentale et familiale.

Heureusement, l’histoire s’arrête là. Car le grand homme de 40 s’est un peu terni en 58, on dirait que c’est un autre, plus manipulateur, plus politique qui revient. Mais, là encore, que penser ? Certains diront qu’il a évité à la France une guerre civile, d’autres lui reprocheront d’avoir trahi et abandonné les pieds-noirs ; pire : de les avoir laissé massacrer ! Comme Pétain en 40, le héros était peut-être trop vieux, fatigué…

Pour rester éternellement des héros, les héros ne devraient pas vivre trop longtemps.

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Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

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