Cinéma : Elvis, de Baz Luhrmann

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Il est de ces célébrités qui, à force de faire parler d’elles, ne s’appartiennent plus tout à fait. Elvis Presley, à n’en pas douter, fut de celles-ci, tout comme les Beatles, Dalida, James Dean, Marlon Brando et tant d’autres…

Le film que Baz Luhrmann consacre à Elvis, actuellement en salles, ne dit pas autre chose.

Le parcours de cette légende du rock’n’roll nous est conté par son ancien manager, le colonel Tom Parker, incarné par Tom Hanks, au moment où tous l’accusent d’avoir exploité le King jusqu’à l’usure, entraînant son décès prématuré à l’âge de 42 ans. Parker nous livre donc à travers la voix off sa vision du personnage, presque divinisé, et son sentiment profond quant à la nature de leur relation. Un sentiment de fierté empreint de mysticisme (« Il était mon destin »), de nostalgie et de regrets… Lesquels ne l’amènent jamais véritablement à faire le mea culpa que tous attendent de lui.

C’est que le narrateur s’attache avant tout à entretenir le mythe, celui du jeune Blanc issu des couches populaires parvenu à s’approprier la musique noire, à la populariser auprès des classes moyennes de sa génération et à se hisser, en quelques années seulement, au rang des plus grandes idoles de son époque. Un statut de légende qui explique les procédés de mise en scène et de montage, énergiques et emphatiques à l’excès, voulus par Baz Luhrmann.

Hélas, à trop user d’artifices visuels, d’effets ampoulés – fatigants dès les premières séquences – pour glorifier et immortaliser Elvis Presley, le cinéaste se laisse impressionner par son sujet, se prive de toute subtilité, de tout regard critique, et nous empêche d’accéder au noyau dur de sa psyché. Comme si le personnage public, avec son mode de vie clinquant, son argent, sa gloire, ses accoutrements improbables et son maquillage, avait vampirisé et réduit à néant l’être humain. C’est en partie ce que cherche à démontrer Baz Luhrmann dans son propos, mais plutôt que de le déplorer franchement, le cinéaste se complaît dans la superficialité qu’il nous dépeint. À croire que l’objet filmique, avec ses prouesses visuelles, importe davantage que de rendre justice à la personne d’Elvis Presley.

Le musicien est donc doublement floué : d’abord par son manager, obsédé par le profit qu’il peut tirer de lui ; puis par le réalisateur du film qui l’écrase au profit d’un dispositif clinquant et kitsch visant à prouver son savoir-faire. La maladresse confine alors à l’indécence.

Hormis les clichés grandiloquents sur la destinée d’Elvis Presley et l’entretien pompeux de sa légende, le film aura au moins l’intérêt d’apprendre, aux moins connaisseurs d’entre nous, quelques éléments biographiques. Mais Wikipédia ferait aussi bien l’affaire…

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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