[CHRONIQUE] Provocation, agitation, exhibition : la méthode Macron

Le président de la République aime le spectacle, mais le cabotinage est contre-productif sur le théâtre international.
Capture d'écran
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La diplomatie nécessite de la discrétion, de la retenue, de la conviction et de la compréhension. De la discrétion car, lors de tout conflit, ceux qui gouvernent sont toujours entourés de « jusqu’au-boutistes » qui rêvent de victoire totale. L’exposition au grand jour des tractations ne peut que fragiliser les faiseurs de paix. De la retenue, car prendre sans nuance le parti de l’un contre l’autre est assurément la meilleure façon de faire échouer les négociations. De la conviction pour convaincre certes, mais aussi la conviction profonde que la recherche d’une solution pacifique est préférable à la poursuite d’une guerre sans fin dont l’aboutissement serait la reddition sans condition de l’adversaire, au nom d’une morale qui, bien souvent, n’est que pure hypocrisie. Comme ce fut le cas pour la seconde guerre d’Irak, par exemple. Enfin, de la compréhension, car il faut comprendre les ressorts d’action des belligérants. Il est toujours si facile de dénoncer la paranoïa, les provocations délibérées ou l’impérialisme de l’un ou l’autre, mais c’est le meilleur moyen de ne rien comprendre aux raisons qui ont pu conduire à la guerre et, dès lors, de jamais trouver les voies de la paix. C’est en écartant les causes qui ont provoqué le conflit que l’on peut parvenir à une paix durable, par un équilibre des intérêts et des conditions de sécurité.

Macron et l'UE se sont condamnés à n'être que des figurants

Or, le président de la République et, avec lui, l’Union européenne ont agi exactement à l’inverse et se sont donc condamnés à être exclus du processus de paix, à n’être que des figurants qui prétendent au premier rôle et qui ne feront sans doute que tapisserie dans le décor diplomatique. L’UE, qui se rêve une puissance, ne réussit qu’à sortir l’Europe de l’Histoire. Était-il opportun de faire échouer les pourparlers engagés à Istanbul, en mars 2022, et de pousser à une guerre sans fin, même si les crimes de guerre de Boutcha provoquaient une juste indignation 1 ? Était-il opportun d’agiter l’idée d’envoyer des troupes au sol en Ukraine ? N’était-ce pas faire bon marché de l’Ukraine et de la vie des Ukrainiens tout en prétendant le contraire ? Ou n’était-ce pas la traduction de l’illusion d’une défaite russe à venir, fondée sur une sorte de sentiment de supériorité occidental, alors même que nul ne voulait ni n’avait les moyens d’entrer en guerre ouverte contre la Russie ?

Arrogance française, réalisme américain

Macron comme Thierry Breton ont ainsi souligné, avec une certaine condescendance, que la Russie, « c’est un peu plus que le PIB de l’Espagne » (mars 2022), ce qui démontrerait que la Russie n’est plus une grande puissance. Outre que cette assertion est en trompe-l’œil, c’est méconnaître qu’une nation et qu’un peuple ne se réduisent pas à un PIB, même si la richesse des nations est un des éléments de leur puissance. La suffisance de Bruno Le Maire annonçant, en mars 2022, « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe » relève du même mépris. Or, il est deux règles absolues, en cas de confrontation : ne jamais ni sous-estimer ni humilier son adversaire car c'est, d’une part, s’exposer à de graves déconvenues, d’autre part, s’en faire un ennemi irréductible.

La formule « la Russie est une station-service dotée de l’arme nucléaire », attribuée à un ancien conseiller de Barack Obama, traduit cette prétention occidentale qui exaspère tant le reste du monde et dégrade notre influence plus qu’elle ne la conforte. La Russie est d’abord un empire, avec une longue Histoire, trop souvent dramatique, pour son peuple comme parfois pour les peuples voisins, qui, en effet, est doté d’un arsenal nucléaire impressionnant, d’une armée conventionnelle, d’une diplomatie expérimentée et de services spéciaux habiles. Autant de raisons, malgré ses faiblesses, de ne pas la sous-estimer. Même et surtout dans l’intérêt de l’Ukraine.

Donald Trump, avec ses méthodes de cow-boy, en s’appuyant sur ses alliés moyen-orientaux au détriment de ses alliés européens va-t-en-guerre, a remis le mot « paix » à l’ordre du jour. La perspective d’un cessez-le-feu se profile, même si la réponse en demi-teinte de Poutine est ambiguë. Il lui faudra bien sortir de cette ambiguïté, probablement due à la pression de ses généraux et à la volonté de repousser les troupes ukrainiennes hors de l’oblast de Koursk.

Le président de la République aime le spectacle, mais le cabotinage est contre-productif sur le théâtre international. Le ridicule du « Donald, c’est pas toi », suivi de la mise en scène de la réunion des chefs d’état-major à Paris, ne traduisent qu’une forme de panique et la marginalisation de la France et de l’UE dans le règlement de la guerre en Ukraine. Pas plus que Rome, on ne refait une armée en un jour. Quant à ceux qui se complaisaient dans la vassalité américaine et se demandent aujourd’hui si les États-Unis sont toujours nos alliés, ils feraient bien de méditer les propos de Lord Palmerston, applicables à tous pays : « L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents, elle n’a que des intérêts permanents. »

 

1 : le « torpillage » anglo-américain d’un projet d’accord « d’Istanbul » entre Ukrainiens et Russes, au début du conflit, a été relaté par le Welt, le Wall Street Journal, Le Monde diplomatique, Le Figaro, et évoqué par Vladimir Fédorovski sur BFM TV, le 12 mars 2025

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Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

138 commentaires

  1. C’est subliminal, il faut comprendre non un manuel mais un « Emmanuel de survie », une bonne idée de lui même on le savait.
    Pour moi ce sera une stature intercommunale pour ce petit Monsieur aux grands airs!

  2. Après avoir avalé la coupe du ridicule jusqu’à la dernière goutte,le voici en train de délirer en se mettant au devoir d’envoyer des kits de survie dans chaque foyer français.
    Pour quel sombre dessein?Mystères et boule de gomme.
    S’il ne devient pas un peu désajusté,psychologiquement parlant,ça y ressemble étrangement.NON?
    J’ai employé un doux euphémisme pour éviter la censure qui me cible avec beaucoup d’ardeur ces derniers temps…

    • Tout-à-fait d’accord avec vous, en dépit de l’utilisation de termes souvent choisis dans une extrême nuance, certains commentaires sont rejetés. Pourtant très proches de la réalité. Trop proches sans doute.

  3. La dernière en date du sans limite de l’Elysée
    Un «manuel de survie» en cas de guerre ou de catastrophe va être remis aux Français
    Ce « manuel de survie » va être envoyé avant l’été à tous les foyers français. Selon une source du ministère des Armées , ce livret détaille les « bons gestes à adopter en cas de menace imminente en France ».

  4. Macron est en-dessous de tout. Il n’a jamais eu la carrure d’un Président. Depuis son apparition dans la sphère politique tout est Bluff.

  5. En Russie il est nommé « MICRON  » notre « Mozart »
    C’est quoi 1 micron ?
    Un micron, également connu sous le nom de micromètre, est une unité de mesure égale à un millionième de mètre ou à un millième de millimètre. Dans le contexte de la filtration, la taille du micron fait référence au diamètre des particules qu’un filtre peut éliminer d’une substance.
    TOUT PETIT petit donc

  6. Les Français connaissent Macron , et ils sont fatigués . Il est devenu insupportable , exécrable .Je pense même qu’ exécrable est un euphémisme . Il n’est que l’ombre de lui même . Il n’est qu’une pâle copie d’un président grandiloquent .la posture martiale bricolée de toutes pièces . La boursouflure mal à propos . le côté fantoche d’un chef d’état grandiloquent à la tête d’un état failli dont il ne se préoccupe pas . Et je n’aborde même pas la scène internationale sur laquelle il est ridicule et dont il se ramasse des gifles . Macron n’est que l’ombre de lui même ………

  7. Le président se prend pour Jupiter mais il ne faut pas oublier qu’en astronomie c’est un soleil raté qui ne sais jamais épanoui. Il devrait aussi trouver un bon professeur de théâtre pour remettre à jour son jeu….il est un très mauvais comédien

  8. L’effondrement de l’économie russe est encore loin . On a assisté a une diversification forcée de l’économie russe . Je ne vois aucune difficulté économique réelle qui puisse mettre fin à la guerre dans un , deux ou même vingt ans dit Dmitry Nekrasov économiste chercheur au Centre pour l’analyse et les stratégies en Europe (Case) .
    La dette publique du pays est très faible , moins de 16% du PIB à la fin de l’année 2024 .
    Les difficultés liées à l’inflation sont largement compensées par la forte hausse des salaires réels .
    Les ménages qui ont des économies sur leurs comptes bancaires bénéficient des taux élevés de la banque centrale .
    Les soldes militaires sont huit fois plus élevées que le salaire moyen .

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