Cher Président, merci pour ce moment !

Macron

Après le silence et les péripéties inévitables, le lien narratif avec les Français a été renoué, hier, par notre Président, à BFM TV. Entretien sobre, rapide, efficace. Le Président nous a rassurés : la foi du chef est intacte, l’élan et la vigueur plus grands que jamais. La volonté d’action, n’en parlons pas. Sa seule boussole ? Notre confiance. C’est peu. C’est beaucoup. C’est fou.

N’empêche. Le Petit Prince était triste. Il n’avait pas la pêche. La position sur le fauteuil, sans doute : inconfortable, entre le bureau et la fenêtre. L’éclairage : trop bas. Le drapeau : trop haut. L’heure crépusculaire était à la gravité.

Après un mea culpa de mise, le Président nous rappela le temps de nos premières amours : 2017. C’était hier et c’est toujours. Il tient le cap, et nous avec. Pas question de s’arrêter en si bon chemin. Rappelant « le sens profond de son action », il a évoqué, mezzo voce, nos préoccupations communes : la tragédie écologique, les « inégalités de destin » qu’il faut raboter, la reconquête républicaine, l’organisation des religions, les grandes réformes à venir (chut !), le désir d’accompagner "les plus fragiles" (les nouveaux orphelins d’État ?). Deux mots émaillaient son allocution sous forme d’anaphore (tradition oblige) : « destin » et « soumission.Il faut avoir confiance dans le premier et ne pas céder aux vents mauvais de la seconde.

Silence sur le chômage et les dépenses publiques, a fait remarquer un élu. C’est qu’il y a urgence à recoller le vase de Soissons : renouer avec les élus locaux (36.000, ça fait un paquet !) si on veut lancer, et plus vite que ça, les élections européennes, à haut risque, qui se profilent.

Pensez printemps, pensez Europe, pensez nation, dit Macron. Mais pas n’importe lesquels ! Ne cédez pas à l’intimidation des grands méchants loups ! L’Europe bascule dans les extrêmes ! (Évitons le mot qui fâche : « populisme », et disons : nationalismes.) Ne soyons pas somnambules ! Comme Orbán, Salvini, les Brexitois : pouah !

Quelque chose, pourtant, avait changé hier, chez le Président. Mais oui ! Comment n’y avoir pas pensé plus vite ! Ce propos en demi-teinte, c’était Jupiter proche des mortels, certes. Cet air « grave », c’était pour éviter l’air triomphal. Surtout, il y avait les notes ! Les notes rikiki sur lesquelles il jetait un regard calculé ! Je ne suis plus celui que vous pensez ! disait le Président. J’hésite, moi aussi, je vous entends et me corrige. La preuve : juste avant de parler, je raturais ma copie. Oui, une nouvelle page de mon quinquennat s’ouvre hier avec le renouveau ministériel.

Ils étaient là, les spécialistes du verbe et de la geste présidentiels : Ruth Elkrief, la souveraine qui fait parler les pierres, Thierry Arnaud et Laurent Neumann, moustaches et barbes obombrées, qui décryptent le non-dit et le subliminal. Sans oublier Bruno Jeudy, le Veilleur, qui vit dans les studios.

N’empêche, il était triste, le Petit Prince. "S’il te plaît », disait-il à chacun de nous, « dessine-moi la France. Dessine-moi l’Europe. Dessine-moi mon destin. J’ai perdu ma boussole."

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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