On ne s’est guère étendu, dans les médias, sur cette regrettable nouvelle… C’est France 3 Grand Est, pourtant occupé par la situation proprement dantesque qui sévit dans les hôpitaux de la région – mais peut-être est-ce, justement, pour faire diversion ? –, qui rapporte la chose : nos crânes d’œuf européens sont très chagrins. Pourquoi ? Parce qu’en raison du méchant virus, ils ne peuvent pas fêter comme il convient le 25e anniversaire des accords de Schengen.

Si, si, vous avez bien lu. Ils l’ont dit et écrit : « La pandémie de Covid-19 perturbe fortement le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur des accords de Schengen, ce jeudi 26 mars. » Et ça, voyez-vous, c’est très dommage.

Je vais être triviale : qu’est-ce qu’on en a à foutre, des 25 ans de Schengen ? Surtout, qu’est-ce qui ne va pas, dans la tête de ces gens-là, pour imaginer que les populations d’Europe ont encore envie de faire la fête quand on leur parle d’abolition des frontières ?

Petit rappel historique, pour commencer : les premiers accords de Schengen ont été signés le 14 juin 1985 par la France, l’Allemagne (République fédérale d’Allemagne, à l’époque), la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Ils sont entrés en vigueur le 26 mars 1995 et l’espace Schengen compte, aujourd’hui, 26 États européens, soit 22 des 27 États membres de l’Union européenne et quatre États associés : l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.

Schengen, c’est « la libre circulation des personnes », sans contrôle aux frontières de l’espace du même nom. Le ministre des Affaires étrangères et européennes luxembourgeois, Jean Asselborn, le clame dans son communiqué de ce jeudi : « C’est l’une des avancées les plus concrètes de l’intégration européenne. »

L’intégration de qui, de quoi ?

Pour ce que les États membres en ont eu à connaître, ces dernières années, l’espace Schengen a viré au fortin pour ceux de l’intérieur et nécessite une lutte de chaque instant contre l’immigration clandestine pour ceux qui, pauvres d’eux, ont encore des frontières à garder. C’est une passoire pour les mafias, dont l’albanaise, qui va bientôt pouvoir aller et venir à sa guise puisque – comme le signale, dans ces pages, Jérôme Rivière – nos penseurs de « l’Union » européenne ne voient rien de plus urgent, actuellement, que d’y intégrer la Macédoine et l’Albanie !

Heureuses et fières de cette belle réussite, les autorités européennes avaient donc organisé la fiesta à Schengen : flonflons, limousines, discours et petits-fours. Las, les voilà obligées de reporter le pince-fesse. Ça met le ministre luxembourgeois de mauvaise humeur : dans leur lutte contre la pandémie, plusieurs États membres ont fermé leurs frontières à l’intérieur de l’espace Schengen. C’est le cas de l’Espagne, de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Autriche. Pas de la France, bonne élève sans doute. Qu’importe, le ministre Asselborn n’aime pas cela et il exhorte les récalcitrants à « rétablir Schengen dans les meilleurs délais » car, dit-il, « la réintroduction de contrôles aux frontières communes entre certains pays ne peut être que ponctuelle et temporaire et elle doit se faire en conformité avec les traités ».

Il en est sûr, M. Jean Asselborn : « Plus que jamais, c’est de solidarité dont nous avons besoin, et les règles de l’espace Schengen offrent le cadre de la coopération qui nous permettra de faire face ensemble à l’inouï défi que nous pose cette pandémie. »

C’est curieux, on a plutôt l’impression que la situation actuelle nous apporte la démonstration inverse…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 30/03/2020 à 14:12.

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27 mars 2020 à 12:11

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