Le casse-tête du gouvernement : trouver encore 8,5 milliards pour la taxe d’habitation

Acculé par le Conseil constitutionnel, le gouvernement supprimera totalement la taxe d’habitation après 2020, car le principe de l’égalité devant l’impôt interdit de maintenir un prélèvement qui n’est payé que par 20 % de la population. On peut s’étonner de l’amateurisme (ou du cynisme ?) du pouvoir. Pourquoi n’a-t-il pas vu, dès le départ, ce problème pourtant évident, à moins que l’exemption partielle n’ait été qu’une tactique de propagande pour faire oublier l’augmentation de la CSG vis-à-vis des retraités ?

M. Le Maire se trouve devant un casse-tête pour lequel il n’y a que de mauvaises solutions. Le pouvoir a péniblement établi un plan de finances pour cette législature et a présenté un budget compatible, en apparence, avec les directives européennes. Bien entendu, il ne faut pas trop gratter sous peine de voir l’édifice s’écrouler. Le déficit est difficilement maintenu en dessous des 3 % alors qu’il aurait dû être ramené à 0 %, comme presque partout ailleurs en Europe. Quelques promesses électorales, dont la détaxation des heures supplémentaires, ont été oubliées et l’État prétend (imprudemment ?) faire quatre-vingts milliards d’économies sur cinq ans, comme M. Darmanin le disait en juillet. Or, de 2015 à 2017, le précédent gouvernement projetait un plan de cinquante milliards de baisse, qu'il réduisit rapidement à quarante et qu'il ne put jamais tenir. Et, en fait, les prétendues économies n’étaient qu’une compression de l’augmentation des dépenses (au niveau de l’inflation). Or, là, on veut vraiment diminuer le volume des dépenses. En outre, la probabilité qu’éclate une crise économique avant 2022 est forte et le déficit augmentera alors mécaniquement de 2 % d’un coup. En bref, tenir la trajectoire relevait déjà de la gageure. Rajouter 8,5 milliards pour compenser l’abolition totale de la taxe d’habitation est donc impossible sans créer un nouvel impôt ou alourdir un ancien, sauf à espérer une croissance record (en moyenne au-dessus de 2 % par an pendant cinq ans).

Évidemment, le gouvernement voit le piège. Un ministre a fait preuve d’honnêteté et parlé d’un nouveau prélèvement, mais il a été tout de suite rappelé à l’ordre (avec raison !). En effet, la décision attendra 2020 ; d’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts et l’électeur contribuable aura oublié ce qui s’est dit en 2017. Et, encore une fois, si une crise économique éclate, tout sera remis en question. On verra ce qui se passera dans trois ans, voire dans cinq ou six ans, si on étale la suppression.

Esquissons, néanmoins, quelques pistes dès maintenant. D’abord, un principe constitutionnel complique la donne : 40 % des ressources d’une collectivité locale doivent venir d’impôts dont elle a la maîtrise. Même s’il le voulait, l’État n’a pas le droit de verser directement plus de dix milliards aux communes. Le reste devra venir d’un impôt transféré plutôt que créé. On pense à la part de la taxe foncière des départements. Mais que donner à ceux-ci pour compenser ? Une part de CSG ? Il faudra l’augmenter de 1 % ! Un impôt sur les loyers fictifs ? Faisons confiance au ministre des Finances de 2020 : il trouvera une solution (à nos dépens !)

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Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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