Cancel culture : pour Télérama, Love Actually est un film rétrograde

Love Actually V2

Il y a vingt ans, les histoires d’amour à sketchs de Love Actually entraient dans la culture de masse. Il en reste notamment la bande originale (All I Want for Christmas Is You de Mariah Carey, par exemple), mais aussi une pléiade d’acteurs formidables. On y voyait Liam Neeson à contre-emploi, en veuf éploré mais digne, Allan Rickman (à contre-emploi également) en morne quinquagénaire aux portes de l’adultère, mais aussi Emma Thompson (formidable épouse délaissée), Martine McCutcheon, Keira Knightley ou encore Bill Nighy (génial en rocker ringard qui fait un come-back inattendu). D’autres petits rôles (Rowan Atkinson, Claudia Schiffer) et une ambiance générale pleine de légèreté (mais tout sauf superficielle, puisque le film pose pas mal de vraies questions) ont contribué à faire de cette comédie romantique un film culte. Il paraît que certains le revoient à chaque Noël. Après tout, pourquoi pas ; dans d’autres familles, ce sont Les Tontons flingueurs que l’on regarde en famille entre le 26 et le 30 décembre, pas loin de la cheminée, en partageant papillotes, tisanes et armagnac.

Hélas ! Il paraît que ce film « feel-good » est problématique, comme disent les censeurs. C’est la journaliste Hélène Marzolf qui fait ce triste constat dans les colonnes de Télérama. Qu’on en juge : d’abord, les femmes y sont soumises aux hommes. Qu’il s’agisse de la secrétaire du Premier ministre, de la femme active qui sacrifie sa carrière par amour pour son frère psychotique, de la femme de ménage portugaise d’un écrivain divorcé, elles sont toutes dans ce que l’on pourrait appeler une situation d’infériorité. OK, d’accord. Les hommes, eux, sont des salauds - notamment Hugh Grant, qui joue, presque comme toujours, un séducteur upper-class malhabile et touchant. Hélène Marzolf a d’ailleurs failli succomber (est-on surpris ?) à la part de féminité du personnage : ce personnage « bat des cils, rougit en apercevant sa secrétaire, se déhanche en solo sur les Pointer Sisters dans les salons du ministère »… mais hélas, il fait des blagues sexistes. Ne parlons pas d’Aurelia (Lucia Moniz), la femme de ménage amoureuse de l’écrivain (Colin Firth), qui brique la maison et ramasse les pages du manuscrit tombées dans l’étang. En 2023, une femme « dévouée, sexy et pas bavarde » est évidemment « le rêve du macho de base ». Les hommes dignes de ce nom, eux, doivent probablement rêver d’une femme égoïste et laide qui leur coupe la parole ?

Comme si ça ne suffisait pas, ce film multiplie les « phobies ». La secrétaire potelée (Martine McCutcheon) subit, par exemple, les sarcasmes grossophobes du cabinet ministériel (et de ses propres parents). Quelle horreur. Peut-être Hélène Marzolf ignore-t-elle que les formes de Martine McCutcheon sont précisément à l’origine de sa carrière outre-Manche. De même, la communauté portugaise de Marseille semble dépeinte comme une diaspora cradingue et vaguement arriérée. Il n’est pas venu à l’esprit de la journaliste que ce pouvait être l’avis que le monde anglo-saxon portait sur la France en général et que la métropole marseillaise ne fait rien, depuis vingt ans, pour démentir cette image. Et puis, il manque une romance entre « personnes de même sexe ». Tiens, cette fois, Télérama ne parle pas de « genre »… Décidément, c’est quand ça les arrange.

Allez, laissons Mme Marzolf à son indignation et à ses remontées acides. La journaliste elle-même convient du fait qu’un personnage « beau, riche, célèbre et célibataire » est « l’homme idéal »… comme le disent toutes les femmes « soumises » depuis des millénaires (on appelle ça l’hypergamie et c’est tout à fait compréhensible). On n’en est pas à une contradiction près. Elle oublie aussi commodément que le réalisateur Richard Curtis avait également écrit 4 mariages et 1 enterrement (1992), où l’on voit, cette fois, une histoire d’amour homosexuelle traitée d’une façon totalement normale. Elle oublie encore que dans Coup de foudre à Notting Hill, du même auteur, Hugh Grant joue un libraire londonien timide et passif, qui galère pour séduire une sublime actrice américaine (Julia Roberts) riche et célèbre, et que ce n’est pas précisément un scénario machiste, si ?

La cancel culture n’est pas seulement une maladie mentale, pas seulement un trésor de mauvaise foi, pas seulement une marque de ressentiment de la médiocrité contre la joie de vivre. C’est surtout un immanquable signe de connerie. Une connerie qui - précisons-le immédiatement - n’est pas genrée.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Ce film était un vrai bijou, dans la lignée de « 4 mariages et un enterrement ». Divertissant, émouvant; qui explore tout le domaine émotionnel sans surenchère ni ostentation avec délicatesse et humour.

    Une comédie britannique comme je les aime.

    Télérama me sert à étalonner les autres critiques. Généralement lorsque un film y est encensé, je m’empresse d’en connaitre le sujet. Si c’est provocateur, militant, décalé et idéologiquement conforme à la pensée dominante, je fuis.
    Sur d’autres productions, plus plébiscitées et généralistes, si les critiques sont élogieuses, je poursuis.

    Pour illustrer, dans le négatif, la critique dithyrambique de la palme d’or 2013 à Cannes, summum de vacuité et de provocation malsaine.
    Dans le positif, certains épisodes de la saga Mission Impossible, comme le le 3 ou le 4, dont la critique était à la mesure de la réussite.

    On ne peut demander une critique objective lorsque son rédacteur a sa propre sensibilité et ses convictions profondes.

    Sur un autre site, outre les critiques de la presse, je recueille celles des spectateurs qui permettent d’affiner.

    J’étalonne avec Télérama car j’en connais le fonctionnement dogmatique et les prédilections. C’est une première opinion validée ou non ensuite.

    Souvent non validée.

  2. Pas besoin de Télérama quand est un lecteur BV: Pierre Marcellesi suffit, pour nous apporter une critique objective des films à voir ou revoir…

  3. Les gauchistes s’appliquent consciencieusement à essayer d’éliminer tout ce qui est beau. Love Actually est pour moi LE meilleur film de Noël, je l’ai vu 8 fois et je désespère de n’avoir pas pu le regarder cette année ! Je suis fan de Hugh Grant qui incarne à mes yeux l’homme idéal- et pas que dans ses films-. Beau, fin, un brin macho mais ultra romantique et à l’humour décapant. Aucun wokiste ne peut lutter contre ça. Quoiqu’en disent les wokistes, une grande majorité de femmes adorent ce film et je dirais même

    • je le pense, oui. Il m’a été recommandé par une amie (américaine), qui, sans être wokiste, est de sensibilité « conforme ».

  4. Pour ma part, je trouve que télérama est un excellent baromètre de ce qu’il faut ou ne faut pas aller voir ! S’il est négatif à l’égard d’un film, c’est bon signe. S’il le démoli il faut vite aller le voir et s’il le trouve super, courrez voir ailleurs ! Et depuis longtemps déjà, ça marche à tous les coups ! Bien souvent, ces critiques sont « l’oeuvre » de refoulés qui n’ont pas su ou pu « faire du cinéma » ! Ils se vengent comme ils peuvent…

  5. Excellent ! On peut rajouter à la bêtise, l’ennui. Télérama encense des films militants rasoirs comme tout film militant. Ces gens sont sinistres sans aucun humour, susceptibles. Ce monde est d’un puritanisme hypocrite imbécile et sectaire donc dangereux.

  6. À Télérama et autres torchons gauchistes on y préfère « le père Noël est une ordure » ! Surtout par les temps qui courent où « Joyeux Noël » se transforme en  » Joyeuses fête d’hiver » (Nantes), ou ‘joyeuses fêtes’ tout simplement. Il y a des coups de pied aux fesses qui se perdent.

  7. La critique de film de Télérama fonctionne comme une boussole qui indiquerait le sud. Elle déteste notamment les films bon enfants et distrayants comme la série des Gendarmes de Saint Tropez ou « On a perdu la Septième Compagnie.

    Par contre un film larmoyant à la gloire de clandestins aux prises avec racisme systémique (mot à la mode actuelle) des Français sera valorisé.

  8. Un film que j’adore, revoir et revoir et qui rend heureux. Il faut être particulièrement névrosé(e) pour ne pas être emporté(e) par son rythme joyeux, le goûter et vouloir en dégouter les autres quand on est critique dans un magazine (même si ceux qui le lisent peuvent être du genre à vouloir tout intellectualiser et gâcher leur plaisir).
    PS: l’épouse délaissée n’est pas Emma Watson mais Emma Thompson.

  9. Cancel culture ou cancre culture et télérama c’est du pareil au même une belle « connerie  » qui ne mérite pas qu’on s’y attarde .

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