Les Alliés au courant de l’Holocauste, avant la découverte des camps ?

Il appartient à l’historien d’écrire l’Histoire. Mais il lui est difficile d’être totalement impartial. Il lui faudrait avoir épuisé toutes les sources, tout examiné, s’être libéré du moindre préjugé - tâche impossible. Sans compter que la découverte de nouvelles archives peut venir renverser aujourd’hui ce qu’hier on considérait comme la vérité.

C’est ce qu’il vient de se passer. Le Point nous apprend que des archives inédites sur la Seconde Guerre mondiale vont être rendues publiques, après avoir été classées secrètes, à la fin des années 40, sur la demande des États-Unis. Que voulaient-ils donc dissimuler ? Car, si le « secret-défense » peut se justifier quand les intérêts majeurs d’un État sont en jeu, n’est-ce pas un devoir absolu de ne rien cacher sur une période tragique de l’Histoire ?

Des milliers de documents de l’ONU révéleraient ainsi que les Alliés connaissaient, dès décembre 1942, les atrocités de l’Holocauste. Selon un propos de l'archiviste de la Wiener Library, une institution londonienne consacrée à l’étude du génocide juif, rapporté par The Guardian, ils pourraient conduire les historiens à "réécrire des chapitres cruciaux de l'Histoire".

Jusqu’à présent, l’on pensait généralement que les Alliés avaient découvert les camps d’extermination après la défaite des troupes allemandes. On se doutait bien que des rumeurs leur étaient parvenues plus tôt, mais on n’en avait nulle preuve formelle.

Ces archives prouveraient que les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni savaient, en 1942, qu'au moins deux millions de juifs avaient été tués et que cinq millions de plus risquaient d'être exterminés. Le gouvernement polonais en exil, par exemple, leur aurait donné des indications détaillées sur les camps de concentration d'Auschwitz et de Treblinka.

Malgré ces informations, les Alliés n’auraient guère mis d’empressement à sauver les juifs. Pire ! Un document préciserait qu’un ministre de Winston Churchill aurait déclaré que les juifs ne devaient pas être considérés comme "un cas particulier" et que le Royaume-Uni accueillait déjà beaucoup de réfugiés.

Fin 1944, des accusations pour crimes de guerre avaient été préparées contre Hitler et ses principaux collaborateurs. Mais le ministère des Affaires étrangères américain craignait que les relations économiques entre l'Allemagne et les États-Unis pussent être altérées en cas de poursuites contre les dirigeants nazis.

Ce n’est qu’après la découverte officielle des camps, durant l’été 1945, qui fit l’objet d’une grande médiatisation, que les Alliés auraient accepté la tenue du procès de Nuremberg.

On reste pantois devant tant de cynisme : si l’existence de ces archives est confirmée et leur contenu authentifié, l’on est impatient de connaître les réactions et les explications des gouvernements concernés.

Dans l’immédiat, la leçon qu’on peut en tirer, c’est que la vérité de la connaissance historique est un idéal, dont il faut essayer d’approcher, tout en sachant faire preuve d’humilité. C’est encore plus vrai quand on n’est pas un spécialiste de l’Histoire.

Ainsi, on a entendu récemment Emmanuel Macron qualifier la colonisation française de "crime contre l’humanité". Sans sourciller, comme s’il s’agissait d’une évidence. Ignorance, sans doute. Parti pris, nourri d’arrière-pensées, assurément. Mais, surtout, arrogance d’un homme qui croit détenir la vérité et n’a pas la modestie de reconnaître combien elle peut être complexe.

Jean-Michel Léost
Jean-Michel Léost
Professeur honoraire

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