Alexandre del Valle : « La Tunisie est un pays fragile, Daech cherche à le déstabiliser »

Alexandre del Valle

En fin de matinée, ce jeudi 27 juin, un double attentat-suicide a frappé la capitale de la Tunisie.

Réaction et analyse d'Alexandre del Valle au micro de Boulevard Voltaire.

Aujourd’hui à Tunis a eu lieu un double attentat à la bombe qui a fait neuf blessés et un mort. Les forces de l’ordre ont été visées.
Pourquoi l’État Islamique s’intéresse-t-il particulièrement aux forces de l’ordre ?

Cela a toujours été le cas. Que ce soit au Nigéria, au Burkina Faso, au Mali, en Irak et en Syrie, c’est une constante.
L’idée est de faire tomber un État hostile au califat. La Tunisie a une tradition laïque. C’est un État jugé hostile, ennemi et apostat. L’idée est de déstabiliser les institutions, développer l’image d’un pays dangereux pour faire tomber le tourisme, ruiner l’économie et créer la zizanie interne. C’est la stratégie du chaos. Cette stratégie a été théorisée autant par Al-Qaïda que par Daesh.

Cet attentat a touché la Tunisie. Quelle est la situation actuelle de ce pays en termes de sécurité et de terrorisme ?

La Tunisie est un des rares pays arabes qui a réussi une transition démocratique avec un pouvoir qui, dans un premier temps, est passé aux mains de Frères musulmans. Il est ensuite repassé dans le camp plus ou moins laïc. Il y a enfin une sorte d’accord entre les forces laïques et les forces islamistes soi-disant modérées du mouvement Ennahdha. C’est le côté officiel.
Au niveau du terrain, les islamistes tiennent une partie du centre et du sud et contrôlent une partie des populations. Ils ont des villes entières alimentées par le djihad libyen qui est très voisin.
La Tunisie est très tiraillée : entre islamistes politiques et laïcs nostalgiques, entre une Tunisie riche du Nord et une Tunisie pauvre du Sud, et entre des forces légalistes qui veulent un État qui tourne et des forces djihadistes.
Ces dernières ont encore une partie du territoire et des appuis dans certaines zones, notamment des zones pauvres du Sud. Il y a là-bas une porosité avec la situation en Libye qui est très problématique. Beaucoup de djihadistes ont des moyens qui circulent.
C’est un pays charnière entre le chaos libyen et l’Europe. Du point de vue des islamistes, il faut donc absolument déstabiliser ce pays. Ce pays est fragile. Paradoxalement, la Tunisie est presque plus fragile que l’Algérie vis-à-vis du terrorisme islamiste.


Peut-on dire que la Tunisie sera le nouveau carrefour de l’État islamique ?

Je ne pense pas que ce sera LE carrefour. C’est l’un des carrefours de l’État islamique, mais ce n’est pas le seul. Il y en a aussi dans la corne de l’Afrique et dans l’Afrique de l’Ouest. Il y en a un autre en Asie qui se développe avec le sud des Philippines. L’Irak reste lui aussi un foyer très important. Il y a donc plusieurs zones, mais c’est effectivement l’un des ventres mous de Daesh.
La Tunisie est considérée comme un pays qui peut être déstabilisable et qui est très tiraillé. En ce sens c’est un pays important pour Daesh et pour d’autres djihadistes.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:51.
Alexandre Del Valle
Alexandre Del Valle
Essayiste, géopolitologue

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