24 août 2020 : il est 4 h 30 du matin, Lorenzo et ses amis avec lesquels il vient de passer la soirée sont agressés avec une violence inouïe sur un parking de la petite ville de Lattes, dans l’Hérault. Selon sa mère Élise Vera, ils sont deux à s’être acharnés sur son fils, ciblant sa nuque, son dos, visiblement pour blesser irrémédiablement, voire tuer.

Comme ça, pour rien.

Lorenzo a passé 16 jours dans le coma, plusieurs de ses vertèbres sont en miettes, la moelle épinière est sérieusement atteinte, il est tétraplégique. Cet amateur de rugby ne peut plus se servir ni de ses mains ni de ses jambes. Trois de ses agresseurs présumés sont placés en détention provisoire sur réquisition du parquet… et « remis en liberté et placés sous contrôle judiciaire quatre jours plus tard grâce à une procédure en urgence de référé-liberté devant la cour d’appel, où ils ont présenté des garanties de représentation », selon le Midi libre. Au total, cinq personnes sont désormais placées sous contrôle judiciaire dans le cadre de cette procédure, explique, au Figaro, Fabrice Belargent, le procureur de la République de Montpellier.

Devant ce qui ressemble pour la famille du jeune homme à un certificat d’impunité, la mère de Lorenzo alerte les réseaux sociaux. En effet, curieusement, la presse locale passe sous silence l’agression du jeune homme et n’en parle que deux mois plus tard.

Le 9 janvier dernier, une marche blanche était organisée à Montpellier pour dénoncer « toutes les violences ». La famille de Lorenzo y est conviée mais les organisateurs, on ne sait pourquoi, renoncent à la manifestation : elle sera reprise par la mère courage de Lorenzo.

Depuis dix mois, donc, la famille du jeune n’a rien lâché : portant à bout de bras le combat d’un fils qui a déjà failli mourir deux fois, elle lance régulièrement des appels sur les réseaux sociaux pour lutter contre les lenteurs de la Justice et soulever la chape de silence qui pèse sur cette affaire. Récemment, dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, Élise s’adresse à Emmanuel Macron et lui demande pourquoi les agresseurs de son fils sont libres. « Est-ce parce qu’ils ont le bras long », demande-t-elle ? Est-ce parce que l’un d’entre eux est « le fils d’un monsieur haut placé à Montpellier ? Ils connaissent du monde et sont donc privilégiés ? » Dans une autre vidéo réalisée par le vidéaste Rémi Gaillard et relayée notamment sur RT, Élise Vera continue de s’interroger : « L'un a son papa qui travaille pour les services de l'État. Un autre, témoin, est élu à Lattes. » « Pourquoi sont-ils en liberté ? Pourquoi ne respectent-ils pas le contrôle judiciaire ? Sont-ils protégés ? »

Une fois de plus, une fois de trop, cette triste affaire fait ressurgir le problème très aigu de la violence gratuite en France, de l’aggravation de cette violence dans la délinquance et les atteintes aux personnes. En cause, ce sentiment d’impunité des délinquants, fruit d’une loi pénale française qui, par idéologie, privilégie toujours l’agresseur à la victime en exerçant envers le premier une bienveillance qu’elle ne manifeste que très rarement envers la seconde.

Le psychiatre Maurice Berger, spécialiste de la violence juvénile, exerce auprès de ces jeunes délinquants. Il travaille aussi dans un centre de réadaptation pour les victimes : « La connaissance de l’état physique et psychique des victimes a considérablement modifié ma vision des situations. » Dans des cas comme celui de Lorenzo et de sa famille, la Justice est essentielle à la reconstruction, « il ne s’agit pas là de vengeance ».

Aujourd’hui, l’instruction de « l’affaire » Lorenzo est toujours en cours. Sa famille espère que justice sera bientôt faite. Sinon, à ce cauchemar qu’ils vivent depuis dix mois s’ajoutera un autre traumatisme, l’impression terrible de subir une double peine. En effet, les juges ne devraient jamais oublier que « la nature de la sanction tient une place majeure dans la restauration psychologique de la victime, si tant est qu’on s’en soucie » (Maurice Berger).

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29 juin 2021 à 17:01

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