Ce que cache la série de départs de Valeurs actuelles

photo-output_720-1

L’issue du bras de fer entre l’actionnaire de Valeurs actuelles et le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune rebat les cartes au-delà de l’hebdomadaire de droite. Selon Le Monde, Geoffroy Lejeune pourrait prendre la tête du Journal du dimanche (JDD), désormais indirectement détenu par le groupe Bolloré, en remplacement de Jérôme Béglé, actuel directeur général de la rédaction. Ce dernier rebondirait à la direction de Paris Match. À ce jour, ces mouvements n’ont pas été confirmés à BV par les intéressés, qui n’ont pas souhaité s'exprimer. Seule certitude : Geoffroy Lejeune est remplacé par son ex-numéro deux Tugdual Denis à la tête de la rédaction de Valeurs actuelles.

Ligne de fracture

Le départ de Geoffroy Lejeune conclut une longue période de dégradation de ses relations avec le propriétaire à 100 % de Valeurs actuelles, l’homme d’affaires libanais Iskandar Safa, sur fond de bras de fer autour de la ligne éditoriale. Geoffroy Lejeune a incontestablement réveillé le journal et l'a lancé avec efficacité dans la bataille des idées. Personnalité forte, charismatique et médiatique, il a fait connaître largement la marque et a installé l'hebdomadaire et ses ramifications numériques auprès d'un public jeune. Alors, pourquoi cette rupture brutale ? Selon nos informations, l’actionnaire reproche d’abord à Geoffroy Lejeune la stratégie adoptée par Valeurs actuelles durant la campagne présidentielle, notamment une trop grande proximité avec le candidat Zemmour et Marion Maréchal qui le soutenait. Iskandar Safa aurait précisé plusieurs fois à Geoffroy Lejeune, lors des comités stratégiques et des conseils de surveillance du journal, où une dizaine de personnes étaient présentes, que Valeurs actuelles ne devait pas être le journal d’un seul candidat mais rester celui de toutes les droites.

Le propriétaire de Valeurs actuelles fait aussi porter à Geoffroy Lejeune la responsabilité d'une dégradation des comptes du journal qui pourrait basculer dans le rouge sur l’exercice 2023 alors qu’il était bénéficiaire les années précédentes. Safa reproche enfin au jeune directeur le déficit financier de la grande manifestation du Palais des Sports, le 13 avril dernier. Contacté par BV, Geoffroy Lejeune n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant. À ces griefs, il avait cependant répondu par avance. « À Valeurs actuelles, on a pris l’habitude, ces dernières années, d’avancer sous la mitraille », avait-il écrit en préambule de la campagne d’abonnement «JeSuisLaPourVA », sept mois auparavant.

Indépendance de la rédaction

« Le problème est le suivant, explique un cadre de l’hebdomadaire contacté par BV. Nous sommes en grand écart permanent entre notre lectorat adepte du parti de l’ordre – un parti qui va de Macron à Zemmour mais sans passer par Le Pen - et une autre partie de notre lectorat radicalement conservatrice qui s’oppose à la bourgeoisie libérale. » Le propriétaire souhaitait conserver les deux publics. La campagne lancée pour le maintien de Geoffroy Lejeune avait permis de capter 7.000 abonnés supplémentaires mais elle a été perçue par l’actionnaire comme une fronde du tandem Lejeune-d’Ornellas.

Le conflit entre l’actionnaire et le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles s’est finalement cristallisé autour de l’indépendance de la rédaction. « La querelle de ligne éditoriale n’est qu’un prétexte », assure un journaliste, sous couvert d’anonymat. « Geoffroy ne supportait plus l’irruption d’étrangers à la rédaction dans les affaires du journal. » Le journal a vécu les arrivées et départs successifs d’Erik Monjalous, président du directoire de Valmonde (maison-mère de Valeurs actuelles) en guerre ouverte avec Geoffroy Lejeune, puis de Charles-Antoine Rougier, placé pour réorienter la ligne mais remercié en novembre 2022 par Iskandar Safa. Le dernier, Jean-Louis Valentin, nommé en mai, s’est heurté à Geoffroy Lejeune deux jours après son arrivée, lorsqu’il a voulu participer à la conférence de rédaction. « C’est ma rédaction, tu n’as rien à faire là. Tu sors ! », a lancé Geoffroy Lejeune, nous confirme un membre de la rédaction. « Tu n’es pas sur un plateau de CNews », lui aurait rétorqué le nouvel homme fort du magazine.

Vague de démissions

Le départ de Geoffroy Lejeune, largement soutenu par sa rédaction, s’accompagne de plusieurs autres démissions, notamment celles de Charlotte d’Ornellas et du rédacteur en chef politique Raphaël Stainville. En parallèle, Baudoin Wisselman et Wilfrid Mortier, les deux figures de la chaine YouTube VA+, se sont vus signifier leur licenciement lors d’une réunion préalable, ce mardi 19 juin. Il leur est reproché la publication d’un reportage du youtubeur Papacito hébergé sur la chaîne et tourné sans accord de la direction dans les locaux de Valeurs actuelles. Cette initiative avait entraîné une homérique colère de Tugdual Denis rapportée par Libération : « Le jour où [le nouveau président de Valmonde, Jean-Louis Valentin, ou Iskandar Safa, le propriétaire des titres du groupe] ont vent de cette histoire, c’est sûr que dans la minute, ils vont me demander de vous virer. » Joint par BV au téléphone, Wisselmann affirme « n’en vouloir à personne au sein de Valeurs actuelles » et assure « comprendre les motivations de Tugdual Denis », non sans regretter « l'épée de Damoclès que fait peser la direction du groupe ». La saignée est-elle finie ? D'après nos informations, d'autres départs pourraient suivre.

L'onde de choc atteint le JDD

Désormais aux commandes de Valeurs actuelles, Tugdual Denis tente d’apaiser les esprits. Il signe un éditorial louant le travail de Geoffroy Lejeune, « un ami, un grand frère, un exemple » et se veut rassurant sur la ligne éditoriale : « Valeurs Actuelles a été et restera un journal de droite conservatrice. » Pour l'heure, la publication est la cible de nombreux de messages d’internautes mécontents. Un défi de taille pour la nouvelle équipe.

L’onde de choc de Valeurs actuelles atteint désormais le JDD. La rédaction du journal a massivement voté la grève pour protester contre l’arrivée de Lejeune, indique La Lettre A. Le conflit est ouvert, le prochain numéro ne paraîtra pas. Certains observateurs se demandent si Valeurs actuelles va devenir le JDD et si le JDD se transformer en Valeurs actuelles du dimanche... Ironie de l’histoire, voilà quelques mois, l’hypothèse de l’arrivée de Tugdual Denis à la direction du JDD avait suscité une levée de boucliers en interne.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

57 commentaires

  1. En 1973 je m’étais abonné à Spectacle du Monde, puis quelques années après j’ai pris Valeurs Actuelles. Cinquante années de fidélité à ce que j’aime dans les français, cette belle nation, où nous avons encore le droit de penser à la Cyrano, mais à ce que je constate, de moins en moins de s’exprimer. Je vais donc quitter VA en fin de mon abonnement! Bonjour BV pour mes vieux jours je compte sur Gabrielle Cluzel !

  2. C’est sans doute idiot, mais pour ma part, VA à perdu un abonné de longue date, et le JDD va en gagner un nouveau… Tout ça parce qu’un « patron » nouvellement arrivé à voulu jouer au petit chef… Grâce à Lejeune, le journal s’est développé et consolidé. Valentin a réussi à tout mettre part terre 2 jours après son arrivée… Très bon choix monsieur Iskandar ! Encore un petit effo rt et vous n’aurez plus qu’à brader votre canard … Moi, je pars au JDD…

  3. Après 40 ans de lecture assidue de mon hebdomadaire, je vais rompre notre relation économique…et d’idées.

  4. J’attends la fin de mon abonnement et adieu VA … Si Chralotte d’Ornellas , Goldnadel et les autres cités dans l’article s’en vont , cet hebdo n’aura plus de goût . Quel intérêt à lire des articles à l’eau pure ? Il me restera BV et Causeur …
    J’aurai là de quoi me satisfaire . Et puis j’ai entrepris de relire des « classiques » : « Quatre-vingt-treize » (Hugo) dans une édition ancienne ; certains ouvrages de Balzac , Zola , Flaubert , etc.

  5. je n ai pas achete VA cette semaine et je n ai pas l intention de l acheter les semains suivantes
    felicitation a Charlotte pour son courage et sa droiture
    pour le JDD j attends pour voir

  6. J’espère que Bolloré arrivera à mettre au pas les journalistes du JDD et à imposer Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction. Si VA, sous la responsabilité de Tugdual Denis, garde un cap résolument à droite; si Le Fig renonce à quelques titres gauchisants; si Causeur se maintient à flot (on doit le souhaiter très fort à cet intelligent mensuel); sans oublier CNews; alors la droite gardera toutes ses chances pour les échéances à venir.

    • 85% des titres de la presse nationale et régionale appartiennent à 5 milliardaires qui sont amis du régime au pouvoir.
      Petit rappel : en 2021 le Figaro est en tête des journaux subventionnés, il a reçu 16 179 637 euros, devant LE MONDE, qui a touché 16 150 256 euros et LIBERATION qui n’a eu que 9 832 531 euros !
      Mais on peut toujours continuer de rêver !

  7. Abonné depuis longtemps à ce journal, j’ai remarqué ces derniers temps déjà des prises de position bien étonnantes :
    tribunes libres pour Laurent Alexandre et article à la gloire des Trogneux après le fait divers devant la patisserie Trogneux dont on nous a abreuvé…De là à y voir la main de Macron, qui ne doit pas supporter qu’un seul journal encore un peu d’opposition lui échappe !!!!!!!
    Si je me désabonne, le pouvoir dictatorial en place ne pourra que s’en réjouir…Si je reste abonné, il s’en réjouira également car il aura réussi à me priver des articles forts intéressants de Geoffroy Lejeune, Charlotte d’Ornellas, Raphael Stainville et consorts !

  8. Mr Bolloré, attendez un peu avec 10 ou 15.000 abonnés en moins V.A vaudra rien et notre financier libanais qui doit probablement se moquer de l’avenir de la France bradera sa revue et nous reviendrons en masse . Merci à Bld V et surtout à M.Eyraud de nous avoir enfin éclairé sur la situation de notre journal qui très certainement avait en terme d’abonnés le plus grand taux de fidélité ….Quelle gabegie! Dans un contexte financier difficile comme vous l’avez expliqué , qui d’entre nous aurez refusé de payer 30 ou 40 € de plus sur un abonnement annuel ?

  9. Et c’est reparti pour un tour ! Oui, nous avons réellement la droite la plus bête du monde et ça se confirme chaque jour: le clivage n’est plus gauche -droite avec un centre qui penche de chaque côté selon le sens du vent; le seul sujet important c’est la survie de la France avec d’un côté les mondialo-européistes et de l’autre les patriotes souverainistes dans tous les domaines; nous avons besoin d’une union des patriotes avec MLP, EZ, NDA, ; quant aux LR, ils servent de réserve d’appoint à notre triste : Macron; je suis abonné à VA que je lis avec délectation chaque semaine car cette revue rassemble et ne divise pas ; beaucoup d’entre nous, lecteurs de BV sont pro-Zemmour , je l’apprécie comme défenseur des bonnes idées moi aussi sauf :
    – quand il passe son temps à déclarer que MLP à la fois est incompétente-et son adversaire
    -quand il recherche prioritairement une union des droites avec Ciotti, et pourquoi pas Sarkosy et toute la clique qui nous a dirigés ces 50 dernières années
    Si les électeurs de MLP, NDA, EZ ne se rassemblent pas alors adieu La France !!!!!!!!!!!

  10. Tout vient des Sleeping Giants qui ont fait pression sur les annonceurs, pour qu’ils arrêtent de financer une publication mal orientée à leur goût. Le ou les propriétaires ont décidé en conséquence, préférant préserver les annonceurs.

  11. Ah , mais : Qui est propriétaire du journal et a intèrêt à .. ménager des intérêts ? Journaliste indépendant, « c’est pas si facile » !

  12. Les médias nous rebattent les oreilles d’un Liban qui serait totalement effondré. Et en France, un homme d’affaires libanais ne trouve rien de mieux à faire que la pluie et le beau temps dans les affaires d’un journal.
    « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ».

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois