Les gilets jaunes, alliés objectifs du Système ?

Par un de ces retournements courants de l’Histoire, le mouvement des gilets jaunes pourrait bien, malgré lui, favoriser les desseins des partisans du politiquement correct en général. Et du gouvernement en particulier.

Du fait de leurs contradictions internes, les gilets jaunes mènent une action qui, à la fin, peut faciliter la tâche de l’exécutif : le dire va sembler paradoxal pour beaucoup, inacceptable pour certains, provocateur pour d’autres. Et pourtant…

Et, pourtant, la focalisation des médias sur l’ampleur et la généralisation de la mobilisation, c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt. Pendant qu’ici et là, le pays est livré au désordre et à la violence, le pouvoir en place continue ses vraies réformes de fond. Voire les accélère. Discrètement mais efficacement. Il sera en mesure de les légitimer le moment venu, grâce au soulagement apathique créé par les dispositions de fin de crise qu’il annoncera pour mettre fin à la chienlit. Les Français seront alors trop contents de pouvoir aller et venir sans risques de barrages, résignés à accepter d’autres nouvelles contraintes.

Et, pourtant, la diversité, pour ne pas dire l’incompatibilité, des différentes revendications des gilets jaunes constitue une faiblesse fatale. Non seulement leurs exigences hétérogènes contribuent à rendre peu lisible le mouvement, mais encore elles servent le pouvoir et ses médias affidés. Il est facile, par exemple, de pointer l’incompatibilité apparente entre la dénonciation de la pression fiscale sous toutes ses formes et la demande de plus de services publics, notamment de proximité.

Et, pourtant, pendant ce temps, les éléments les plus radicaux et les plus gauchisants de la sphère macronienne avancent tranquillement leurs pions. Le bruit de la contestation, complaisamment relié dans ce qu’il a de plus effrayant pour les « bourgeois » (la majorité sociologique de la France), détourne l’attention de nos concitoyens. Prélèvement à la source, réforme des retraites, ministres faisant travailler sans relâche leurs cabinets et leurs services pour publier des textes administratifs liberticides, réforme de la fonction publique, signature du pacte sur les migrations qui va réalimenter la déferlante et faire augmenter encore les impôts, tout ceci se trame dans l’ombre des projecteurs braqués sur quelques émeutiers.

Et, pourtant, les gilets jaunes ne voient rien venir : ils dénoncent avec raison l’augmentation des taxes sur les carburants, les plus lucides d’entre eux ont compris que cette augmentation massive de la fiscalité, même à l’issue d’un moratoire, ne favorisera en rien une fumeuse transition énergétique. Laquelle ne sert qu’à aggraver les périls écologiques et limiter le déficit abyssal du budget de l’État. Et, « en même temps », ils ne réagissent pas quand la réponse gouvernementale se contente d’annoncer trois fois plus d’éoliennes sur terre et en mer.

On leur refait le coup du référendum : le peuple a voté contre l’Europe ; en réaction, leurs « élites » lui ont imposé le traité. Au prétexte que, pour guérir le mal de trop d’Europe, il faudrait au contraire plus d’Europe. Rien compris, rien appris. On n’entend pas, non plus, les gilets jaunes sur l’invasion migratoire, qui pourtant leur confisque les emplois et détourne les aides économiques et sociales dont ils ont tant besoin.

Quand les feux seront éteints, quand les gilets jaunes seront rentrés à la maison comme les Bonnets rouges, l’addition sera lourde et les réveils douloureux. Certes, la révolte du départ se transforme peu à peu en début d’insurrection. Pas de quoi dégénérer en révolution. Le pouvoir le sait. C’est pourquoi il laisse faire, de façon plus ou moins adroite et maîtrisée, mais volontaire et consciente.

Sinon, pourquoi les forces de l’ordre laissent-elles passer les casseurs ?

Chaque jour, de plus en plus de Français, qui au départ trouvaient le mouvement sympathique, sont exaspérés par les blocages.

Le président de la République sait qu’un danger de débordements représente, en réalité, une occasion unique, pour lui, d’apparaître dans quelques jours comme le garant de l’ordre. Ce qui lui manque, à ce jour, dans la petite panoplie de ses costumes étriqués. Quelques ministres et conseillers seront sacrifiés au passage, ce qui lui permettra de renouveler sa garde de premier rang et d’éliminer « élégamment » tel concurrent potentiel, tel collaborateur incompétent ou dangereux pour son image.

Les gilets jaunes, à l’image du peuple de France, se rendront alors compte qu’ils ont été utilisés et trompés. Un sentiment global de gueule de bois est à prévoir.

Marc Desgorces
Marc Desgorces
Elu local et président de l'ADN (Association Défense de la Nature)

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