Quand 2018 veut renverser 68 …

IMG_5653

Daniel Cohn-Bendit, le fer de lance de la contestation étudiante de Mai 68, exprime partout sa désolation face à l’insurrection menée par un vaste groupe, nommé pompeusement par les médias « mouvement des gilets jaunes » (récemment, encore, dans la "Matinale" de France Inter du 4 décembre). Comme son compère de l’époque, Romain Goupil (qui avait pris la tête de la contestation lycéenne), il n’hésite pas à jeter l’opprobre sur ceux qui viennent d’un monde qui ne lui convient pas, en l’occurrence « l’ancien ». Ainsi, Goupil dégoupille et frôle l’insulte face à une génération qui lui échappe (dans l’émission intitulée "La Grande Explication" du 28 novembre dernier). Dany voit de plus en plus rouge. Les vieux c…, à présent, ce sont eux !

Les slogans de 68 (« L’agresseur n’est pas celui qui se révolte, mais celui qui s’affirme », « L’anarchie c’est je », « Nous sommes le pouvoir », « Frontières = Répression », « Assez d’églises », « L’infini n’a pas d’accent », « Make love. Not war », « Civisme rime avec Fascisme », « Rien », « Bientôt de charmantes ruines », « Désirer c’est bien ! Réaliser ses désirs c’est mieux », « Baisez-vous les uns les autres sinon ils vous baisent », « Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs ») n’arrivent plus à la cheville des mots d’ordre de ceux qui veulent enfin en finir avec les déconstructeurs. Les « gilets jaunes » (et non pas les anarcho-libertaires et autres voyous qui usent à souhait de l’accessoire pour mieux semer le trouble), à l’instar desdits « cathos de Versailles » qui s’étaient dressés contre le mariage homosexuel en 2013, ne veulent plus qu’on leur répète inlassablement qu’il est « interdit d’interdire ».

Décembre 2018 sonne le glas de l’ordre libéral-libertaire qui entendait asseoir définitivement sa suprématie dans la France de Clovis. Le peuple français, dans sa majorité, semble retrouver le goût des frontières. Que veut Dany, le pape de l’époque, si ce n’est l’avènement d’un monde nouveau ? Sa France est celle des régions, des grandes agglomérations et des nomades, autrement dit l’Allemagne (il fut adjoint à la mairie de Francfort-sur-le-Main, ainsi que député européen). Il ne comprend pas que les mauvais enfants de 68 ne se laissent plus prendre dans les filets d’un quelconque point Godwin lorsqu’il s’agit de parler d’immigration. Le slogan ignominieux, notamment à l’endroit des victimes de la Shoah, « Nous sommes tous des juifs allemands », ne fait plus son effet. Cohn-Bendit et Goupil s’égosillent car leur art de la bordélisation propre aux trotskistes tombe maintenant à plat.

Dany « le libertaire » avait pourtant reconnu lui-même que lui et ses camarades n’avaient pas eu de structure idéologique bien précise pour arriver à leurs fins. À vrai dire, ils voulaient simplement « vivre sans temps mort, jouir sans entraves ». Du n’importe quoi qui nourrit n’importe quoi : l’ère du vide par excellence. Cinquante ans plus tard, la génération 2.0 essaie courageusement de retourner les codes de la société du spectacle contre elle-même. Les enfants du divorce, des familles recomposées, des familles monoparentales, des emplois précarisés, de l’autodidaxie et de l’inégalité sociale ne peuvent plus supporter l’héritage de 68. Le Président Macron, vilement mis en avant par les « baby-boomers » libéraux-totalitaires (outre Daniel Cohn-Bendit, Jacques Attali, Alain Madelin et Alain Minc), paie la facture pour ses pères (Macron était leur dernier atout). Histoire d’une révolte sociale appelée à devenir une révolution culturelle.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois