Chacun se souvient de l’émission "Ce soir (ou jamais !)", de Frédéric Taddeï, une des meilleures émissions culturelles du service public. Diffusée d’abord sur France 3 en 2006, elle était passée sur France 2 en 2013, et diffusée le vendredi soir.

"Ce soir (ou jamais !), une liberté de ton gênante

En mars 2013, invité dans l’émission « C à vous » à l’occasion du transfert de son émission de France 3 à France 2, le journaliste Patrick Cohen lui reprochait d’inviter "des gens qu’on n’entend pas ailleurs [mais] aussi des gens que les autres médias n’ont pas forcément envie d’entendre". "Est-ce que vous continuerez à inviter Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral ?" lui demande Cohen. "Vous, vous faites le journal, vous ne faites pas une émission de débats intellectuels, lui répond Taddeï. Je suis sur le service public, ce n’est pas à moi d’inviter les gens en fonction de mes sympathies ou de mes antipathies." Mais l’allusion au service public ne trouble pas Cohen, lequel officie à l’époque sur la matinale de France Inter : "On a une responsabilité, quand on anime une émission de débats publics, de ne pas propager des thèses complotistes ou de ne pas donner la parole à des cerveaux malades."

Dans une tribune parue quelques jours plus tard, Daniel Schneidermann estimait que "se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle."

Cette liberté de ton n’a pas plu à la direction de France Télévisions, qui a supprimé l’émission en 2016. L’émission qui devait la remplacer, "Hier, aujourd’hui et demain", programmée après minuit (!), n’a tenu que quelques mois, de septembre 2016 à juin 2017. Frédéric Taddeï animait "D’art en art", un format quotidien court sur France 2 dont il a appris, trois semaines avant le dernier enregistrement, la disparition ou plutôt son remplacement par la people Adèle Van Reeth.

Une nouvelle émission quotidienne sur RT

RT fait sa première grosse prise avec Taddeï. Ce dernier animera un talk-show d’une heure à un moment de grande écoute (19 heures), du lundi au jeudi. Interrogé par Paul Géli, du Parisien, le 18 juillet, il explique sa décision :

"Les gens qui me reprochent d’aller animer des débats sur RT sont ceux qui aimeraient bien qu’il n’y ait plus de débats du tout. J’aurai une totale liberté sur le choix des sujets et des invités, comme je l’ai toujours eue."

Et à la question « Pourquoi RT France ? », il répond :

« C’est la seule chaîne qui m’ait donné carte blanche pour faire ce que je préfère à la télévision : une vraie émission culturelle avec de vrais débats, comme à l’époque de « Ce soir (ou jamais !) » sur France 3 et France 2. La question que l’on devrait se poser, c’est pourquoi, en 2018, il faut aller sur une chaîne russe pour pouvoir le faire. »

On ne saurait mieux dire.

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21 juillet 2018 à 10:05

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