Visiblement, on perd son sang-froid, en Macronie…

Sacha Houlié

Sont-ils devenus fous ? C’est la question que nous nous posions, jeudi, au sujet de la décision d’engager l’armée, samedi, à Paris, en renforcement des forces de police pour faire face aux violences des Black Blocs. Et à voir les réactions de la Macronie après la décision du Sénat de saisir la Justice sur les cas Benalla, Crase (les petites mains) mais aussi Kohler, Strzoda et Lavergne (les grosses têtes), respectivement secrétaire général, directeur de cabinet et chef du groupe de sécurité de la présidence, on est tenté de donner une réponse affirmative.

Il fallait entendre, jeudi soir, le petit télégraphiste du gouvernement, Benjamin Griveaux, expliquer en jouant son petit juriste que cette décision n’était fondée "ni en fait, ni en droit". Et ce, avec la même morgue, la même assurance qu’il avait montrées en expliquant, le 20 février dernier, lorsque la commission du Sénat avait rendu son rapport, que l’Élysée "aurait l’occasion d’apporter des réponses factuelles sur manifestement beaucoup de contre-vérités" contenues dans ce document. Un mois après, l’occasion ne semble pas s’être encore présentée. Ou alors cela a échappé à beaucoup…

Comme les gaullistes à la haute époque que les moins de cinquante ans ne peuvent connaître, la Macronie, visiblement, chasse en meute. C’est fou, d’ailleurs, ces modifications génétiques qui transforment un troupeau de moutons bêlant en loups carnassiers ! Ainsi, c’est à celui qui hurlera le plus fort contre ce satané Sénat. La palme revient, sans doute, à Sacha Houlié, député de la Vienne, qui s’est surpassé : "Coup de force du Sénat qui s’érige accusateur public. La confusion des genres est totale. Sa méprise sur son rôle est une forme de déconnexion. Celle-ci devra être traitée." Le sémillant député n’a pas osé - mais le cœur y était sans doute - reprendre l’expression de "forfaiture" employée par le président du Sénat Gaston Monnerville (1897-1991) lorsqu'il s’insurgea, en 1962, contre la volonté du général de Gaulle d’organiser un référendum pour introduire l’élection du président de la République au suffrage universel. "Coup de force" ? Pourquoi pas « coup d’État », "putsch", pendant que nous y sommes ? Gérard Larcher, en général Alcazar, on aura tout vu ! "Confusion des genres" ? Le Sénat auditionne des personnes sous serment, a des doutes quant au fait que ces personnes aient dit toute la vérité, alors que la loi punit sévèrement le parjure. Que fait, alors, le Sénat ? Il ne s’érige pas en "accusateur public" mais procède à un signalement à la Justice. Ni plus, ni moins. Il se peut, du reste, que le procureur classe sans suite. Il se peut, aussi, qu’il décide de poursuivre. Il appartiendra, alors, à des juges de juger. Il se peut, enfin, que les mis en cause soient relaxés. Rien de plus, rien de moins.

Maintenant, l’on peut s’interroger, voire s’étonner, de la dernière phrase du député. Que signifie que cette "forme de déconnexion […] devra être traitée" ? On aimerait une explication de texte. Traitée comment ? Au napalm ?

Visiblement, le « crime de lèse-majesté » - car toucher aux vaches sacrées du parc de l’Élysée vaut crime de lèse-majesté – semble avoir rendu définitivement foldingue toute la Macronie. Rappelons, quand même, à l'école enfantine de la Macronie que la dernière fois qu’un Président a voulu "traiter" le cas du Sénat, c’était en 1969. C’était de Gaulle qui s’y était finalement cassé les dents. Et pourtant, il était d’un autre tonneau que Macron.

Macron et la Macronie s’insurgent, aujourd’hui, que le Sénat fasse de la politique. Ils voudraient quoi ? Qu’il fasse du tricot ? Il est vrai que l’idée générale était d’évacuer la politique de la vie française. D’ailleurs, les Français votent de moins en moins, alors… La France est un pays éminemment politique. Vouloir évacuer la politique, c’est comme décider que l’eau ne sortira plus de son lit et de bétonner les berges. Un jour ou l’autre, quelque part, quoi qu’on fasse, l’eau reprend son droit. Et cela fait souvent très mal. La politique est peut-être en train de reprendre son droit dans ce pays. La haute assemblée semble le rappeler.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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