Vaccination : des médecins pas très pressés…

« Au fait, toi, tu es pressé de te faire vacciner ? »

C’est, aujourd’hui, la phrase à la mode dans les conversations entre médecins et, dans mon expérience personnelle, les réponses révèlent un empressement, disons… mesuré.

Parce que la mienne est plutôt proche de la retraite, j’ai d’abord cru que c’était une question de générations. Mais connaissance prise du taux de vaccination contre la grippe chez les soignants en 2019, révélé par une étude CovaPred de Santé publique France - 70 % pour les médecins, 40 % pour les infirmiers et 20 % pour les aides-soignants -, on conclut que la méfiance est très partagée. Moins, certes, que dans le reste de la population, mais dénotant quand même un enthousiasme modéré qui augure mal, dans ce milieu, de la très attendue vaccination anti-Covid.

D’autant plus qu’urgence obligeant, le révolutionnaire vaccin Moderna, à base d’ARN messager et expérimenté en quelques mois, semble avoir été gracié de beaucoup de contrôles et de précautions d’usage. La biotech américaine vient de déposer sa demande d’autorisation auprès de la FDA (Food and Drug Administration) et le fera incessamment pour l’instance équivalente de l’Union européenne.

Mais les médecins sont bien placés pour savoir qu’en matière de thérapeutiques nouvelles, l’empressement est souvent une imprudence. Sans parler du Mediator, on peut se souvenir du vaccin contre la dengue (arrêté, car majorant les risques de formes graves chez les primo-infectés) ou du Vioxx, espoir déçu d’un anti-inflammatoire sans effets secondaires… jusqu’à la découverte différée d’atteintes cardiaques !

Quant à la litanie des morts égrainée des semaines durant par le Dr Salomon, elle ne leur a pas fait oublier que le Covid-19 a un très faible taux de mortalité et que le nombre total de décès en France, en 2020, ne sera sans doute pas très différent de la moyenne des années précédentes. Beaucoup estimeront donc probablement que le rapport bénéfice/risque n’est pas si élevé.

Notons que, pour leur protection personnelle, les médecins sont assez peu anxieux, car la plupart ont côtoyé tous les jours des contagieux sans en être affectés, et ils savent appliquer « en professionnels » les précautions d’asepsie apprises en salle d’opération ; certains feront le choix de la vaccination avant tout pour la protection de leurs patients.

Enfin, en application de l’adage selon lequel c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, d’autres praticiens préféreront patienter jusqu’à la mise sur le marché des vaccins sur lesquels travaille l’Institut Pasteur avec divers autres laboratoires, peut-être moins efficaces, mais basés sur des techniques plus éprouvées.

Et pour leurs patients, les médecins feront leur devoir de toujours : donner une information loyale, la plus claire possible, en fonction de ce qu’ils auront compris des « données actuelles de la science » et retenu de leur expérience…

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Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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