Une biennale pédagogiste

Le Monde du 15 novembre rend compte, de manière dithyrambique, de la première Biennale internationale de l’éducation nouvelle sous le titre "Éducation : et si on arrêtait la compétition ?" Dans cette biennale se sont retrouvées des associations, essentiellement françaises, qui militent depuis des décennies en faveur d’un enseignement dit "coopératif". La crème du pédagogisme. Il s’agit de faire en sorte que les élèves s’enseignent entre eux, partant du principe que chacun peut être bon dans un domaine et donc aider les autres à y progresser. Le fort en maths aidera ses camarades en maths, le fort en pâte à modeler de même.

Cette éducation n’est pas si nouvelle que cela. Ses inspirateurs, Montessori ou Freinet notamment, œuvraient au tournant des XIXe et XXe siècles. Question nouveauté, on repassera. D’autant que la philosophie de ce mouvement trouve ses racines au XVIIIe siècle dans Émile, de Rousseau.

La nouveauté revendiquée de cette éducation est, en fait, relative à un enseignement traditionnel, plus ancien, dans lequel le professeur enseigne frontalement le même contenu à des élèves passifs, sans se soucier de leur hétérogénéité ni de savoir s’ils ont compris ce qu’il leur dit.

Cette caricature de l’enseignement classique n’est pas la seule fraude intellectuelle à laquelle les tenants de cette pédagogie ont recours. Le modèle auquel ils aiment se référer est le fameux modèle finlandais. Que la Finlande soit un pays de 5,5 millions d’habitants seulement, très homogène ethniquement, ne les empêche pas de prétendre transposer ce modèle à la France. Autant prétendre transposer le modèle économique luxembourgeois à la France au prétexte de ses excellentes performances !

D’autant plus que si on s’attache aux pays dont l’école est efficace au regard des critères des études PISA, la Finlande n’est pas la seule ni même la plus efficace. Singapour, Hong Kong, la Corée du Sud font aussi bien, voire mieux. Mais le modèle n’est pas du tout le même ! Dans ces pays, c’est au contraire la compétition entre les élèves qui est favorisée. L’enseignement y est exigeant, avec de nombreux contrôles, et les enfants, pour réussir, suivent le plus souvent des cours supplémentaires en dehors de l’école. Ne mettre en avant que les résultats qui confirment l’hypothèse de départ et écarter les autres, c’est de la malhonnêteté intellectuelle.

Pour justifier de la pertinence de leur modèle d’école, les participants à cette biennale mettent en avant des travaux « scientifiques ». En fait des affirmations de sociologues et de spécialistes en sciences de l’éducation. Qui, en France, se situent à peine au-dessus de l’astrologie pour ce qui est de la scientificité... Des études sérieuses existent. Notamment l’étude « Follow Through » menée de 1968 à 1977, ou plus récemment celle de l’université de Stanford. Que montrent-elles ? Que les méthodes qui fonctionnent le mieux sont celles centrées sur l’enseignant et non celles centrées sur l’élève. Ce que fait la pédagogie traditionnelle et l’inverse de leur pédagogie nouvelle.

Mais peu importe à ces Folamour de l’école. Leur objectif n’est pas de transmettre le savoir. Dans leurs bouches, il n’est question que de "savoir-être", de "développement de l’altruisme", d’empathie, de cohésion sociale, etc. Autrement dit, leur but est de façonner l’enfant dans un projet de transformation de l’homme pour en faire une espèce de Bisounours pour qui tout le monde est gentil, qui refuse tout affrontement. Ce n’est pas l’instruction, le savoir qui leur importent, mais l’éducation, voire la rééducation. Leur projet pour l’école est totalitaire quand l’école qui instruit est émancipatrice.

Pierre Van Ommeslaeghe
Pierre Van Ommeslaeghe
Professeur de philosophie

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