Thierry Ardisson, ou les élégances de l’homme en noir…

De Jacques Laurent et Jean-Paul Sartre, et de Booba et Rohff, la polémique entre artistes et écrivains demeure une vieille tradition française. Autrefois, on parlait de duels épistolaires, voire de duels tout court ; aujourd’hui, on dit que ça « clashe ».

Ça « clashe » donc sévère entre l’animateur Thierry Ardisson et l’humoriste Stéphane Guillon. Le second tentait naguère de nous faire rire sur le plateau télévisé du premier, à l’occasion de l’émission "Salut les Terriens !", sur la chaîne C8, avant de se faire virer par Vincent Bolloré, nouveau patron du groupe Canal+. Motif de la disgrâce ? Guillon débinait fréquemment son employeur dans des billets se voulant drôles et que Bolloré ne trouvait pas drôles du tout.

Tout cela est finalement des plus logiques, sachant qu’il n’y a pas de raisons métaphysiques pour que les journalistes ne soient pas tenus au même traditionnel devoir de réserve que, admettons, les vendeurs de voitures. Imaginez, ainsi, l'employé d’un concessionnaire Renault qui débinerait les automobiles de la marque au losange pour les envoyer à la concurrence, chez celle au lion ou aux chevrons. Il serait viré dans l’heure et personne n’y trouverait à redire.

Mais Stéphane Guillon ne saurait s’arrêter en aussi bon chemin, surtout en pleine promotion de son dernier livre, Journal d’un infréquentable. Après avoir « clashé » Vincent Bolloré, il « clashe » désormais l’homme en noir, l’accusant de "pleurer à la commande, mais pas toujours au bon moment". Du coup, "on coupe et on refait la séquence pour qu’il pleure exactement là où il a décidé de pleurer." La belle affaire ! Thierry Ardisson n’a jamais fait mystère de remonter ses émissions, afin d’en éliminer les longueurs et d’en maintenir le rythme nécessaire ; un peu comme un journaliste peaufine sa copie avant parution. D’où cette réponse lapidaire : "Tu gagnais dix mille euros par semaine et je comprends qu’aujourd’hui, cela te manque cruellement…"

On notera que le présentateur est coutumier de ce type de controverses se concluant généralement par des réconciliations aussi bruyantes que médiatisées, Marc-Olivier Fogiel – et bientôt Frédéric Beigbeder ? – en sait quelque chose. Une vieille tradition française, disions-nous. Ces choses étant écrites, on n’oubliera pas que Thierry Ardisson a toujours valu mieux que l’image qu’il renvoie.

L’homme est cultivé, fait rare dans ce milieu. Assume crânement ses opinions dissidentes : son royalisme, tout comme son catholicisme, ne sont pas feints et il n’a jamais renié les affections de jeunesse qu’il portait à l’OAS. Quand Stéphane Guillon se prétend « infréquentable », on a véritablement envie de pleurer, que ce soit ou non à la commande ; car Thierry Ardisson n’a jamais fait mystère de côtoyer de véritables « infréquentables », en privé comme en public. Le défunt Serge de Beketch, qui l’avait reçu naguère à Radio Courtoisie, lui en est toujours resté reconnaissant. Alain Soral et Dieudonné lui savent sans doute aussi gré d’avoir par lui été invités, alors même qu’ils commençaient à passer du côté obscur de la force.

Tel a toujours été le talent de Thierry Ardisson, consistant à louvoyer jusqu’à la « zone rouge » médiatique. Avec parfois des accrocs - Robert Ménard, pour ne citer que lui -, mais aussi ses moments d’élégance - avec Marine Le Pen, pour ne citer qu’elle. Il y a quelques années, quand l’émission "Tout le monde en parle" faisait figure de rendez-vous incontournable sur France 2, la future présidente du Front national demanda une émission sans chroniqueurs intempestifs, sans coupes ni montages. Elle obtint satisfaction ; ce qui fut longtemps reproché à notre homme par le personnel de la chaîne en question.

Pas trop mal, pour un saltimbanque… Après, il est parfaitement licite de préférer Cyril Hanouna.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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