Terminus des prétentieux, tout le monde descend !

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Au fond, nous terminerons tous dans la farce commune. Qu’on le veuille ou non. Certains meurent en monument, d’autres dans un cul-de-bas-de-fosse, chantait Brel. On le sait mais on ne veut pas le croire. On biaise, on louvoie, on tourne autour du pot. Si, au moins, on pouvait assister à ses funérailles ! On fait bien des répétitions de mariage avec essai des plats, des vins et de la sono.

Mais n’est pas Charles Quint qui veut. Alexandre Dumas, dans La Royale Maison de Savoie, évoque cette répétition en présence du personnage principal : « Enfin, vers le commencement du mois de juillet de cette même année 1558, lassé d’assister aux funérailles des autres, et blasé sur cette funèbre distraction, Charles Quint résolut d’assister aux siennes. » Une piste à creuser, six pieds sous terre, pour les entreprises de pompes funèbres de notre temps. Après tout, la mort et ce qui s’ensuit sont un business comme les autres.

Avec le temps (tout s’en va, on sait !), par la force des choses, les générations se bousculent au portillon, le carnet d’adresses se métamorphose en chronique nécrologique et la visite au cimetière se fait plus fréquente. Et c’est là qu’on constate avec un certain désarroi que nos « espaces funéraires » deviennent vraiment tristes à mourir. La faute à qui, Monsieur ? À la standardisation, mal implacable qui frappe inexorablement notre société moderne, n’épargnant même pas nos dernières demeures. Allez faire un tour, juste pour voir, comme qui dirait en reconnaissance, dans l’un de ces nouveaux cimetières en périphérie des anciens menacés par la crise du logement. Cela va vous décupler l’envie de faire « la tombe buissonnière », comme chantait Brassens dans son testament enregistré, non pas devant tabellion, mais sur microsillon. Franchement, ces nouvelles zones pavillonnaires pour allongés n’ont rien du « champ léthargique » où le père Hugo se prenait à rôder et rêver. Ainsi va le monde, me direz-vous.

Mais que faire ? On restaure bien de vieilles bicoques avec poutres apparentes. On devrait pouvoir faire pareil avec sa dernière demeure. « Tombeau de caractère, dans son jus, vue imprenable, au calme, beaux volumes, prix à débattre… » Évidemment, le viager ne serait pas forcément une bonne affaire.

En attendant de rejoindre le dortoir définitif et puisque nous ne sommes pas pressés, faisons d’abord un petit crochet par celui, si mélancolique, des éléphants de Monsieur Eddy. Puis, comme il nous reste un peu de temps et qu’il ne fait pas encore tout à fait nuit, pourquoi pas un détour par la plage de Sète où Brassens voulait passer sa mort en vacances.

Certains, de toute leur vie, n’en font jamais. Parfois, à s’en rendre malheureux. Comme une pierre… tombale. Pourtant, à bien y regarder, la vie est faite de concessions. Comme les cimetières. Certes, celui qui n’en aurait jamais fait pourrait, orgueilleusement, faire graver cette épitaphe sur son tombeau : « Il n’en fit qu’une seule dans sa vie : ici-même et elle est perpétuelle. » Terminus des prétentieux, tout le monde descend, nous disent, depuis la maison mère, Michel Audiard et Bernard Blier.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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