On le savait déjà au printemps : l’efficacité vaccinale est partielle et, donc, pour éviter un nouveau recours au confinement, très peu de sujets à risque de Covid grave ne doivent échapper à une injection vaccinale répétée. C’est d’autant plus vrai que le variant est plus contagieux et que le vaccin semble avoir perdu de son efficacité pour réduire la transmission.

Il ne conserverait une efficacité que pour éviter les formes graves de la maladie. J'ai pu lire, ici et là, que « la vaccination n’est pas altruiste ». Cette phrase me semble fausse. En se vaccinant, l’individu à risque se protège d’une forme grave du Covid et, donc, évite d’occuper un précieux lit d’hôpital dont pourra profiter autrui.

Le nœud du problème sanitaire est là : sauf à faire des investissements très lourds, sans fin, on manquera de places d’hôpital lors des pics épidémiques et le personnel soignant ne se multiplie pas avec une baguette magique. Le vacciné ne protège peut-être pas ses contacts de la contamination, mais la vaccination reste un geste altruiste car elle contribue à protéger l’hôpital et, donc, toute la société. Au contraire, ne voir que sa liberté, oublier le bien commun - en l'occurrence, l’hôpital qui soigne et réanime -, c’est égoïstement ne pas voir plus loin que le bout de son nez.

Il est déraisonnable de vivre comme s’il n’y avait pas de virus et de réclamer à la société un effort de soin si on tombe malade alors qu’on a soi-même négligé l’effort d’éviter le Covid. La société a le devoir de secourir l’individu, mais ce dernier a celui de s’efforcer de la protéger et de mériter ses droits.

Comme pour le personnel soignant, la raison voudrait que la vaccination soit déclarée obligatoire pour les personnes connues à risque de forme grave, notamment les plus de 65 ans.

Mais dans notre société, l'émotion prime. Les mots « devoir » ou « obligation » heurtent et Macron a rejeté d’emblée l’obligation vaccinale. Novlangue choisie, le pass sanitaire a été préféré. L’inéluctable effort pour éviter les pics épidémiques est, ainsi, soit de se vacciner, soit de se tester tous les trois jours, soit de restreindre ses activités sociales.

Le problème est que le mot « pass », devenu « passe » en français, passe si bien auprès des vaccinés qu’ils peuvent se croire tout permis et oublier le risque persistant de contaminer gravement autrui. Par ailleurs, il finit par concerner les adolescents et nous rapproche, en pratique, d’une obligation vaccinale pour tous, moins raisonnable. Le rapport bénéfice/risque de la vaccination des plus jeunes n’est pas clair. Il ne sera favorable que si un nouveau variant est plus agressif ou si le vaccin protège contre sa transmission. Actuellement, l’obligation vaccinale des plus jeunes ne n’impose pas à la raison, au contraire de celle des anciens.

Le passe vaccinal actuel résulte surtout du refus d’une obligation vaccinale sélective des vieux. C'est une construction audacieuse et branlante. Ses défauts sont le prix de l’égalitarisme et du libertarisme, dévoiement de l’égalité et la liberté individuelle quoi qu’il en coûte.

Nous sommes en pleine épidémie, mais le virus paraît enfin cesser d’être la première préoccupation française. Quelques jours, l’Afghanistan a pris le dessus dans les médias. En France, le nombre de nouveaux contaminés semble refluer et celui d’hospitalisations ne plus augmenter. Certains espèrent un proche retrait de l’obligation du masque.

S’il se confirme que l’épidémie est maîtrisée sans reconfinement, Macron pourra s’afficher en vainqueur du virus. Ses concurrents, ayant dilapidé leurs flèches sur la question vaccinale, seront affaiblis. Il pourra répliquer que le virus a été contenu par une vaccination, au final, plus ample en France qu’ailleurs, grâce à lui. Sur le terrain sanitaire, il sera réélu.

Pourtant, Emmanuel Macron n’est sans doute pas le sauveur que la France attend. À six siècles de distance, nous sommes à Paris dans la situation des Byzantins dans l’actuelle Istamboul. Simplement, le débat sur l'obligation vaccinale ou le passe vaccinal a remplacé celui sur le sexe des anges.

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04 septembre 2021 à 18:25

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