[STRICTEMENT PERSONNEL] Un Président déni oui-oui
Dans le chaos où sa brillante initiative a abîmé le fonctionnement des institutions et bouleversé le paysage politique, au seuil d’un été décidément sportif, et finalement plongé le pays, il est au moins une question qui appelle une réponse immédiate et quasi unanime : dans l’affaire, qui est le grand perdant ? Où se confirme, au passage, une vérité en passe de devenir un adage : une première difficulté est de voir ce que l’on voit, une deuxième de dire ce que l’on voit. Les événements en cours ont démontré une fois de plus chez le président de la République une capacité exceptionnelle à ne pas voir, à refuser de voir ou, dans une hypothèse plus conforme à son caractère, à faire comme s’il ne voyait pas.
En décidant la dissolution et la tenue d’élections législatives dans des délais incroyablement courts, le grand stratège de l’Élysée avait calculé que la gauche, éparpillée aux quatre vents de l’Histoire, serait incapable de partir unie en campagne. La suite a montré qu’il s’était lourdement trompé. Machiavel aux petits pieds, il comptait aussi, comme d’habitude, sur la peur pour rassembler autour de lui une partie de l’électorat en agitant l’inusable épouvantail du Rassemblement national. Rien n’a fonctionné comme prévu.
Un sursis en lieu et place d'un sursaut
La gauche a fait front, et même Front populaire. Il était anachronique de croire qu’agiter le chiffon brun d’un succès du RN allait affoler comme naguère des millions d’électeurs. Enfin, et surtout, le chef de l’État a grossièrement sous-estimé l’ampleur et la force du rejet dont il est lui-même l’objet. Résultat : il espérait un sursaut, il n’a obtenu qu’un sursis. La gauche, à peine ressuscitée des morts, à peine réunifiée et déjà divisée, gémit qu’on lui a dérobé sa victoire et hurle comme si elle avait remporté le jackpot, alors qu’elle n’a fait que récupérer sa mise et son niveau habituel d’environ un tiers des suffrages. Elle s’affirme « majorité relative » dans l’espoir de faire oublier qu’elle n’est qu’une des trois minorités effectives, hors d’état d’appliquer son programme sans l’accord des deux blocs hostiles qui auraient vite fait, si d’aventure elle accédait à Matignon, de lui infliger une motion de censure bien réelle. Quant au RN, en comparaison du triomphe qu’on lui annonçait et auquel ses dirigeants, ses militants et ses partisans avaient fini par croire, son résultat final a pris l’allure et a donné l’image d’une apparente défaite qui ne correspond nullement à la réalité des chiffres.
Il est vrai que le barrage républicain a bien fonctionné, peut-être pour la dernière fois. Le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella n’en a pas moins gagné, au passage, une cinquantaine de sièges en récoltant un tiers des voix. Ce qui n’est pas tout à fait rien. Il est cependant clairement apparu, à la veille du second tour, que le parti supposément « dédiabolisé » a été pris ici et là en flagrant délit de succomber à ses vieux démons. Un certain nombre de ses candidats ont fait la preuve de leur incompétence et de leur impréparation. À la direction du parti, les plus intelligents, à qui il arrive aussi d’être les plus optimistes, se réjouissent discrètement de ne pas avoir dû affronter les problèmes, les obstacles, les déceptions et les colères auxquels les aurait confrontés la réalité du pouvoir. Aux grands et aux petits chefs du mouvement, s’ils en sont capables, de comprendre la leçon et d’en tirer les conséquences. Pour cela, et en vue de la prochaine présidentielle - épreuve de vérité entre toutes -, ils disposent encore d’un délai de douze à trente-six mois. C’est selon. Il est encore trop tôt pour savoir si une nouvelle dissolution interviendra d’ici un an, comme le permet la loi, ou si, autre hypothèse, Emmanuel Macron se résignera, malgré lui mais à la satisfaction générale, à mettre prématurément fin à son mandat-croupion.
Quoi qu’il en soit de cet avenir encore lointain, les mois et même les jours qui viennent ont d’ores et déjà tout d’un long tunnel envahi par le bruit, la fureur, les alliances les plus improbables, les rapprochements les plus inattendus, les plus cyniques et probablement les moins viables. Tous les éléments à notre connaissance donnent à penser que nous allons vers une Assemblée ingouvernable, des coalitions contre-nature et le retour vers l’impuissance du pouvoir, l’instabilité de l’exécutif, le petit jeu des grands partis et des petites ambitions auxquels la Ve République était censée avoir mis un terme.
Une leçon britannique
Tandis que, devenus soudain indifférents aux tapages, aux tumultes et aux orages du monde extérieur, et même (qui l’eût cru) à l’Euro de football et aux JO, les Français se penchaient, qui avec anxiété, qui avec espoir, qui dans la joie et qui dans la fureur, sur leur nombril tricolore, la Grande-Bretagne traversait elle aussi une « crise historique » face à laquelle nos voisins et parfois amis britanniques se sont comportés bien différemment. Vérité en deçà du Channel, erreur au-delà.
Premier ministre d’un gouvernement conservateur, à bout de souffle et au sommet de l’impopularité, Rishi Sunak annonçait, fin mai dernier, tel Emmanuel Macron, des élections législatives anticipées. Ces élections ont eu lieu, comme on sait, pour autant qu’on s’y soit intéressé de ce côté de la Manche, le 4 juillet dernier. Elles ont infligé aux Tories leur défaite la plus massive et au Labour sa victoire la plus écrasante depuis le début du XXe siècle. Dès le lendemain, 5 juillet, M. Sunak reconnaissait sa défaite, s’excusait auprès des Conservateurs, félicitait son adversaire travailliste, déménageait ainsi que tous ses ministres du 10 Downing Street, présentait sa démission au roi Charles III et retournait à la vie civile. Le 6 juillet, Keir Starmer s’installait avec son équipe au siège du gouvernement. La crise vécue par l’Angleterre se résolvait immédiatement, pacifiquement, conformément aux règles non écrites, aux traditions et aux usages du pays. Une leçon nous était donnée, et ce n’est pas la première, par la perfide Albion, « mère des Parlements » et de la démocratie parlementaire.
Car les Anglais sont peut-être monarchistes - encore que -, mais ils sont certainement démocrates. Nous autres Français, nous sommes peut-être républicains - encore que -, mais pour ce qui est de la démocratie nous avons encore quelques efforts et quelques progrès à faire.
Thématiques :
Emmanuel MacronPour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
29 commentaires
La clé de voûte du pouvoir actuel, c’est le rejet du RN. Chacun l’utilise comme une martingale quand il est acculé. Le RN monte car il prend en compte les préoccupations fondamentales des français : plus de pouvoir d’achat, plus de sécurité, moins d’immigration. Les autres partis se liguent pour expliquer aux électeurs qu’ils se trompent d’objectif. Et leur coup de maître est d’avoir mis en place un système de représailles extrêmement dissuasif pour empêcher tout dialogue avec un membre du RN. Ce qui arrive ce jour à Yael Braun Pivet est instructif : si on tape sur google-image « Yael Braun Pivet et Marine Le Pen », on les voit ensembles souriantes. Regardez bien comment cela va finir pour Yael, à qui on n’a rien d’autre à reprocher …
Et ce n’est pas la première fois que l’on peut constater la correction, pour ne pas dire l’élégance dont font preuve les dirigeants britanniques quand les suffrages leur font défaut : comment ne pas saluer une fois de plus l’élégance d’un W. Churchill battu aux élections au lendemain d’une victoire dont il avait pourtant été le plus grand artisan, et même le seul avant que les USA ne viennent en renfort ?
Encore 3 ans avant les présidentielles. D’ici là le nombre d’immigrés qui auront acquis la nationalité française sera demultipliée. Les musulmans risquent de devenir majoritaires, avec ses conséquences sur les votes des « francais ». Il faudrait queles autochtones cessent d’être complaisants envers la gauche et se réveillent pour « faire barrage » à LFI ! Mais il y en a qui sont indécrottable et têtus.
Au lieu de rêver à la présidentielle, le RN ferait mieux de jeter toutes ses forces dans les municipales parce que pour ce qui est de la crédibilité et de l’implantation locales un très gros boulot reste à faire. L’assemblée nationale et la présidence sont à ce prix.
Macron pensait sans doute par son geste parfaire la destruction de la France, de plus en plus hostile à « son » Europe. Il n’a fait que conforter le RN dans ses ambitions pour 2027, car d’ici là, les Français auront eu le loisir d’assister au minable spectacle d’une assemblée ingouvernable dominée par les élucubrations braillardes de certains députés…
Peut-être une bonne chose pour le RN…Prendre en compte l’état de la France :il n’aurait pas fallu longtemps avant qu’il en soit tenu pour responsable.