[STRICTEMENT PERSONNEL] Le soleil se couche à l’Ouest

Il serait fâcheux qu’il se couche sur l’Occident.
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Quelques réflexions, plutôt sombres (on m’en excusera), mais il faut de temps en temps regarder la vérité en face, quitte à en perdre la vue… Ces quelques notes, donc, au hasard et en marge de l’Histoire et de l’actualité.

Février 1715. Après l’ambassade de Gênes, puis celle du Siam, Louis XIV accueille avec éclat, dans la galerie des Glaces de son tout beau tout neuf château de Versailles, une délégation persane. Le nom du Roi-Soleil, pourtant proche de son dernier Grand Coucher, a ébloui, lui assure-t-on, jusqu’au lointain roi des rois en son palais d’Ispahan. La France est alors, et pour un siècle encore, à l’apogée de son rayonnement. Comment peut-on être persan ? Montesquieu pose la première question qui vient à l’esprit des heureux riverains des bords de la Seine.

Comment peut-on être français, en juillet 2025 ?

À genoux si ce n’est à plat ventre, en dépit de ses grotesques rodomontades, devant la puissance israélienne et la superpuissance américaine, l’Iran des mollahs qui n’y vont pas mollo, vaste comme trois fois l’Hexagone et une fois et demie plus peuplé, s’en prend au pays dans le monde auquel il est le moins dangereux de rire au nez, voire de botter les fesses, ce dont ne se privent ni ses pires ennemis ni même ses meilleurs alliés. Non seulement Téhéran ne libère pas les quelques otages français qui lui sont tombés entre les griffes, mais on ne s’y donne même pas la peine de répondre aux messages plaintifs de notre bon vieux Quai d’Orsay. C’est dire la considération dont nous jouissons là-bas...

Retour ailleurs et en arrière. 5 juillet 1830. Alger et son fameux coup de dey. Le délégué local de l’Empire ottoman, ce grand malade, a effleuré de son chasse-mouche ou giflé de son éventail - les versions varient - notre consul dans la Ville blanche. La réponse du roi de France, Charles X, sera fulgurante. Un corps expéditionnaire débarque de l’autre côté de la Méditerranée. C’est le coup d’envoi des cent trente ans de l’Algérie française.

Juillet 2025. Le dictateur (mal) élu de la République algérienne issue de la guerre d’indépendance multiplie les injures et les avanies contre l’ancienne puissance coloniale. Après l’arrestation arbitraire, l’incarcération inique et le jugement scandaleux rendu contre Boualem Sansal, écrivain algérien devenu citoyen français, on apprend que le digne successeur des légendaires Barbaresques détient depuis plus d’un an un journaliste sportif, notre compatriote, dont le tort, il est vrai gigantesque, est d’avoir parlé football avec le dirigeant d’un club kabyle. Pourquoi M. Tebboune se gênerait-il ? Il n’ignore pas que, tôt ou tard, le fantôme de l’Élysée lui présentera ses regrets et s’excusera de lui demander pardon.

1900. Domination absolue de l'homme blanc

1900. L’Europe qui pèse 33 % de la population mondiale, l’Europe, autrement dit l’homme blanc, règne ou pèse, soit directement à travers ses grands empires coloniaux, notamment le britannique et le français, soit sous la forme de protectorats ou par le biais de traités inégaux, sur la totalité de l’Asie (moins le Japon) et sur toute l’Afrique, à la seule exception de l’Abyssinie. Cette domination absolue, apparemment destinée à se perpétuer, elle ne la doit pas, comme se plairont à le croire et à le faire croire théoriciens et pratiquants du racisme le plus élémentaire, à on ne sait quelle supériorité génétique du Caucasien sur l’homme « de couleur » mais à son avance technique, à ses armes, à la vigueur de ses ambitions, à sa vitalité, à son esprit de conquête, à la faiblesse militaire et politique des pays qu’elle colonise.

L’Empire romain, lui aussi, avait établi sa paix et étendu sa civilisation à toute l’Europe occidentale et au bassin méditerranéen. Il a duré trois siècles. Il en reste d’innombrables vestiges et une immense nostalgie. Les empires coloniaux modernes, eux, se sont effondrés en soixante ans. Il n’en subsiste d’un côté que deuil ou culpabilité, de l’autre qu’accusations et ressentiment.

Comment une telle chute, et si rapide, a-t-elle pu se produire ? Comment l’Europe, enivrée de son succès et trop sûre de sa force, a-t-elle cru pouvoir se déchirer impunément en jouant par deux fois au jeu le plus stupide et le plus destructeur, celui des deux guerres mondiales où elle a laissé sa jeunesse, son dynamisme, sa prédominance, sa confiance en elle-même, en trahissant les vertus et les valeurs qu’elle a si bien prêchées et si peu ou si mal pratiquées.

2025. L’Europe ne rassemble plus que 7 % de la planète

Elle est punie là même où elle n’avait pas péché. L’explosion démographique des autres continents ne doit rien à un accroissement de leur fécondité mais tout au fait que les enfants n’y meurent plus au berceau. Quant à la différence avec les courbes européennes, elle tient à de multiples causes. L’affaiblissement des religions, leur remplacement par le culte du plaisir égoïste et du confort individuel, la découverte et la diffusion de nouveaux procédés de contraception, le changement des mœurs et des priorités, mais peut-être avant tout le pessimisme fondamental né des deux guerres où la folie furieuse a englouti la douceur de vivre, la foi dans le progrès et l’estime que se portait l’espèce humaine, ont porté une série de coups fatals au don et à la transmission de la vie, et donc à la natalité. Kipling magnifiait en son temps le fardeau dont était porteur, selon lui, l’homme blanc, celui, apparemment, de la civilisation, du bonheur et du devenir de l’humanité. L’homme blanc s’est discrètement débarrassé de son fardeau et en même temps de sa mission. L’homme blanc ne croit plus à l’homme blanc. Il arrive même qu’il soit son pire ennemi.

Rien n’a remplacé, rien n’a pu remplacer les vingt millions de morts que le premier conflit mondial a couchés sur le sol de l’Europe et les cinquante millions de victimes du deuxième et, à ce jour, dernier affrontement de l’ère du pré-nucléaire. Le prochain, dont la menace se profile, sera pire. Dès à présent, l’aspect le plus pathétique et le plus lamentable de la guerre fratricide et meurtrière qui oppose depuis plus de trois ans l’Ukraine et la Russie et de son bilan, encore non établi, est que les deux pays slaves avaient en commun, avant même le début du conflit, leur stagnation, voire leur recul démographique, fléau qu’elles partagent avec la vieille Europe et dont on ne voit pas que le conflit en cours le fasse reculer.

Quelques chiffres. L’Algérie, en 1960, comptait dix millions d’habitants, dont un million d’origine européenne. Elle en compte aujourd’hui quarante-neuf millions, à 99,6 % de souche africaine. La France, parallèlement, a vu sa population passer de soixante millions d’habitants, dont 5 % d’immigrés, à soixante-huit millions, dont plus de 10 % d’origine étrangère et environ 5 % de provenance africaine.

À ce phénomène que rien, à ce jour, ne semble endiguer, et qui ne concerne pas seulement notre pays mais tout le Vieux – tellement vieux – Continent où les peuples premiers, les autochtones (comme on dit pour les Inuits, les Amérindiens et les Kanaks et comme on ne dit pas pour les Espagnols, les Italiens, les Hongrois, les Bulgares, les Belges... ou les Français) sont menacés qui de submersion, qui de disparitions pure et simple ; plusieurs noms, des plus doux aux plus brutaux, ont été donnés.

Un jour de grand courage, Valéry Giscard d’Estaing osa parler de « grande invasion »

Pour le doux poète populiste Jean-Luc Mélenchon, il n’y a pas lieu de parler d’immigration mais bien de créolisation, un joli nom qui fleure bon les Antilles, le rhum et les îles, le mariage harmonieux de Joséphine de Beauharnais et de Toussaint Louverture, voire de Catherine Deneuve et de Tariq Ramadan. D’autres, qui n’y vont pas par quatre chemins, parlent de « Grand Remplacement ». Il paraît que l’expression n’est pas politiquement correcte. Elle n’en a pas moins le mérite de bien dire ce qu’elle vise. Un jour de grand courage et de grand vent, Valéry Giscard d’Estaing osa parler de « grande invasion » et suscita un tel tollé qu’il ne s’y hasarda plus. Le terme était pourtant peut-être le plus juste, et il avait le mérite de rappeler qu’une grande invasion peut être pacifique et néanmoins mortelle. La chute de l’Empire romain en témoigne pour l’éternité.

Nul ne saurait ignorer les multiples raisons et les intentions, bonnes ou pas, qui amènent un natif du Burkina Faso ou de l’Afghanistan à préférer l’Île-de-France et même la Seine-Saint-Denis à sa terre de naissance. Nul, s’il est de bonne foi, ne niera les multiples problèmes d’adaptation, d’insertion, de compatibilité, de tranquillité, de sécurité, d’assimilation, d’intégration que pose à notre pays comme au reste de l’Europe et même aux États-Unis, terre de migrants par excellence, le déferlement massif de milliers, de centaines de milliers, de millions de nouveaux venants. Des problèmes qu’aucune terre d’accueil ne semble dans les faits capable de résoudre de façon satisfaisante.

Le soleil se couche à l’Ouest. Ce n’est pas nouveau. Il serait fâcheux qu’il se couche sur l’Occident. Or, face à la marée qui monte et que nul, jusqu’à présent, n’a su ou voulu contenir, nos mœurs, notre culture, notre Histoire, nos valeurs, nos raisons de vivre ensemble, bref, notre société et notre identité même sont-elles en danger à court terme, comme de nombreux facteurs le donnent à redouter ? Ou sommes-nous encore capables de réagir et d’agir, comme certains signaux le donnent à espérer ? Entre le sursis et le sursaut, à nous de choisir.

Picture of Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Ainsi, l’Iran et l’Algérie sont des « victimes » et les blancs colons ( de+ ou – 50 ans) des « prédateurs » . J’ai déjà entendu ça, c’est à la mode !
    Tous les « génies politiciens » une fois au parlement (Coluche disait ça fonctionne avec 2 verbes « parler et mentir ») une fois au pouvoir, donnent tous les droits aux « victimes » ( ça coûte rien un droit, c’est la dette publique qui paie les pots cassés).
    Bravo ! L’Occident, l’Europe et la France sont les champions de l’IVG (= avortement) et aussi de l’immigration ! Tiens, on l’avait pas vu venir celle-là !

  2. Les moeurs parisiennes paraissaient bien étranges à ces Perses sous la plume maline de Montesquieu. Et dans le même temps l’Occident s’émerveillait des « Mille et une Nuits », interdit par les mollahs, décidément très mous ; l’Iran républicain effaçant la Perse. Ce livre magnifique avait marqué Balzac qui faillit titrer son œuvre « les Mille et un Jour de l’Occident « . Le soleil a toujours regardé la lune et vice-versa. La Marche turque et le croissant « viennois ».
    Le luxe des sociétés sophistiquées est de se suicider dans la barbarie comme les patriciennes romaines se donnaient aux cochers de fiacre. Lady Chaterlay et Mme Bovary.
    7%, c’est peu pour l’Europe. Le Blanc se fond dans l’ombre. Si nous ne nous reprenons pas en main qui le fera pour nous ?

  3. Pour ce qi est d’encore être capable d’agir et de réagir, je donne un exemple. En 1960 il y a en Belgique une affaire de 8 millions d’habitants et au Congo on est à 6 millions. la Belgique est globalement bien tenue et le Congo bien administré. Imaginez actuellement, la Belgique dans son marasme en tous genres avec ses 12 millions d’habitants dont un million d’étrangers et « son » Congo avec 50 ou 60 millions d’habitants en guerre quasi perpétuelle dans le pays avec des voisins, franchement, je ne vois pas ce que la Belgique, dans son état actuel pourrait encore y faire quelque chose d’officiel ou d’administratif, c’est impossible. En 65 ans d’indépendance, on n’a posé aucun rail, des routes sont perdues dans la nature, la capitale devenue immense et ingérable ( les Belges ont voulu installer un réseau de trams mais ils se sont rendus compte qu’il n’y a pas d’électricité pour ce projet). Et en France, on donne, on donne…

  4. MONDIALISME ET MONDIALISATION
    Le Mondialisme c’est à dire la prétention de l’Occident à la domination « démocratique » du monde est un héritage des temps du Colonialisme, quand l’Occident détenait une supériorité scientifique, technique et économique indiscutable.
    La Mondialisation se substituera nécessairement au Mondialisme.
    La Mondialisation est une lutte-concertation, une dialectique, inévitable, plus ou moins équitable, entre des civilisations de niveaux scientifiques, techniques et économiques comparables.
    Le Monde est revenu deux à trois siècles en arrière : quand les grandes sociétés étaient scientifiquement et techniquement à des niveaux équivalents. Ce qui a changé, entre temps, c’est essentiellement, mais seulement, les moyens de communication. Les moyens de communication ? Ils peuvent servir :
    – Soit à imposer une société mélangée unique, totalitaire. Le Mondialisme décrit par « Le Meilleur des Mondes » .
    – Soit à promouvoir des sociétés reliées, mais enracinées dans des territoires différents, respectueuses des différences, mais aussi en luttes pour imposer le respect de ces dissemblances. C’est la Mondialisation.
    La Mondialisation ne verra pas la fin du dollar, ni de l’Occident, ni de l’Europe, mais certainement la fin de leur domination.
    La Mondialisation c’est le contraire du Mondialisme.
    Il n’existe plus un centre du Monde occidental, mais une multitude de sources différentes de vies dans le Monde.

  5. Merci Monsieur Jamet, de votre formidable analyse et de ce panorama sur notre Histoire .
    En espérant que c’est le sursaut qui l’emportera contre le sursis.
    Si seulement il y avait un moyen de renvoyer le « fantôme de l’Elysée » aux oubliettes, cette triste marionnette qui patauge sur place et nous accable…

  6. Ah ben, ça alors pour une fois que je suis plutôt d’accord avec le signataire du billet, me voilà censuré ! L’esprit Voltairien souffle bizarrement par moment…Est il interdit d’écrire que le  » grand remplacement  » est mortel pour la civilisation ?

  7. « Cette domination absolue » ancienne de l’Occident, dont M. Jamet parle, n’est pas le produit de la seule force militaire, ou de la seule avancée technologique. Elle est aussi le produit d’une avancée philosophique (Esprit des Lumières, Liberté d’expression) et socio-économique (richesse, égalité sociale, accès aux soins médicaux, etc). Ce qui explique que l’Occident a aussi conquis les cœurs des populations rencontrées, voire dominées. Et ça continue quand même, Mais, en effet, à force se déconsidérer lui même, et de courir en permanence vers la Honte de Soi, l’Occident va finir par engendrer de l’agressivité et de la haine à son égard. Si on prend la seule Europe, elle devient pitoyable (sur le plan économique comme sur le plan diplomatique). Sa génuflexion devant les dictateurs russe, algérien, chinois, iranien ou nord-coréen va inciter le monde à lui marcher dessus. La Honte de son propre Soi produit la Haine venue des Autres.

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