Royaume-Uni : libérations de prisonniers, entre peur et incompréhension

prison

Alors que la fronde sociale a grogné durant tout le mois d’août dans les rues anglaises, depuis l’attaque au couteau du 29 juillet à Southport qui a coûté la vie à trois innocentes petites filles, le gouvernement travailliste britannique a entamé, mardi 10 septembre, la libération anticipée de plus de 1.700 détenus. Une mesure d’urgence visant à lutter contre la surpopulation carcérale, mais qui suscite le courroux des syndicats de la police anglaise, déjà débordés par la politique de répression conduite par le gouvernement de Keir Starmer à l’encontre des manifestants britanniques.

Les prisonniers ayant purgé 40 % de leur peine libérés pour « créer de l'espace »

Les prisonniers ayant purgé 40 % de leur peine seront donc libérés en Angleterre et au pays de Galles, révélait la secrétaire d’État à la Justice, Shabana Mahmood, « pour créer de l’espace » et « assure[r] la sécurité publique »« C’était [pour le gouvernement travailliste] la seule option sur la table », déclare Shabana Mahmood, qui met en cause la responsabilité du dernier gouvernement conservateur britannique (Tory).

Jusqu’à fin octobre, près de 5.500 prisonniers seraient donc concernés. Les prisonniers condamnés pour terrorisme, agression sexuelle et les auteurs de délits graves avec violence condamnés pour quatre ans ou plus, eux, « seront automatiquement exclus » de cette disposition extraordinaire. Idem concernant les faits de harcèlement et les peines de perpétuité. C’est, du moins, ce que déclare le ministère de la Justice britannique.

La population carcérale anglaise a atteint un niveau record : avec 88.350 détenus pour 89.543 places disponibles, les prisons anglaises sont devenues un enjeu public de première importance. Plus de 1.000 personnes ont, qui plus est, été condamnées au cours des quatre dernières semaines, depuis que l’attaque au couteau de Southport a embrasé l’Angleterre, indique le Guardian.

 

La reconnaissance des détenus relâchés à l'égard du gouvernement travailliste de Keir Starmer

Pour les détenus relâchés, la joie est immense. La décision du gouvernement Starmer est accueillie comme « une bonne idée », rapporte un ancien détenu, dans les colonnes du Telegraph, car elle « donne beaucoup d’espoir à de nombreux prisonniers ». Depuis quelques jours, à la sortie des prisons anglaises, l’ambiance est à la fête : un détenu de la prison de Wandsworth a même célébré sa libération en sabrant le champagne, quand d'autres étaient fraîchement embarqués dans des voitures de luxe rutilantes, musique et volutes de fumée accompagnant la liesse. Avec tous ces délinquants reconnaissants, le Parti travailliste, lui, a gagné de nouveaux partisans.

Mais pour d’autres prisonniers, les lendemains de leur libération ne seront pas aussi confortables que le cadre offert par les prisons anglaises : certains retourneront à la rue et se retrouveront sans abri, « ce qui pourrait augmenter les risques de récidives ». Un doux euphémisme...

 

Les victimes écœurées 

Du côté des victimes, ces libérations anticipées suscitent beaucoup de colère, de crainte et d’indignation. Leur agresseur désormais en liberté, beaucoup de victimes ne se sentent – légitimement – plus en sécurité. Une incompréhension partagée notamment par la célèbre actrice anglaise Denise Welch, dont la maison avait été mise à feu par un harceleur chevronné et qui, désormais, vaquera librement à ses nouvelles occupations.

Une situation d’autant plus scandaleuse que dans certains cas, les libérations sont en tout point aberrantes, notamment celle de l’inculpé Lawson Natty, 18 ans, qui avait sauvagement abattu un adolescent de 14 ans, à Newcastle, à coups de machette. L’affaire, survenue en 2022, avait traumatisé toute l’Angleterre et fait la une des tabloïds. Pour la mère de l’enfant, « la perspective [de voir l’assassin de son fils] se promener librement avant d’avoir purgé sa peine » est un déni de justice incompréhensible. Une situation qui pour toutes les victimes est « absolument écœurante ». « Et s’il recommence avec d’autres ? », s’alarme t-elle.

« Des gens qui font du mal aux enfants, qui commettent les crimes les plus horribles contre un enfant » seraient ainsi libérés : cela concernerait plus de 140 détenus, emprisonnés pour actes de cruauté envers des enfants, révèle le Sun.

 

Le mythe déchu de la diversité heureuse 

Le Royaume-Uni n’aura jamais autant donné l'image d'un pays aussi désuni et déchiré. C’est une société au bord de l’implosion : le cri de colère d’un peuple étouffé par les difficultés économiques, un sentiment d’injustice, de désagrégation sociale et un climat d’insécurité permanent. Si les émeutes sont si violentes et les tensions si vives, c’est avant tout parce que pour beaucoup d’habitants de l’île, la « classe ouvrière blanche » tout particulièrement, la coupe est pleine. Le vivre ensemble de la société multiculturelle, pour eux, est en vérité impraticable sans assimilation. Un aveu flagrant du pari raté de l’intégration, qui vaut également pour d'autres pays d’Europe.

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

23 commentaires

  1. C’est comme si en France, on libérait des détenus pour enfermer des Gilets Jaunes.
    J’ai rectifié mon commentaire qui a été censuré.

    • J’ai perso été censuré sur plusieurs postes, donc maintenant je n’écrit plus rien je ne fais plus que lire. Ce sera mon dernier poste a moin que la censure ne l’édite pas.

  2. Le brexit seul ne suffit pas. Comme le frexit seul ne marcherait pas. Il faut que la sortie de l’UE soit accompagnées par un changement de dirigeants…Si les dirigeants ne sont pas souverainistes mais qu’ils restent intégrés dans le système « UE » le résultat est le même. Les britanniques ont conservés des dirigeants pro UE et le résultat est le même que s’ils y étaient restés. Ils y sont toujours dans les actes.

  3. On marche sur la tête
    Je suis de tout cœur pour les victimes.
    Et pour les prochaines qui seront peut-être la proie de ces prisonniers sortis trop tôt.

  4. Ubuesque ! Avant, c’est le genre de truc qui aurait relevé de… l’histoire drôle !
    Mais aujourd’hui, et ça fait froid dans le dos… c’est la vraie vie.

  5. Je ne comprends pas dans le début de l’article on nous dit que le gvt britannique ne libèrerait pas « Les prisonniers condamnés pour terrorisme, agression sexuelle et les auteurs de délits grave avec violence condamnés pour quatre ans ou plus, eux, « seront automatiquement exclus » de cette disposition extraordinaire. Idem concernant les faits de harcèlement et les peines de perpétuité.  » Et plus bas on lit que le meurtrier d’un adolescent tué à coups de machette serait libéré… Un peu contradictoire pour le moins non?

  6. Il sont gentils, les Anglais, de pleurer, mais qui a mis la gauche au pouvoir il y a moins d’un an ? Ils mettent le feu à la maison, le toit brûle et ils se plaignent d’être mouillés quand il pleut… C’est comme si un électeur de Melenchon venait s’étonner que sa maison a été squattée pendant son absence et qu’il doit maintenant dormir dans sa voiture…

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