Revoilà le revenu universel… en Corse !

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La crise du Covid-19 et la prise en charge, pendant deux mois, par l’État, des revenus d’une grande partie des Français ont donné l’illusion, aux partisans du revenu universel, que ce dispositif serait envisageable alors que, malheureusement, il est économiquement insoutenable.

Rappelons que la dette va augmenter de 480 milliards, en 2020 (20 % du PIB). L’ersatz de revenu universel sur deux mois nous a donc coûté très cher. Verser 500 € par mois à chaque Français coûterait 400 milliards. Même en rognant sur tout et en taxant fortement les classes moyennes, il faudrait au minimum ajouter au pot commun 200 milliards (sans doute plus) qu’on ne trouvera pas. Notre budget est d’environ 300 milliards, avec un déficit de 100 milliards. Il n’y a donc aucune possibilité, sauf à confisquer toutes les retraites et les remplacer par le minimum vieillesse, ce qui est impensable. Aucun homme politique sensé ne devrait faire campagne sur le revenu universel, sauf s’il trouve normal de spolier les seniors.

Pourtant, l’Assemblée de Corse va adopter un projet peaufiné avec des économistes et des fiscalistes qui permettrait de verser 500 € par mois à chaque Corse, en espérant passer ultérieurement à 1.000 €. Et cette générosité ne coûterait que 129 millions d’euros à la collectivité insulaire ! En fait, ce financement est probablement en trompe-l'œil. 6.000 € annuels pour 281.000 Corses de plus de 18 ans représentent 1,686 milliard d’euros. Bien sûr, on économiserait l’intégralité du RSA et une partie du minimum vieillesse. En 2014, il y avait 23.000 titulaires du RSA, en Corse (plus que sur le continent, les raisons avancées pour expliquer cette situation allant d’une fraude organisée à une pauvreté structurelle). On peut donc estimer à 138 millions récupérés sur le RSA, auxquels on peut rajouter 62 millions pour le minimum vieillesse. Reste environ 1,36 milliard à trouver.

Les élus corses proposent de transformer, en Corse, l’impôt sur le revenu en créant un crédit d'impôt de 500 € mensuels et un taux de prélèvement de 30 % à 35 % sur tous les revenus (ce qui serait anticonstitutionnel, mais passons). Le taux actuel de l’impôt sur le revenu est de 0 % jusqu’à 10.000 € et 14 % entre 10.000 € et 25.659 €, tandis que le revenu moyen fiscal annuel, pour un couple corse, est de 20.000 €. Les impôts sur le revenu d’un couple corse moyen augmenteraient de 6.000 €, mais ce ménage gagnerait, par ailleurs, 12.000 €, soit un bonus de 6.000 €. La perte d'impôt sur le revenu pour ceux qui atteignent la tranche de 30 % serait de 7.500 € (avec, toujours, un gain de 12.000 € et un bonus de 4.500 €). À 45 %, la perte sur l’impôt sur le revenu diminuera sensiblement.

Si les 189.000 foyers fiscaux corses payaient tous le taux moyen, on récupérerait 1.134.000 € sur l’impôt sur le revenu, mais le vrai gain serait sans doute d’un milliard, sauf si on supprime la prime d’activité aux smicards (10 milliards en France, 50 millions en Corse), mais alors les bas revenus ne tireraient guère profit de la réforme. Est-ce la France qui est supposée amener les 300 millions manquants, par le biais de l’impôt sur le revenu ? Ce dispositif, qui est plus un RSA amélioré qu’un revenu universel, coûterait 60 milliards s’il était étendu à la France entière. Mais c’est vrai que les détails des mesures prévues par les élus corses manquent et qu’on est obligé d’extrapoler. Et quand c'est flou...

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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