Depuis quelques jours, c’est une rengaine de plus en plus insistante chez certains opposants pourtant déclarés au président de la République nouvellement élu : « Pour la France, on ne peut que souhaiter qu’Emmanuel Macron réussisse. » Ou, version offusquée : « Vous ne voudriez tout de même pas qu’il échoue ! »

Que Marine Le Pen, le soir de son élection, le félicite, rien de plus normal, et il n’y a là, d’ailleurs, rien de « républicain » : c’est la conclusion de bon aloi de tout duel, politique ou non. Passe même que ses adversaires les plus acharnés, dont je fais partie, lui souhaitent « bonne chance » : étymologiquement, c’est lui souhaiter simplement que rien de mauvais ne lui tombe sur le coin de la figure et, à travers lui, sur la France. Alors oui, en ce sens-là, « bonne chance » à Emmanuel Macron.

Mais de là à espérer qu’il réussisse ou encore à lui « laisser sa chance », c’est-à-dire la possibilité, grâce à une majorité aux législatives, de mettre en œuvre son programme, il y a un pas qu’il m’est impossible de franchir. Car de deux choses l’une : ou les grandes lignes du projet de M. Macron sont bonnes pour la France et, non seulement, il faut aujourd’hui lui souhaiter de réussir mais il fallait, hier, tout faire pour qu’il soit élu en votant et en appelant à voter pour lui. Ou on a un minimum de suite dans les idées et... de respect pour ses compatriotes et soi-même, et on continue de penser qu’en dépit de son élection, les raisons de s’opposer à M. Macron persistent et, dans ces conditions-là, la question n’est pas de savoir s’il faut lui laisser une chance mais si lui en laissera une au pays.

Or, la nomination du gouvernement ne fait que renforcer les craintes qu’on pouvait avoir. Sur tous les plans, ou presque, sa composition — jusqu’à l’intitulé de certains ministères — prouve que M. Macron a, lui, de la suite dans les idées et entend bien réaliser une politique que je continue de juger mortifère pour le pays. Qu’il s’agisse - pour ne prendre que quelques exemples - de la nomination d’une fondamentaliste de l’Europe aux Armées ou, à la Santé, d’une militante de l’euthanasie des enfants sur le modèle belge, de la création d’un ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, actant la disparition de toute diplomatie indépendante, ou, au contraire, de l’absence de certains ministères, comme celui de la Francophonie — on se demande bien pourquoi — ou de la famille : on sait que M. Macron veut, d’une part, s’attaquer à la solidarité conjugale en instaurant l’individualisation fiscale des couples et est, d’autre part, favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes.

Si, comme Pierre-André Taguieff l’écrivait récemment dans Le Figaro, et comme ce premier gouvernement nous le laisse craindre avec raison, "la soumission joyeuse à la marche fatale du monde, tel est l'horizon indépassable de l'ère Macron qui s'ouvre", alors, non, je ne souhaite pas qu’Emmanuel Macron réussisse, je souhaite même qu’il échoue, car sa réussite serait une défaite pour la France.

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18 mai 2017 à 19:05

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