Réforme des retraites : les familles nombreuses et les classes moyennes dans le viseur

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Voilà le gouvernement pris en flagrant délit de mensonge, au moins par omission. Voyez la façon dont il présente la majoration de pension dès le premier enfant : une « avancée majeure pour les femmes, pénalisées à la fois par un salaire moyen inférieur et une carrière plus souvent hachée du fait de la prise en charge des enfants », selon Jean-Paul Delevoye. Mais, à y regarder de près, on s'aperçoit que les parents de trois enfants ou plus y perdront. « Chute de pension en vue pour les mères de famille », titre Le Figaro, se référant à une étude de l'Institut de la protection sociale (IPS). Une attaque contre les familles nombreuses et les classes moyennes ! Une de plus !

Le projet de réforme prévoit une majoration de retraite de 5 % pour le premier enfant, 10 % pour deux enfants, 15 % pour trois, et ainsi de suite. Aucune limite n'est – pour le moment – fixée. Les parents pourraient choisir celui des deux à qui cette majoration serait attribuée ou se la partager. En cas de non-choix, elle reviendrait à la mère. Un progrès ? Le diable est dans les détails : en fait, nombre de familles avec trois enfants seraient lésées par rapport à la situation actuelle. C'est plutôt une régression ! Mais cela, on ne le dit pas.

Un seul exemple suffit à nous en convaincre. Dans le système en vigueur, la majoration pour trois enfants permet aux deux parents de percevoir, chacun, un supplément de retraite de 10 %. Si le père et la mère ont, chacun une pension mensuelle de 2.000 €, ils perçoivent 200 € en plus, soit un total, pour le couple, de 4.400 €. Avec le futur régime, l'augmentation serait de 15 % (5 % × 3) au bénéfice de l'un des parents ou répartie entre les deux : soit 15 % × 2.000 € = 300 €. Manque à gagner pour la famille : 1.200 € par an. La différence serait encore plus importante pour un couple ayant chacun une pension de 3.000 €.

Certains donneront peut-être raison au gouvernement en arguant que la majoration actuelle pour enfants n'est pas légitime et que les contribuables n'ont pas à subvenir aux besoins des familles nombreuses, quand elles parviennent à la retraite. Ils n'avaient qu'à prendre la pilule, diront les plus cyniques, au lieu de polluer la planète avec leurs enfants ! Argument à courte vue ! Si le système est, aujourd'hui, en déficit, c'est principalement à cause du chômage et du manque d'actifs. Même si l'on n'a pas d'enfant, force est de constater que les familles nombreuses contribuent largement à augmenter le nombre de salariés ou d'indépendants qui cotisent.

Si, encore, nos dirigeants mettaient tout sur la table et expliquaient leur choix d'aider prioritairement les familles monoparentales ou n'ayant qu'un ou deux enfants, les familles nombreuses étant quantité négligeable ! Au moins éviteraient-ils de mentir. Mais, loin de mettre en œuvre une politique de soutien aux familles nombreuses, ils continuent leurs attaques contre ce qu'ils considèrent presque comme des erreurs de la nature. Après avoir plafonné le quotient familial et, donc, augmenté leurs impôts, modulé les allocations familiales, mis fin, en 2014, à l'exonération d'impôt sur le revenu de la majoration de retraite pour charge de famille, ils s'apprêtent à diminuer subrepticement le montant de leurs pensions.

Vous me direz que le gouvernement n'a que faire des familles nombreuses, qu'il compte sur les immigrés pour repeupler la France, occuper des emplois dont personne ne veut et verser des cotisations pour les retraites, bref, pour faire tourner la machine. Quant aux plus riches, ils pourront acquérir des fonds de pension. C'est sans doute vrai, hélas ! Raison de plus pour le contraindre à changer de politique et, s'il fait le dos rond, à dégager au plus vite !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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