« Qui ne gueule la vérité lorsqu’il la connaît se fait le complice des menteurs et des faussaires » (Péguy).

La fièvre monte à Nouméa à l’approche du référendum du 4 novembre. Donnés largement perdants, les indépendantistes fulminent et menacent. Ainsi se sont finalement révélées pernicieuses les exorbitantes concessions institutionnelles pour acheter la paix.

Le point d’orgue de cette dérive politique fut le passage à la trappe, dans des conditions exposées plus loin, du référendum du 13 septembre 1987. Cet acte authentique d’autodétermination avait rejeté « l’indépendance kanak et socialiste » à l’écrasante majorité de 98 % des votants. Des observateurs méticuleux soulignèrent que 60 %, au moins, des votants mélanésiens avaient choisi le sage maintien dans le foyer protecteur et nourricier de la mère patrie. 59,1 % des inscrits avaient bravé le boycott musclé des indépendantistes, limitant l’abstention à environ 12 % de moins que la moyenne des scrutins territoriaux. Ce dernier chiffre marquait, en toute logique, la réelle représentativité de l’indépendantisme. Démocratiquement, la messe était donc dite.

Mais il fallait s’attendre à la violente riposte des agitateurs de la gauche extrême, à la manœuvre sur le territoire et en métropole depuis le début des événements. Embouchant le thème périmé d’une décolonisation accomplie en 1946, activement soutenus à gauche jusqu’au sommet de l’État, ils fomentèrent le sanglant attentat d’Ouvéa d’avril 1988. Le choc émotionnel national produit en pleine campagne électorale présidentielle atteignit l’objectif recherché de rebattre les cartes en Nouvelle-Calédonie. La droite défaite et décomposée, les funestes accords de Matignon de juin 1988 passèrent comme une lettre à la poste. Pur déni de démocratie, ce "Munich du Pacifique" raya d’un trait de plume le référendum de 1987. On se donna dix ans pour que l’évolution démographique et l’expulsion des listes électorales de milliers de non-Kanaks forcent la victoire de l’indépendance dans un nouveau référendum.
Mais les réalités étant décidément têtues, on s’aperçut à l’approche de l’échéance que le compte n’y serait toujours pas. On accoucha alors, avec la complicité d’une droite déboussolée, du stupéfiant accord de Nouméa de 1998, repoussant le référendum à 2018.

Le surréalisme de cet arrangement d’appareils éclate dans les seules dispositions de l’article 5 organisant le futur référendum. En cas de vote négatif à l’indépendance, on pourra revoter deux fois de plus jusqu’à ce qu’elle prévale. Et pour verrouiller l’indépendance, on fit graver dans la Constitution des dispositions irréversibles de souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Incroyable et pourtant vrai !

Mais, horreur et damnation, voilà que le peuple calédonien s’apprête, le 4 novembre, à voter exactement comme en 1987. Ainsi, triomphant de la subversion, la démocratie revient, tel un boomerang, en plein visage de la sectaire intelligentsia politique qui l’a méprisée dans cette affaire. Quel gâchis ! Gare aux dégâts !

Il reste à souligner l’enjeu géostratégique du scrutin. L’élimination de la France de la scène calédonienne et, par effet de domino, de l’ensemble du Pacifique lui ferait perdre son deuxième rang mondial de puissance maritime. L’Australie et la Nouvelle-Zélande, puissances régionales, ont fini par comprendre que leur intérêt dictait le renoncement à la dérisoire rivalité anglo-saxonne. Elles ont pris conscience de l’inestimable bouclier que représente la présence de la France dans la région et, par conséquent, de l’Europe face à l'expansionnisme croissant de l’Indonésie et de la Chine.

Le Général Franceschi a été Commandant Supérieur des Forces Armées de Nouvelle Calédonie de 1984 à 1988, durant toute la durée des troubles qui ensanglantèrent le territoire. Il a relaté cette expérience unique dans un ouvrage sans concessions : La démocratie massacrée – Nouvelle Calédonie - Témoignage Pygmalion-Gérard Watelet. 1998

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16 octobre 2018 à 11:32

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