Reconstruire l’Irak, après avoir contribué à le détruire ?
Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères français, est en visite en Irak. Officiellement, il déclare : "Je suis venu vous dire le soutien de la France et vous accompagner. Nous serons toujours au rendez-vous. Nous l’avons été dans la participation à la coalition [contre Daech, NDLR], nous le serons aussi dans la phase de reconstruction."
Officieusement, il s’agit avant tout de ne pas laisser le champ libre aux Américains dans un marché s’évaluant à quelque cent milliards de dollars, prix à payer pour reconstruire un pays entièrement dévasté par des années de guerre. Des Américains qui mettent, évidemment, tout leur poids dans la balance afin de s’assurer la part du lion. Mais il n’y a pas qu’eux en lice et la donne est en train de changer, sachant que les Chinois entrent désormais dans la danse.
Ainsi, tel que le révèle le site Sputnik : "Le ministère irakien du Pétrole annonce la transmission du projet de raffinerie à Fao, comprenant un complexe pétrochimique, à deux entreprises chinoises." Un contrat qui n’a rien d’anodin, puisque la production de cette raffinerie devrait s’élever à trois cent mille barils quotidiens.
Depuis les deux mandats de Barack Obama, il est vrai que les USA se sont peu à peu retirés de cette région du monde, laissant la Russie et l’Iran occuper une place désormais centrale. Il était donc logique que la Chine, dont la volonté d’expansion relève du seul ordre économique - sa sphère d’influence politique et militaire se limitant au Pacifique -, commence à pousser ses pions. Une stratégie d’autant plus payante que, contrairement à Washington, Pékin ne tente pas d’imposer une sorte de « Chinese way of life », que ce soit en termes de mode de vie ou de pensée, aux populations avec lesquelles elle commerce.
C’est donc pour tenter d’éviter la casse que l’Élysée tente de se placer, même si nous n’avons pas toujours eu bonne presse à Bagdad. En effet, le président Saddam Hussein a eu bien du mal à comprendre que la France, nation longtemps considérée comme alliée, ait pu participer à une autre coalition, celle de la première guerre du Golfe, en 1990, et n’ait surtout rien fait pour tenter de lever l’embargo économique qui s’en est suivi, lequel a provoqué la mort de près d’un million de civils irakiens.
Certes, si Bagdad nous sait gré de n’avoir pas participé à la seconde, celle de 2003, saluant alors le courage d’un Jacques Chirac et d’un Dominique de Villepin, la politique menée par ses successeurs a laissé perplexe plus d’un observateur local. La France qui participe à la chute du colonel Kadhafi, créant ainsi le chaos qu’on sait, pour ensuite soutenir les rebelles en Syrie – le Front al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda, se battait avec des armes françaises – et achever d’embraser la région entière : ce n’est pas exactement ce que le monde arabe attendait de la traditionnelle diplomatie du Quai d’Orsay…
"Nous espérons que l’expérience française sera utilisée pour la reconstruction", a déclaré Jean-Yves Le Drian. Il est un fait qu’en la matière, ceux qui ont contribué à la destruction de l’Irak ont fait montre de compétences certaines.
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