Qui sont les mercenaires d’aujourd’hui ?
Il n’est pas de jour où l’on n’évoque pas les mercenaires de la société militaire privée russe Wagner et son sulfureux chef Evgueni Prigojine, le cuisinier du Kremlin devenu aujourd’hui un milliardaire parmi d’autres en Russie. De nos jours, les mercenaires ont mauvaise presse et symbolisent des guerres injustes où seuls des combattants de fortune acceptent de risquer leur vie, là où des gouvernements refusent d’engager leurs soldats réguliers.
Sous l'Antiquité, durant les guerres puniques, les Carthaginois avaient systématiquement recours à des mercenaires, ce qui leur évitait de sacrifier leurs fils. Hannibal vainquit les Romains avec des mercenaires gaulois, ibères et numides. Les frondeurs baléares étaient des guerriers redoutables par la précision de leur jet, causant de nombreuses pertes parmi les chefs romains identifiés comme tels au début de la bataille. Au Moyen Âge, les rois de France embauchèrent dans leurs armées des mercenaires génois qui étaient avant tout des techniciens de l’arbalète, une arme complexe dont le carreau pouvait percer mieux que la flèche du Longbow[1] anglais les cuirasses des chevaliers. L’artillerie des frères Bureau était, elle aussi, privatisée et permit aux rois de France de l’emporter sur les Anglais à la fin de la guerre de Cent Ans.
La professionnalisation des armées européennes à l’époque moderne puis la levée en masse des citoyens et des sujets signèrent la fin des grandes armées de mercenaires partout sauf dans les « petites guerres » menées outre-mer. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Européens dédaignant de mourir pour leur patrie dans des terres lointaines firent souvent appel à des étrangers pour défendre leurs intérêts dans les guerres de décolonisation. La Légion étrangère créée par le roi Louis-Philippe après la saignée des guerres napoléoniennes fait exception. On ne peut, en effet, qualifier de mercenaires les légionnaires qui acceptent de devenir « Français par le sang versé » pour une solde ordinaire. Les légionnaires d’origines germanique et italienne recrutés dans les camps de prisonniers à la fin du second conflit mondial pour combattre dans les rizières d’Indochine ne peuvent être qualifiés de mercenaires, car commandés par des officiers français et engagés sous l’uniforme français et sous les emblèmes nationaux de l’armée française. Cette tradition des régiments étrangers au service de la France, de l’Espagne ou d’autres nations européennes remonte d'ailleurs aux temps immémoriaux de l’internationalisation des conflits et de la professionnalisation progressive de la guerre devenue trop complexe pour n’être confiée qu’à des « Marie-Louise[2] » sans expérience.
Jusqu’à aujourd’hui, les gouvernements avaient l’habitude d’utiliser des sociétés militaires privées (SMP) pour réaliser des « mauvais coups » sans que leurs responsabilités ne fussent identifiées. Ces opérations, souvent sous les tropiques, visant à soutenir des potentats locaux n’engageaient des mercenaires que pour mieux masquer leurs vrais commanditaires. Par ailleurs, les Américains ont aussi pris l’habitude d’utiliser ces sociétés en complément de leurs propres forces armées en Irak ou ailleurs pour des missions de soutien dans tous les domaines : logistique, systèmes d’information et de communication et même renseignement, où ces mercenaires sont même allés jusqu’à interroger de manière brutale les prisonniers et présumés terroristes.
Les États peuvent-ils être tenus pour responsables de ce que font ces sociétés employées par eux-mêmes dans des missions parfois hors de contrôle ? Si c’était le cas, on pourrait alors poursuivre les États-Unis pour les dérapages incontrôlés de la firme Blackwater en Irak ou en Afghanistan notamment. Ou cela ne regarde-t-il que la compagnie en question ? Cette question concerne aussi la firme Wagner, en Ukraine ou en Afrique. Les mercenaires de Wagner sont considérés par l’Assemblée nationale française et l’Union européenne comme appartenant à une « association terroriste », et ce, depuis le 9 mai dernier. Un terroriste ne saurait donc pas être considéré comme étant un combattant justiciable du droit de la guerre, ni comme un militaire, bien sûr, même s’il porte un uniforme.
Wagner est une entreprise multinationale dont le siège est à Saint-Pétersbourg et cette entreprise soutient les intérêts de la Russie en Afrique notamment, faisant échec dernièrement aux armées françaises engagées au Sahel. Donc, il n’est aucun mystère des liens étroits entre cette société militaire privée et le Kremlin. S’ils ont combattu en Ukraine, notamment à Bakhmout, les mercenaires de Wagner ne sauraient être confondus avec les militaires de l’armée russe. Ces mercenaires capturés par l’armée ukrainienne pourraient d'ailleurs être traités comme des terroristes et, donc, non protégés par le droit de la guerre.
[1] Arc long anglais qui permit de vaincre les Français notamment à Azincourt
[2] Soldats très jeunes embrigadés à la fin du Premier Empire en 1814 et 1815
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10 commentaires
BlackWater a fait pire en Irak, en Afganistan et ailleurs mais ils sont couverts par les Démocrates et donc non justiciables!
» De nos jours, les mercenaires ont mauvaise presse ». Sauf dans le foot.
Tout à fait étonnant cette dichotomie pratiquée entre Russes et autres…
Rappelons que Black Water et ses concurrentes américaines ou britanniques ont sévit sans aucune limite en Afgha et Irak, et pourtant aucune fatwa ne fut lancée contre elles par des pays européens…
De même que les bombardements de civils en Serbie, par l’Otan, dont la France, ou dans le Donbass depuis 9 ans par les Ukrainiens, ne méritent aucune condamnation par le « pays des droits de l’Homme ». Au contraire, nous devont leur fournir nos obusiers et nos munitions pour qu’ils puissent assassiner leur propre population, d’après ce qu’ils revendiquent… Et c’est ce qu’ils font allègrement, sans que nos media n’en parlent.
Notre Occident corrompu et menteur est appelé à disparaître, car il a perdu toute notion du bien et du mal, et qu’il est dirigé par les anglo-saxons, dont seuls les intérêts à court terme ont barre sur la réalité… N’évoquons même plus la morale ou la philosophie platonicienne.
« Ces mercenaires capturés par l’armée ukrainienne pourraient d’ailleurs être traités comme des terroristes et, donc, non protégés par le droit de la guerre. »
Ce serait dommage, parce que c’est, en partie, grâce à eux que la dénazification de l’Ukraine se fait, et que les russophones, et/ou russophiles, dont une multitude d’enfants sont sauvés des griffes des terroristes amoureux de S Bandera!
Tout à fait d’accord !
Et comment considérer les Black Block mercenaires de l’ultra gauche ?
C’est bien connu, l’enfer c’est les autres.
La Russie a de vilains soldats : Wagner, c’est mal, là légion étrangère, c’est bien.
En Ukraine, le régiment Azov, les milliers « conseillers de l’OTAN » et les nazillons venus du monde entier combattre, pensent-ils, l’URSS et le communisme, c’est quoi : de gentils soldats ou de vilains mercenaires ?
Et à propos de terrorisme, on pourrait parler aussi des actes commis ces derniers mois sur le territoire russe… c’est qui ?
Subtilité de Juriste sans doute mais efficacité de type industriel dans un monde dénué de patriotisme .
Aujourd’hui tout n’est que com et propagande. Que des pays utilisent des mercenaires, cela ne fait aucun doute et ces gens-là devraient être considérés comme des soldats et non comme des terroristes. Le terroriste tue des civils et non les mercenaires. Nous nous trouvons toujours dans « la paille et la poutre ». Et puis il y a les bons et les autres, étant entendu que les bons peuvent faire ce qu’ils veulent puisque « c’est toujours pour le bien commun ». J’arrête de rire.
La France a aussi ses mercenaires. Mais que penser de le récupération par le gouvernement français des mercenaires sanguinaires de DAECH ?