Le questeur Thierry Solère : « J’y suis, j’y reste. » Il faut dire que la place est bonne…

L’intérêt de la France et des Français, on le craint, n’a pas grand-chose à voir là-dedans. L’intérêt bien compris du député Solère, en revanche, a certes tout à y gagner. Ce champion de la godille, du revirement et de la trahison – un fin politique, donc – a réussi à décrocher, en juin, un poste de questeur à l’Assemblée. Et la Terre pourrait bien s’arrêter de tourner qu’il n’en démordra pas : "J’y suis, j’y reste !"

Il a ce qu’on appelle « un air avantageux », ce Thierry Solère. Jovial, le brave gars qui vous tape dans le dos mais vous plante un couteau d’une main et de l’autre trinque avec vous… Un faux bonnasse, en vérité, qui vous toise et raconte avec un imperturbable aplomb tout et son contraire, pour peu qu’il y trouve un intérêt.

Ce champion de la valse à trois temps est ainsi le porte-parole de Fillon durant la campagne, qu’il lâche le 3 mars pour courir se répandre sur le plateau de France 2 sans même en avertir les copains. Lesquels disent, aujourd’hui, qu’alors il négociait déjà en sous-main avec la Macronie. Il aurait sans nul doute rêvé d’un portefeuille comme ses amis Philippe et Darmanin, mais le bonhomme est sulfureux, affecté lui aussi d’un « rapport à l’argent » qui n’a pas manqué d’inquiéter la bande à Macron. Car même s’il clame, montrant Fillon du doigt, que "la justice en France est la même pour tous", Mediapart et Le Canard enchaîné font état d’une enquête préliminaire pour fraude fiscale le concernant, notamment parce qu’il a lui aussi embauché sa femme comme assistante parlementaire avant de la licencier en juillet 2017.

Ce qui fait rager plus que tout les anciens amis de Thierry Solère est sa participation aux commissions d’investiture LR pendant la présidentielle puis la campagne des législatives alors qu’il était déjà en discussion avec LREM, ce qui lui a valu la récompense d’être désigné comme questeur à l’Assemblée. Et c’est là la source de la guerre actuelle.

La tradition veut, en effet, que l’un des trois postes de questeur soit réservé à l’opposition. Or, Thierry Solère, s’il était jusqu’au début de ce mois réputé appartenir au parti Les Républicains, en a été exclu le 2 novembre… et vient d’annoncer son adhésion à LREM. En conséquence, les trois questeurs de l’Assemblée appartiennent aujourd’hui au même parti, celui du Président, et les députés demandent à Solère de laisser la place.

Notez, on comprend qu’il s’y accroche… La place est bonne, surtout pour quelqu’un qui, comme lui, n’est pas particulièrement désintéressé. Les questeurs touchent, en effet, un supplément de 5.003 euros en plus de leur salaire brut de 7.200 euros. De plus, ils "disposent de salons de réception, de personnel, et même d'un appartement privé" dont ils ne font généralement pas usage… sauf Thierry Solère, qui aime bien y séjourner en famille. 400 m2 dans un magnifique bâtiment de la République, ça ne se refuse pas ! Solère assume. Il conteste seulement la rumeur selon laquelle il en profiterait pour louer son appartement personnel… Un petit coup d’Airbnb pour arrondir encore les fins de mois ?

Pas question, donc, de quitter ce nid douillet. Que voulez-vous, il dit qu’il y "est heureux", cet homme : "Je n'ai aucune raison de démissionner, je suis très heureux avec Florian Bachelier, qui est le premier questeur, et Lauriane Rossi, ma collègue également députée des Hauts-de-Seine." Et puis, comme il le souligne : "Il y avait des traditions au Parlement qu'on est en train d'abandonner."

Dans ce sens-là, forcément…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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