Après une interruption de cinq ans, la France et l’Ukraine ont repris les travaux de la Commission interétatique de coopération militaire et technique, le 27 février dernier, avec l’arrivée, à Paris, d’une délégation ukrainienne menée par le général Anatoly Petrenko, vice-ministre de la défense de l’Ukraine.

L’Ukraine, qui est une des régions les plus pauvres d’Europe et dont l’est du pays est miné par une guerre civile depuis le coup d’État du Maïdan, en 2014, semble avoir fait de l’armée l’une de ses priorités. Malgré le discours apaisant du président Zelensky, son armée ne cache pas son envie de militariser l’Ukraine et les marchands d’armes du monde entier tambourinent à sa porte. Le 31 janvier, Zelensky recevait ainsi le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, à qui il a déclaré : « L’Ukraine est prête à étendre sa coopération avec les États-Unis dans le domaine de la défense et de la sécurité. » Sur les 700 millions de dollars que le Congrès américain vient de donner à l’Ukraine, la moitié a été consacrée à la défense. Quelques jours avant son rendez-vous à Paris, Petrenko accueillait une délégation du ministère de la Défense turc dont le but était d’avancer sur le projet Akıncı, un drone d’attaque turc que l’armée ukrainienne rêverait de faire voler sur la ligne de front au Donbass. Et juste avant cela, une délégation ukrainienne, menée par le ministre en personne, était accueillie au siège de l’OTAN. Cela fait beaucoup de bruit de bottes pour un État lourdement endetté qui dit chercher la paix.

On a du mal à comprendre le discours de Kiev qui dit vouloir la paix au Donbass mais qui enchaîne, en parallèle, les réunions à très haut niveau pour intégrer l’OTAN et suréquiper son armée alors que son peuple a faim. Y aurait-il un double discours ? En même temps, on comprend la réaction du complexe militaro-industriel français qui ne veut pas être sur le banc de touche au moment même où Kiev négocie avec les États-Unis pour la livraison de systèmes de défense côtière et des missiles antinavires et même des hélicoptères Apache et de F-16.

Pour autant, la France, qui a vendu récemment à Kiev 20 patrouilleurs Ocea FPB 98, doit faire attention à ne pas jouer sur tous les tableaux. Après le sommet réussi du Président Macron à Paris pour la paix au Donbass, en décembre dernier, et ses récentes déclarations en faveur d’un dégel progressif avec la Russie, les ventes d’armes à l’Ukraine pourraient être perçues comme un affront diplomatique à Moscou.

Il y a trois semaines, Le Monde titrait que le Donbass vivait l’« une des pires » escalades (militaires) de ces dernières années. La France est signataire des accords de paix de Minsk 2 et le Président Macron a rappelé son attachement à la résolution pacifique du conflit au Donbass. Il va être difficile, pour la France, d’être crédible si elle promet la paix à un côté tout en vendant des armes à l’autre. Entre l’argent et l’honneur, la France va devoir choisir : guerre ou paix.

2464 vues

08 mars 2020 à 15:12

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.