« La volonté du peuple brésilien et les institutions démocratiques doivent être respectées ! Le président Lula peut compter sur le soutien indéfectible de la France », a tweeté, dimanche, Emmanuel Macron. Mais pourquoi l’actuel président élu du Brésil peut-il compter sur le soutien du Président français ? En cause, des images qui ont fait le tour du monde. Des centaines de manifestants présentés comme pro-Bolsonaro (du nom du président sortant Jair Bolsonaro, surnommé « le Trump brésilien ») ont envahi les lieux de pouvoir dans la capitale Brasilia. Ces manifestants, vêtus de jaune et de vert, soit aux couleurs du drapeau national, font rapidement le tour des chaînes télé et des réseaux sociaux. Ils brisent les baies vitrées, jettent le mobilier au sol, cassent tout sur leur passage et inondent les lieux à l'aide d'extincteurs à eau, le tout enregistré sur leurs téléphones portables. Des scènes qui ressemblent trait pour trait aux émeutes du Capitole américain après la victoire de Joe Biden.

Vu de France, la récupération grossière

Comme l’actualité rythme aussi la vie politique française, bon nombre d’élus et de commentateurs en profitent pour cibler le Rassemblement national, accusé de proximité avec les partisans de Bolsonaro au Brésil et avec ceux de Trump aux États-Unis. La députée LFI Clémentine Autain a déclaré : « Face aux agressions de l'extrême droite, soutien et amitiés à tous les partisans de la démocratie au Brésil. » Le député Renaissance des Yvelines Bruno Millienne a été encore plus direct : « À la tête de son parti fondé par son père et un ancien collabo, Marine Le Pen est systématiquement du mauvais côté de l'Histoire, celui des factieux et de ceux qui veulent faire plier la démocratie par la violence. Rappel utile : la "normalisation" du RN n'est qu'un leurre ! » Du côté de LFI, Alexis Corbière a également dénoncé : « Des putschistes< (qui) tentent un coup de force contre la démocratie au Bresil au nom de Bolsonaro. La condamnation est quasi unanime, sauf Mme Le Pen qui n'a toujours rien dit sur tweeter (sic), ni le président du groupe d'amitiés Parlementaire avec le Brésil, qui est RN. Inquiétant... » En l’occurrence, le président du groupe d’amitié France-Brésil à l’Assemblée nationale n’est autre que Nicolas Dupont-Aignan, qui n’est pas RN...

Fidèle à la ligne ni-ni, la Macronie a quant à elle ciblé et Marine Le Pen et La France insoumise. En témoigne cette sortie du chef de file de Renaissance au Parlement européen, Stéphane Séjourné, sur Public Sénat : « Je mets en garde les partis politiques, que ça soit en Europe ou en France, il y a des tentations de remettre en cause la légitimité politique, on l'a vu en 2017, en 2022, systématiquement, on a des grands débats sur "Est-ce que vous avez gagné les élections" ? » Ce dernier a visé spécifiquement LFI où, selon lui, « il y a eu une tentation à un moment donné d'expliquer que la légitimité des élus était remise en cause pour telle et telle raison ». Moins fin, le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance) a lancé un avertissement sur RFI« Les événements au Brésil devraient inspirer chacun sur les dangers du populisme, de l'extrême droite, des radicalités. »

Le RN condamne sans tergiverser

Mais voilà, le RN ne soutient pas la révolte brésilienne. « Ces images font froid dans le dos. Lorsqu’on est en démocratie, on n’envahit pas les lieux de pouvoir. » C’est ce qu’a déclaré le président du RN Jordan Bardella au micro d’Apolline de Malherbe, ce lundi, sur RMC. Une condamnation franche, donc. Face aux questions de la journaliste l’interrogeant sur la position du RN qui appelait de ses vœux une victoire de Bolsonaro au Brésil, Bardella a rétorqué : « Nous, on se soucie d’abord de l’intérêt des Français. On se demande quel candidat est le moins nocif pour les intérêts nationaux et messieurs Trump et Bolsonaro l’ont démontré. » En attendant, les députés RN ont fort peu goûté les comparaisons de leurs collègues. Le député du Gard Pierre Meurin avait d’ailleurs répondu au député Renaissance Millienne ayant dénoncé le « leurre » que représente la normalisation du RN : « C'est vrai que le RN, après ses deux défaites au second tour de la présidentielle, a envahi l'Assemblée nationale avec des milices factieuses pour faire un coup d'État. Ah non, en fait, c'est juste 89 députés élus qui veulent combattre votre politique de casse sociale. À demain ! »

Derrière la polémique 

À vrai dire, la colère des Brésiliens, et particulièrement des supporters déçus du président sortant Jair Bolsonaro, puise ses sources dans une décision de justice : en pleine pandémie, la Cour suprême du Brésil a annulé l’intégralité des condamnations pesant sur l’ancien président Lula. Ce dernier, au cœur d’un scandale géant de corruption, avait entraîné la démission de sa protégée Dilma Rousseff. Or, la Cour suprême est composée en écrasante majorité de membres nommés par Lula et Rousseff. Un autre élément vient épaissir le contentieux : le juge ayant fait tomber Lula était un partisan de Bolsonaro, qui l’avait nommé ministre de la Justice… En d’autres termes, peu importe la couleur politique des envahisseurs des institutions, c’est la santé démocratique de l’État brésilien qui est aujourd’hui en jeu. « Lula gouvernera un champ de ruines », prédisait le politiste Driss Ghali chez Causeur. On y est.

3625 vues

09 janvier 2023 à 18:00

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

21 commentaires

  1. on comprend la nupes et les macronistes, pas de projet, pas de programme. C’est l’actualité internationale qui fait qu’ils s’expriment, mais sans grain à moudre, ils fondent sur le RN, bientôt se sera de la faute au RN, le climat, les révolutions dans tel ou tel pays, et on s’étonne de la dégringolade de la France. Oui le RN a envahi l’assemblée nationale seul, mais avec des élus du peuple 89, pas comme ces associations nupes qui regroupe LFI, EELV,PS PC, et la macronie qui regroupe renaissance, modem agir horizon, ceux là se protègent aux élections, ce qui donne le spectacle qu’on a à l’assemblée nationale.

  2. Macron défendant un repris de justice poursuivi pour corruption et blanchiment d’argent (scandale Petrobas) et même pas rendu inéligible à vie pour de tels faits? Qui a dit : »Qui se ressemble s’assemble »?

  3. La gauche française est devenue en peu de temps la plus bête du monde . Ce fut la droite … Chacun son tour . Mai là , je crois qu’elle bat tous les records dans tous les domaines … Qu’est-ce qu’ils sont … (comme les bourgeois de J.Brel )

  4. Il est vrai que pour confondre les manifestants brésiliens, saccageant les lieux du pouvoir à Brasilia, avec le R.N. et ses sympathisants, relève de la myopie. Le R.N. est dorénavant le gentil toutou de la République française, chiraquisé, dont l’objectif principal est la réduction de la fracture sociale. Le combat pour enrayer le grand remplacement et la dissolution de notre identité attendra encore longtemps avec Marine Le Pen.

  5. Deux façon de voir les choses, d’une part les élus Français devraient plutôt s’occuper de nos problèmes avant de vouloir donner des leçons de démocratie à un pays dont ils ne connaissent rien, et d’autre part, les mèmes qui ont toujours les yeux de l’amour pour 1789 ou mai 68 se trouvent bien plus tatillons dès qu’il s’agit de se rebeller contre un gauchiste trainant des tonnes de casseroles.

Les commentaires sont fermés.