Si tout cela n’était pas d’une bêtise confondante, franchement, on en rirait. Mais voilà, la bêtise s’étale aujourd’hui sur les réseaux avec une telle force, une telle constance, un tel militantisme teinté bonne conscience qu’elle en devient un véritable fléau social.

Pris à leur piège : les publicitaires.

Dans un superbe retournement des choses dont nos sociétés sont – inconsciemment – coutumières, ils se prennent en pleine poire ce qu’ils ont eux-mêmes initié. En effet, à force d’utiliser tout « le temps de cerveau humain disponible » – selon la formule désormais célèbre de Patrick Le Lay, patron du groupe TF1, en 2004 – de leurs concitoyens pour y caser des pubs débiles destinées à leur faire dépenser tout l’argent qu’ils n’ont pas, ces derniers sont en train de se retourner contre leurs maîtres. Cela avec leurs propres armes : celles du terrorisme binaire et du manichéisme à front de bœuf.

Et comme les réseaux sociaux et les petites lucarnes individuelles sont, aujourd’hui, devenus leurs terrains de chasse privilégiés, lesdits publicitaires cèdent désormais aux injonctions des internautes, cette nouvelle voix de la vérité révélée et du jugement dernier.

Deux grandes marques, Pepsi et Nivea, viennent d’en faire les frais. Car à pubs idiotes, réactions débiles…

Le marchand de soda a cru malin de plagier le mouvement protestataire noir américain Black Lives Matter en mettant en scène Kendall Jenner - la demi-sœur de Kim Kardashian, nous dit Le Monde (soit l’emblème de ce que cet univers de la pub et de la consommation a de plus creux) - qui, abandonnant sa séance photo, retire sa perruque blonde et sa jolie robe pour se joindre à des manifestants qui brandissent le mot « Amour », avant d’aller se poster devant un policier et lui tendre une canette de Pepsi.

Les internautes sourcilleux y ont vu une allusion à la manifestation de Baton Rouge, en juillet dernier, où une femme (Ieshia Evans) s’était tenue immobile devant les policiers avant de se faire interpeller.

Scandale, donc – comment ça, une Blanche qui rejoue la scène du martyre noir-américain ! –, et recul penaud de Pepsi qui se confond en excuses : "Notre intention n’était pas de prendre à la légère une problématique importante. Nous retirons ce contenu. Pepsi essayait de projeter un message global d’unité, de paix et d’entente. Clairement, nous avons manqué notre but et nous nous en excusons."

Même « problématique importante » pour Nivea, qui s’est offert sur sa page Facebook un slogan ravageur pour vendre ses déodorants au Moyen-Orient : "White is purity" (le blanc, c'est la pureté). On y voit "une femme caucasienne" (sic) "de dos devant une fenêtre avec un peignoir immaculé", rapporte BFM TV, et, en dessous, ces lignes : "Gardez-le propre, gardez-le brillant. Ne laissez pas la moindre chose l'abîmer, accompagné du hashtag #invisible."

Re-retrait de la pub et re-excuses platissimes : "Nous sommes profondément désolés vis-à-vis des personnes qui ont été offensées par ce post. Après avoir réalisé que cette image était déroutante, nous l'avons retirée. La diversité et l'égalité des chances sont des valeurs cruciales pour Nivea."

De tous côtés c’est confondant de bêtise, d’autant qu’il y aurait eu une autre solution : une pub de la dame en robe noire, avec des auréoles blanches sous les bras : « Plus jamais ça. » Quoique… Ou mieux : des mâles saoudiens à la place de la dame caucasienne, eux qui passent leur vie dans des djellabas immaculées, la tête sous un torchon à carreaux.

Voilà donc où en est rendu notre monde marchand, qui prétend offrir à des crétins « l’unité, la paix, l’entente, la diversité et l’égalité des chances » via du déodorant et du soda ! Sauf que les crétins veulent du déo à leur couleur, et du soda tout pareil.

Au secours !

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08 avril 2017 à 0:24

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