Procès du 13 novembre : la tribune très politique de onze avocats de la défense

Salah Abdeslam 2020-01-10 à 20.22.31

Le 18 juillet dernier, le journal Le Monde publiait une tribune des avocats des six accusés au procès du 13 novembre, dont Salah Abdeslam, se livrant à un véritable réquisitoire contre la décision rendue mais aussi contre l’institution judiciaire et, plus largement, contre l’État.

À défaut d’avoir convaincu à la barre, ces avocats tentent désormais de discréditer le verdict en développant une théorie complotiste : les « dix mois d’audience n’ont servi à rien dans la décision finale » car « tout était joué d’avance » et ce n’est pas « une décision de justice fondée sur le droit » qui a été rendue mais une « décision politique ». Une « œuvre de vengeance » qui, pour les condamnations les plus lourdes, cache en fait « une peine de mort lente en abolissant tout espoir de réintégrer la société ».

Cette tribune met donc en scène un nouveau procès dans lequel les rôles sont inversés : les avocats se muent en procureurs, les magistrats se retrouvent sur le banc des accusés et les condamnés se transforment en victimes d’un complot car « tout était joué d’avance », comprenez : ce procès n’était qu’un simulacre.

Une théorie bien maigre au regard des arguments avancés, comme celui évoquant des accusés « qui se révélaient bouleversés par la parole des parties civiles ». Et que dire de l’indécence de certaines affirmations, comme celle assenant qu’il est facile « d’abattre nos ennemis en faisant fi du droit » ? Abattre ! Doit-on comprendre qu’en réalité, c’est l’État qui est terroriste ? Et que les condamnés sont alors les victimes d’un assassinat prémédité ?

Il y a, dans tous ces sous-entendus, ces allusions et ces non-dits, quelque chose d’écœurant et de profondément choquant. Mais peut-être était-ce l’objectif de cette tribune qui semble répondre, elle aussi, à des « considérations stratégiques, c’est-à-dire politiques ».

Derrière l’avocat se cache parfois le militant, comme en témoigne le profil de Raphaël Kempf, avocat d’un des accusés et signataire de la tribune. Libération et France Inter lui avaient consacré des portraits dithyrambiques : « un pénaliste rebelle » qui, lorsqu’il était étudiant, se passionnait « pour la culture arabe » qu’il a étudiée au Caire.

Il y a fait également un stage chez un avocat égyptien et, revenant sur cette expérience, il explique à la journaliste de France Inter tout le bien qu’il pense de la charia : « À ce procès, quand on entend le mot charia, on dit vous êtes un islamiste, etc. Mais moi, ce que j’ai constaté, c’est que la Justice égyptienne se réfère à des normes de droit issues de la charia pour y trouver des solutions juridiques, en faveur de paysans qui risquaient l’expulsion. »

La charia au service de la justice sociale.

À lire ses déclarations, on comprend que le judiciaire n’est pour lui que la continuation de la politique par d’autres moyens. Il le reconnaît lui-même lorsqu’il déclare à Libération (16/12/2021), à propos de son mentor égyptien : « J’avais une admiration extraordinaire pour lui. Il faisait de l’activisme à partir du droit. » Voilà le sens de la tribune du Monde.

En témoigne, également, son évocation d’une autre de ses affaires mettant en cause des activistes antinucléaires poursuivis pour association de malfaiteurs. Il dénonce, là encore, un « procès politique » qui illustre, d’après lui, « la criminalisation des militants ».

La « répression d’État des militants », c’est son combat. Il lui a d’ailleurs consacré un livre : Ennemis d’État. Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes.

Le vrai coupable, c’est l’État avec ses procureurs aux ordres qui refusent de voir que son client au procès du 13 novembre, Yassine Atar, est en fait « la victime expiatoire d'un système judiciaire aux abois aveuglé par son patronyme », la « victime des lois antiterroristes qui permettent une répression féroce ».

On comprend alors que la tribune du Monde instrumentalise des questions juridiques à des fins politiques. Avec, en écho, la rhétorique complotiste de l’extrême gauche et sa sinistre inversion des valeurs qui conduit à systématiquement faire des délinquants et des criminels les victimes d’une société injuste et raciste. Une manœuvre qui ne nous fera pas oublier qui sont les vraies victimes et qui sont les barbares islamistes coupables d’une tuerie de masse.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

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