Pour Dani, reine de la nuit et du tout-Paris, la fête est finie…

dani

Danièle Graule, dite Dani, n’est plus. Fille d’un cordonnier et d’une marchande de chaussures exerçant à Perpignan, elle a tout juste vingt et un ans quand elle monte à Paris, avec son œil mutin et sa beauté pour seuls bagages. C'était au milieu des années 60. Catherine Harlé, qui fait alors la pluie et le beau temps dans le petit monde très fermé du mannequinat, ne tarde pas à la repérer. Sa carrière est lancée.

L’agence Catherine Harlé est l’une des trois plus importantes du genre au monde ; il est vrai qu’alors, la Ville Lumière brille de tous ses feux. Son palmarès ? Plus qu’éloquent : Anita Pallenberg et Marianne Faithfull. La première convolera avec Brian Jones et Keith Richards, l’autre avec Mick Jagger, soit les trois cinquièmes des Rolling Stones. Mais encore Nico, future chanteuse du Velvet Underground et Anna Karina, qui va tôt devenir l’égérie de Jean-Luc Godard. Sans oublier une certaine Élizabeth Teissier, qui n’est pas encore voyante mais voit déjà loin.

Bref, rien à voir avec le Paris d’Anne Hidalgo. La capitale est une fête de tous les jours. On y danse, on y boit, on y fume, on s’y amuse. Et dans sa chanson « Les Playboys », Jacques Dutronc va jusqu’à chanter ces jeunes gens chics et élégants, « qui lisent et savent parler aux mannequins de chez Catherine Harlé ». De cette ribouldingue permanente, Dani devient vite l’une des reines incontestées. Hormis les photos de mode, elle tâte du cinéma avec La Ronde (1964), de Roger Vadim, ou La Nuit américaine (1973), de François Truffaut. Il y a aussi la musique, avec un premier 45 tours, Garçon manqué,en 1966, qui lance sa carrière. Puis, deux ans plus tard, elle se fait remarquer grâce à une autre chanson à succès, « Papa vient d’épouser la bonne ». En 1970, c’est la consécration, lorsque son premier album, Dani, reçoit le prix de la fort prestigieuse Académie Charles-Cros. En 1974, elle s’apprête à représenter la France à l’Eurovision avec sa chanson, « La vie à vingt-cinq ans », quand sa prestation est annulée au dernier moment pour cause de décès du Président Georges Pompidou.

Faut-il y voir rapport de cause à effet ? Toujours est-il que la même année, elle participe à un meeting de soutien au candidat Valéry Giscard d’Estaing, tout comme elle fera de même, bien plus tard, en 2017, avec Emmanuel Macron. Giscard ayant été un vieux Macron avant l’heure et Macron un jeune Giscard tardif, tout cela n’est pas fondamentalement illogique. Pour autant, défendre VGE en pleine furie soixante-huitarde, il fallait en avoir dans le pantalon, même pour une femme.

Ensuite, après avoir tant fréquenté les boîtes de nuit, elle finit par en ouvrir une, L’Aventure, sise au 4, avenue Victor-Hugo, dans le 16e arrondissement, là où toutes les célébrités d’alors ne tardent pas à défiler en meute. Dani y brûlera la chandelle par les deux bouts, ne tardant pas à tomber dans les pièges de l’héroïne près d’une décennie durant. Pourtant, en robuste provinciale, et d’une fleur à l’autre, elle passera de l’opium à la rose, se reconvertissant dans l’ouverture de plusieurs magasins dédiés à cette dernière. En revanche, si Dani continue à tourner de temps à autre, au cinéma et à la télévision, sa carrière de chanteuse demeure au point mort. Et il faudra toute la force de persuasion de l’un de ses fans de toujours, Étienne Daho, pour qu’elle se risque, en 2001, à un come back, grâce à « Comme un boomerang », chanson oubliée de Serge Gainsbourg.

La soixantaine passée, la voix usée par la cigarette et les alcools forts, la voici à nouveau sous les feux de la rampe. Soit l’occasion de constater que la vieille dame indigne n’a rien perdu de sa dignité. Dès lors, sa fin de carrière est un véritable sans-faute. En 2006, elle est citée au César™ du meilleur second rôle dans Fauteuils d’orchestre, de Danièle Thompson. Puis, en 2018, Alex Lutz, dans Guy, lui offre le dernier grand rôle de sa vie. Normal, puisqu’il s’agit globalement de la sienne, incarnant ici une chanteuse un peu oubliée, un peu fatiguée par les excès, mais toujours debout. Ce que Dani a finalement toujours été, avant de se coucher pour de bon. Espérons que là-haut, l’espace VIP aura été réservé et le champagne mis au frais. Et surtout qu’on aura encore le droit d’y fumer.

 

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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