[Point de vue] La droite patriote passerait-elle l’épreuve du pouvoir ?

Capture d’écran
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Lors d’un débat récent sur RTL, le docteur Laurent Alexandre expliquait, à propos des communistes arrivés au gouvernement en 1981, « qu’ils ont dû se confronter au réel, s’adapter au réel, ils ont été transformés par le réel et par le pouvoir ». Selon lui, lorsque - et non « si », car selon lui, ce n’est plus qu’une question de temps – le RN arrivera au pouvoir, le parti à la flamme suivra la même trajectoire, « changera profondément » en quittant les bancs de l’opposition pour les fauteuils des cabinets ministériels.

Est-ce à dire que, quelles que soient la force et la justesse de ses convictions, quelle que soit la légitimité à agir conférée par le résultat des urnes, un parti politique de droite, patriote, souverainiste, identitaire, national-conservateur - appelez-le comme vous l’entendez, mais assurément disruptif et à contre-courant - n’aurait, en définitive, aucune chance de modifier la trajectoire, de freiner cette course folle vers l’abîme que l’on connaît en Occident ?

Comment renverser cet argument qui sent la résignation, l’aquoibonisme, qui voudrait que les forces à l’œuvre dans la marche du monde vers une même direction seraient si puissantes qu’elles ne toléreraient, au mieux, qu’une forme d’immobilisme ?

On l’a souvent dit dans ces colonnes, l’essentiel est la volonté politique. Les récentes affaires d’OQTF jamais exécutées et aux conséquences sanglantes en sont, en creux, l’éclatante démonstration.

Mais quel est donc ce réel dont parle Laurent Alexandre ? Celui que les idéologues de tout poil ont édifié à coups de narrations médiatiques plus vraies que nature ? Elles deviennent le réel, la classe politique se transforme alors en caricature de Disneyland, on l’a vu pour l’affaire Fournas. Contre cela, il faudrait commencer par ne rien lâcher sur le plan sémantique, ne jamais adopter les éléments de langage fournis obligeamment par la gauche et repris à l’unisson par tout le chœur politico-médiatique. Le « réel » commencerait déjà un peu à évoluer. Sur ce plan, on peut dire qu’Éric Zemmour a ouvert la voie.

Le docteur Alexandre parle-t-il, également, de cette réalité installée, organisée, construite, modifiée à coups de lois – en France par exemple, toutes les lois sur l’immigration -, de ce dévoiement des institutions - le référendum de 2005, par exemple, et la super-potentialisation de l’Union européenne au détriment des souverainetés nationales, dans tous les domaines -, de ce Moloch qu’il serait vain d’affronter ?

L’exemple récent des bateaux des ONG chargés de migrants qui débarquent actuellement à une cadence accélérée en Italie - par un pur hasard ? - est un cas d’école.

La volonté, pourtant clairement exprimée, de ce gouvernement d’empêcher le débarquement de clandestins est contrecarrée par le droit international, les obligations et accords entre pays de l’Union européenne, et, in fine, le cadre légal mis en place par l’ancien ministre de l’Intérieur de gauche du gouvernement Draghi. Les ONG disposent d’une batterie d’avocats qui ont déposé de multiples recours devant les tribunaux. Or, la magistrature italienne est, comme la nôtre, en majorité de gauche. Lorsque le résultat des urnes n’est pas « conforme », la magistrature entre en scène : outrepassant ses fonctions, elle s’arroge un pouvoir politique. Comme, aujourd’hui, les ONG qui prennent en otage la politique migratoire, soutenues à coups de sit-in, pancartes, manifestations et jugements moraux par la gauche italienne. Cette même gauche qui se découvre aujourd’hui « humaniste », quelques mois à peine après avoir imposé aux Italiens un passe sanitaire parmi les plus restrictifs au monde : songez seulement que les enfants de plus de 12 ans ne pouvaient prendre les transports en commun pour se rendre à l’école s’ils n’étaient pas vaccinés. Humanité…

Mais revenons à ce fameux « réel » auquel on ne pourrait que se soumettre, par fatalisme ou résignation. Pour le cas italien, rappelons que Giorgia Meloni vient tout juste d’arriver au pouvoir et qu’elle ne peut, en dix jours, s’opposer à tout ce cadre législatif dont elle hérite. Sa tournée bruxelloise a été un succès, nous dit-on. On comprend aisément qu’elle ne veuille pas prendre de front les instances européennes ; néanmoins, la voie à emprunter est étroite, l’Union européenne tendant par nature à abolir les souverainetés nationales. Sur le plan migratoire, il faudra d’intenses efforts diplomatiques, déployés sans naïveté aucune, pour amener l’Europe à prendre enfin ses responsabilités. Dans son programme, il y avait l’idée d’un blocus naval à l’entrée des eaux territoriales italiennes… comme celui que Romano Prodi, président du Conseil de gauche, avait mis en place en 1997 pour refouler les vagues migratoires albanaises. Il y a aussi, dans ce programme politique, l’idée d’externaliser la demande d’asile hors d’Europe… comme le fait la social-démocratie danoise. Cela briserait le cercle vicieux en cours aujourd’hui : s’embarquer sur des rafiots de fortune, enrichir des passeurs, véritables trafiquants d’êtres humains et livrer ainsi la gestion des flux migratoires aux ONG, ce dont l’Union européenne s’arrange fort bien.

Pour cela, il ne faudra pas craindre d’affronter l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l'homme, la réprobation internationale, le camp du bien. Pour cela, il faut de la volonté politique, et du temps. À ce titre, l’exemple hongrois est parlant. Mais le temps presse. Ceux qui aiment leur pays et refusent la nouvelle réalité imposée devront faire preuve de courage politique tout autant que d’abnégation. Et ne jamais oublier qu’« en politique, tout désespoir est une sottise absolue ».

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

23 commentaires

  1. A la différence des communistes qui obéissait à une idéologie, le RN ou tout parti politique souverainiste pour être élu devra répondre d’un besoin des Français à être protégés. Ce ne sera donc que par une majorité réelle qu’ils pourront inverser la tendance et si certes pour aller vers l’objectif déterminé, le chemin pourra être long et sinueux, le peuple s’il est suffisamment informé suivra. La pire chose que le peuple ne tolère pas est d’être pris pour un « abruti » et aujourd’hui il est servi.

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