[Point de vue] Cette société de consommation qui ne cesse de réduire les droits… des consommateurs

supermarché

L'un des paradoxes, en ces temps de crise économique, sociale et d'inflation, c'est que le respect des droits des consommateurs est sans cesse toujours plus réduit. Cette restriction a commencé dès l'ère Sarkozy, à partir de 2009, par la « restructuration » de différents services d'État au sein de ce que l'on appela les DIRECCTE (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et qui, depuis le 1er avril 2021, sont appelées les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) : la consommation n'est plus mentionnée.

La DIRECCTE fut le prétexte d'une nouvelle répartition des effectifs de fonctionnaires et, au final, une diminution des contrôles de la sécurité, la qualité, la quantité, l'étiquetage, la traçabilité, le prix des produits et des services ! Sans cette anémie provoquée des administrations de surveillance du marché, des scandales alimentaires auraient probablement pu être évités. Pourtant, sur ce sujet vital de la sécurité alimentaire, la Cour des comptes avait tiré le signal d'alarme : faute de moyens humains, des secteurs entiers de l'alimentation échappent aux contrôles (6/2/2019). Déjà en 2016, l'association L214 avait commencé à dénoncer les conditions de l'abattage animal, car la souffrance inutile provoque des altérations de la viande et des risques pour la santé humaine, notamment (mais pas seulement) dans le cas des abattages rituels. En 2017, c'est l'affaire Lactalis : présence de salmonelles dans des laits infantiles, avec une plainte pénale… En 2019, 780 tonnes de faux steaks hachés sont distribués à des associations d'aide aux démunis mais… ne contenaient pas de viande. Et la même année, 800 kilos de viande avariée polonaise sont saisis in extremis dans neuf entreprises agroalimentaire : de quoi faire 4.000 steaks dangereux. Pourtant, en 2021, le gouvernement décrète la fin de l'indication obligatoire de l'origine de la viande dans les produits alimentaires !

Qu'on n'incrimine pas le nouveau système dit « d'autocontrôle sanitaire » : car ce qui pêche, c'est que la vérification que les procédures d'autocontrôle ou de traçabilité sont bien réalisées n'est souvent plus effectuée. L'évolution positive de la protection de la sécurité, de la santé et des droits économiques des consommateurs dans les années 70 est, à présent, inversée vers la négative. Sous l'ère Hollande-Macron, en janvier 2017, il y eut la suppression de la remarquable et indépendante Commission de la sécurité des consommateurs (qui éditait le site securiteconso.org) et que tout intéressé pouvait saisir en cas de danger de produits non alimentaires. Sans doute trop démocratique et trop efficace ? En tous domaines, la régression de la démocratie économique est continue.

Plus largement, pour le consommateur de biens fournis par les entreprises ou l'usager du service public, la situation ne cesse donc de se dégrader : une tiers-mondisation effrayante et un recul de ces droits de base que sont la sécurité physique et juridique, l'égalité d'accès aux services publics : école, hôpital, justice, transports. L'étiquetage des produits, les modes d'emploi sont de plus en plus insuffisants. En 2019, on découvre que des produits arborant des logos tricolores sont fabriqués à partir d'ingrédients importés : consommateurs et agriculteurs français sont lésés. Et, comme pour la délinquance crapuleuse, la raréfaction des contrôles et l'impunité pénale augmentent le nombre d'infractions. Les professionnels vertueux (ils sont majoritaires) sont de plus en plus confrontés à une concurrence déloyale.

C'est ce même type de situation qui avait motivé, il y a plus d'un siècle, la rédaction, par les professionnels eux-mêmes, de la loi de 1905 sur la répression des fraudes. S'il est vrai que certaines réglementations sont surabondantes et confuses, c'est surtout leur grande instabilité qui dérange les producteurs.

Henri Temple est cofondateur et a été directeur du Centre du droit de la consommation. Coauteur de Droit de la consommation (10 Éditions, Dalloz).

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Henri Temple
Henri Temple est universitaire, juriste, théoricien de la Nation (auteur de :  Essai sur le concept de ‘’Nationisme’’, Sphairôs, 2024)

Vos commentaires

8 commentaires

  1. L’état est un très mauvais fournisseur. Ses prix augmentent en flèche et ses services n’existent quasiment plus.

  2. On peut aussi remarquer la floraison des propositions douteuses d’abonnements payants donnant accès à des solutions miracle en termes de santé, de placements financiers et autres

  3. Comment peut-on croire un « sinistre » qui dit : »tout va bien … Achetez des pulls à col roulé et des bougies … Soyez dociles et faites preuve de sobriété énergétique … »
    Tous ces coucous politicards doivent être « débranchés » très rapidement avant que le fracas annoncé soit effectif … TOUS les pans régaliens sont détruits par la macronie qui n’a pas commencé cette dégradation mais l’a accentué ! … macron est coupable du cas ALSTOM; il a démoli l’un des seuls secteurs qui restait debout après les actions de détricotage du tissu industriel ! … Ses « patrons » l’ont téléguidé pour qu’il fasse exploser ce secteur qui par « effet domino » va totalement faire imploser absolument tout ce qui reste encore un peu « vivant » … Au delas des boulangers, tout ce qui se fait avec de l’électricité va être impacté … et pas simplement faire chauffer des pâtes … De toute façon, qui va pouvoir s’acheter des pâtes ? …
    Ah si, les coucous politicards qui sont actuellement au Sénat, à l’Assemblée Nationale et l’auto proclamé « premier de cordée » …
    Une seule « bonne nouvelle »: les syndicats commencent à « perdre la main » sur les mouvements de contestation de différentes « bases » … Il est là aussi grand temps que ces « bras armés » des politicards soient amputés pour que la FRANCE retrouve sa souveraineté ! …

  4. Et la cerise sur le gâteau: à partir du 1er avril, disparition des tickets de caisse ! On ne pourra plus vérifier si l’on se fait enfler sur les prix, sauf à laisser son mail pour le recevoir, et ainsi être fliqué d’avantage ….Odieux ! Je pensais que le consommateur était encore un peu respecté, puisqu’il rapportait aux multinationales !
    Et bien, même le respect du consommateur ne nous est plus dû !
    « Ils n’auront plus rien et ils seront heureux » a prévu Klaus Schwab !

  5. Donc si on comprend bien, les voyous en France ont tous les droits et, s’ils sont pris, auront une toute petite petite peine
    Quel que soit le crime

  6. Panier de courses : +15% d’inflation en un an sur les produits du quotidien. Les hausses de prix de 2022 ont absorbé à peu près dix ans de baisse des prix en grande surface et les produits de première nécessité ou les produits premiers prix sont les plus touchés. C’est le type même de situation qui génère les révoltes : la France va connaître des émeutes de la faim. Honte au 3 derniers présidents : Sarkozy (affairisme), Hollande (sociétal) et enfin l’intolérable synthèse des deux. Aucun n’aime les Français.

  7. La situation, très bien décrite, démontre que la volonté de Macron est de défendre les intérêts des marchands internationaux au détriment des consommateurs français, mais aussi des acteurs économique nationaux.

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