Les gilets jaunes ne font plus les gros titres des gazettes, un événement chassant l’autre, tel que le veut une sorte de loi médiatique non écrite, mais vérifiable par tous.

C’est donc le moment que choisit Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière, pour accorder un entretien au Parisien afin d’expliquer pourquoi et comment le budget de la France ne sera pas celui à l’origine prévu ; à savoir ne pas outrepasser la barre fatidique des 3 %. L’exercice est hautement délicat, sachant que du temps où Pierre Moscovici était ministre des Finances de François Hollande, le déficit de nos finances publiques avait culminé à 4,3 % ; soit loin devant les 2,4 % récemment annoncés par les Italiens, tel que le lui a fait remarquer Marine Le Pen, non sans justesse et malice.

Aujourd’hui, il constate : "La fracture ne cesse de croître entre une France qui va bien, dans les métropoles, et une France qui souffre, dans les zones semi-rurales. Réconcilier ces deux France, c’est tout l’enjeu d’aujourd’hui." Fort bien, et Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien, n’aurait pas mieux dit. Ce, d’autant plus que, derrière ce discours lissé, se niche une autre fracture, entre Pierre et Moscovici.

Quand on lui demande ce qu’il pense du rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires, instaurée par Nicolas Sarkozy puis supprimée par François Hollande, c’est Moscovici qui stigmatise Pierre : "Avec le recul, il n’est pas certain que cette suppression ait été notre choix le plus pertinent. Cette mesure était coûteuse, mais pas inefficace." Ou de l’art, pour le commissaire européen qu’il est devenu, d’accabler le ministre des Finances qu’il fut. Et c’est là que réside tout le problème, involontairement résumé par Moscovici Pierre.

Car c’est en Européen qu’il se définit et non plus en Français. Pis, loin de se montrer bienveillant – après tout, la maison mère de Bruxelles n’est-elle pas censée faire preuve d’une certaine empathie vis-à-vis des nations européennes constituées lui permettant d’exister ? –, l’européisme punitif n’est, avec lui, jamais loin. Quand on lui demande s’il envisage de "systématiquement rejeter tout budget dont le déficit serait supérieur à 3 % ?", la sentence tombe aussitôt, en forme de couperet : "Si on se réfère aux règles, dépasser cette limite peut être envisageable de manière limitée, temporaire, exceptionnelle. Mais chaque mot compte : le dépassement éventuel des 3 % ne doit pas se prolonger sur deux années consécutives, ni excéder 3,5 % sur un an."

On a bien compris. En rangs par deux et le petit doigt sur la couture du pantalon. Une fois encore, le ministre Pierre aurait eu l’air fin devant le commissaire Moscovici, avec ses 4,3 % de déficit, alors qu’il officiait à Bercy. Ce qui nous renvoie, une fois de plus, à son intransigeance quant aux finances de notre voisin transalpin, sachant qu’une "telle indulgence" pourrait poser "un sérieux problème d’équité vis-à-vis de l’Italie". La réponse est éloquente à deux égards au moins. Le premier relève de l’éternelle schlague européenne : "Il n’y a pas d’indulgence. Ce sont nos règles, rien que nos règles", injonction qui laisse effectivement assez peu de place à un légitime débat démocratique. Le second relève d’une sorte d’Europe à deux vitesses, prompte à trier le bon grain de l’ivraie, à séparer les nations qui seraient vertueuses et les autres qui ne le seraient pas : "La Commission européenne surveille de près la dette italienne depuis plusieurs années. Nous ne l’avons jamais fait pour la France." D’une certaine manière, voilà qui signifie que notre procureur ne se sent à nouveau français que lorsqu’il pourrit la vie des Italiens…

Une question en amenant généralement une autre, posons au moins celle-ci : au fait, qui surveille Pierre Moscovici ?

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12 décembre 2018 à 16:20

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