« Peuples premiers » en Nouvelle-Calédonie : M. Valls, identitaire inattendu

Cette expression du ministre des Outre-mer, en déplacement sur l'île jusqu'à jeudi, n'est pas passée inaperçue.
@Delphine MAYEUR / AFP
@Delphine MAYEUR / AFP

Manuel Valls ne déçoit pas. Il est venu au ministère des Outre-mer sans y connaître quoi que ce soit, mais il apprend vite. Et, en bon militant socialiste des années 80, il n’a pas tardé à mettre la question raciale sur le tapis. Pour l’inoxydable ministre d’État, qui était en visite en Nouvelle-Calédonie le samedi 22 février, il y a « un peuple premier » sur l’archipel, et ce sont les Kanaks. Réaction immédiate - et publique - du député de Nouvelle-Calédonie (EPR) Nicolas Metzdorf : « Tu ne nous respectes pas. » « Nous », ce sont les Caldoches, ces métropolitains venus en Nouvelle-Calédonie, parfois depuis plusieurs décennies, et qui lui ont apporté beaucoup, sans toutefois réussir à se mélanger vraiment avec la population « de souche ».

Les réactions sont partagées, après cette sortie savamment calculée… et elles n’ont rien à voir avec l’orientation politique. Simon Louekchote, ancien sénateur RN de l'île, pourtant anti-indépendantiste, abonde dans le sens de Manuel Valls, parce qu’il est lui-même Kanak.

Pour lui, et pour beaucoup d’autres, un « peuple premier », c’est un peuple autochtone, qui était là avant d’être envahi par une puissance coloniale ou étrangère. Les Indiens d’Amérique ou les Inuits du Canada sont ainsi qualifiés de « peuples natifs » ou de « première nation ». Pour ceux qui se sont scandalisés de cette déclaration, « premier » renvoie au contraire à une hiérarchie dans la citoyenneté et menace les valeurs de la République et toute cette sorte de choses.

La question qui tue

Un peu d’honnêteté : oui, les Kanaks sont un peuple premier. Ils étaient là avant les Français de métropole. Et tout le miracle d’un pays qui fonctionne(rait) est justement là : la France, depuis l’Ancien Régime, est un creuset, qui fond en un alliage indestructible des peuples qui ne se connaissaient pas. Encore faut-il, pour cela, avoir suffisamment de « musique en soi pour faire danser la vie », comme dit Céline, c’est-à-dire être assez sûr de soi et de son récit pour y incorporer les nouveaux venus. Ce n’est évidemment plus le cas d’un pouvoir politique moribond qui se raccroche à d’improbables « valeurs » qu’il est incapable de définir, en guise d’identité nationale.

Par ailleurs, Manuel Valls a l’intelligence de poser une question loin d’être anodine : les peuples qui habitent historiquement une terre ont-ils le droit de persévérer dans leur être, en intégrant les nouveaux arrivants au compte-gouttes et sans se renier ? C’est ce que pensait, par exemple, La France insoumise au moment des émeutes de cet été, en Nouvelle-Calédonie - un raisonnement répugnant d’hypocrisie, puisque Mélenchon et sa secte défendent là-bas ce qu’ils trouvent « raciste » en métropole. Une hypocrisie dénoncée par Marion Maréchal: si elle s'insurge contre Manuel Valls lorsqu'il dit que le peuple kanak « doit aller jusqu’au bout de son émancipation », elle s'étonne que « le souci des "peuples premiers" et de leur identité s’applique manifestement pour la Nouvelle-Calédonie mais pas pour la métropole ».

Alors, que vont devenir les « peuples premiers » - Kanaks en Nouvelle-Calédonie, Français de souche dans l’Hexagone ? Manuel Valls, cet identitaire inattendu, a soulevé la question qui tue. Sous le vernis craquelé de la République sénile, c’est l’identité profonde des peuples, presque intacte malgré les lavages de cerveau, qui se fait jour. Peut-être, dans vingt ou trente ans, organisera-t-on, dans l’Hexagone, des norias de cars au départ des métropoles, entre un marchand de tacos et un supermarché anonyme, pour emmener un peuple aux yeux vides dans un village d’autrefois. Dans ce coin du Cantal ou du Gévaudan où le tour operator les débarquera, des enfants obèses lèveront, de temps à autre, le nez de leur portable pour regarder vivre des familles de ce peuple premier qu’on appelait autrefois les Français. « Tu me mets quelques Blancs, quelques whites, quelques blancos », dira alors, comme quand il dirigeait Évry, un Manuel Valls devenu octogénaire, comme une sorte de Philippe de Villiers de gauche dans un Puy du Fou de la France morte. La boucle sera bouclée.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

46 commentaires

  1. c est la Corse qui va être contente en 2003 tous les corses l évêque compris , sauf Zuccharreli avaient voté Pour l autonomie … sauf les Pinsuti ! ce que l on avance aux Kanaks on le refuse aux Corses ! Près de Yeux loin du Coeur ??? 22 ans de réflexion !!!

  2. Il fait le concours de la plus grosse ânerie avec Macron, il faut qu’il se dépêche car il a du retard à rattraper.

  3. Avec la désindustrialisation de la France, le coût du Nickel de Nlle Calédonie plus cher que celui de l’Indonésie, vendons l’Ile au plus offrant U.S. ou Chine ou Russie. Rapatrions les New Calédoniens français qui veulent vivre en France…..Et Basta ! on a d’autres soucis. La Colonisation c’est fini a dit Macron, et même « c’est un crime contre l’Humanité ». Qu’il soit logique avec ses paroles au moins…! ! !

  4. Attitude de Gauche typique. Toute population à qui on a apporté la santé, l’éducation et le progrès aurait été sacrifiée?

  5. Je me suis laissé dire que des anthropologues avaient découvert qu’un autre peuple avait précédé les kanaks sur le Caillou. Mais la question n’est pas là. La racine du problème calédonien est fondamentalement sociétale. Pour protéger les Kanaks de tous abus des colons, Napoléon III avait créé des Réserves Kanaks, imité plus tard par les Américains pour les Indiens. Encore aujourd’hui nul ne peut pénétrer dans les différentes tribus sans l’autorisation du chef coutumier. Dans cet enfermement humain, s’est ainsi développé un système sociétal collectiviste, fondé sur l’appartenance à la terre et le culte des Anciens. Ce système a bridé les initiatives individuelles de développement, creusant un fossé avec les autres habitants, entretenant le ressenti de la persistance de la colonisation dont la fin officielle date de 1946, après consultation des populations. Toutes les élections depuis 40 ans ont montré l’impossibilité d’une fusion citoyenne. Il ne reste plus, hélas, que la solution de la partition du territoire comme à Chypre. La réalisation ne sera pas une sinécure.

    • Merci Michel, le peuple premier, les Lapita étaient des asiatiques venus de Taïwan. Ils ont été évincés ou submergés, on ne sait pas exactement par des Papous 500 ans après leur arrivée. Les asiatiques survivants ont fuit vers les iles de l’Est où ils sont devenus les Polynésiens. Pour la société Kanak, c’est à la fois une aristocratie où le fils ainé du chef succède à son père, les femmes n’étant rien chez les kanaks. Mais c’est en même temps une société collectiviste où celui qui travaille doit partager ses gains avec les chefs et la famille. Cela explique les bas salaires des kanaks car beaucoup ne veulent être payés qu’au minimum, le reste étant payé en liquide et caché à la tribu. C’est une pratique courante chez les employeurs en NC, les systèmes de contrôle étant moins rigoureux qu’en France. Sans changements profonds dans la société Kanak, il n’y a aucune solution. Les jeunes Kanaks qui travaillent bien à l’école et obtiennent une bourse d’études en France, ne reviennent souvent jamais, à 80% pour les jeunes femmes. C’est l’occasion de fuir la tribu sans entrer en conflit, ce qui pourrait causer des préjudices à la famille.

  6. Bon alors passons au même raisonnement pour la métropole Monsieur Valls…qu’en pensez vous, vous ferez mieux de tourner 7 fois la langue dans votre bouche avant de parler mais pour vous parler parler toujours c’est bien tout ce dont vous êtes capable
    Et puis vous avez déjà oublié votre parcours personnel quand vous avez tenté une autre carrière politique en Espagne et qu’aviez vous à l’époque en ligne de mire concernant la Catalogne Oups ça ne colle plus avec votre discours d’aujourd’hui pour la Nouvelle Calédonie.

    • Je ne vaeux pas défendre Valls, mais en la matière il a raison : c’est un Catalan qui s’est présenté en Catalogne, il s’est rappelé à cette occasion qu’il appartenait à ce peuple premier, culturellement maltraité par l’Espagne. Comme la France a maltraité la culture kanak en Nouvelle Calédonie

  7. Pour mieux comprendre ce vaste débat, il faut préciser la différence entre les Métropolitains récemment installés en Calédonie (qu’on appelle les Zoreilles) et les « Caldoches », qui sont les descendants de la colonisation libre et/ou pénale. Ces gens sont sur la Caillou depuis au moins quatre générations et ils n’ont souvent plus aucune famille en France métropolitaine. Certains descendants de ces colons ne sont même jamais allés en France. La Calédonie est leur pays et ils n’en ont pas d’autre.

  8. On ne peut que saluer le commentaire à ce sujet de Mathieu Bock Coté hier soir dans « face à l’info » sur CNews (comme par hasard) : si les peuples « premiers » doivent retrouver leur souveraineté, qu’en est il en France de son peuple « premier », qui est sommé d’accueillir sans limite -sans doute à terme de souveraineté – les immigrés. Il y a des limites, apparemment franchies sans vergogne, dans l’incohérence. M. Valls avait repris un peu de crédibilité : on ne peut hélas que constater que c’était une illusion.

    • Valls est spécialiste du retournement de veste… Autrefois il était un fervent soutien de la cause palestinienne, qu’il a complètement reniée ensuite.
      Un opportuniste hypocrite de plus….
      Et il est  » ministre d’État », s’il vous plaît !

  9. ! Quand l’idéologie te tient, c’est pour longtemps, mais à force de refuser de nommer les choses, de se mentir à soi-même, de tordre la réalité devant les caméras ou en public, ce n’est pas facile tous les jours de ne pas se prendre les pieds dans le tapis de temps en temps, même pour un Catalan opportuniste et de reconnaître, bien malgré lui, que le RN a raison.

  10. Quel est le cout de la Nouvelle Calédonie pour la Métropole ? quel est le profit ? ( le nickel calédonien coute 3 X plus cher que celui d’Indonésie ) , quel avenir pour cet ilot minuscule a 13H de vol de Paris ? qui ne permet pas des vacances d’1 semaine vu le prix des billets au départ de Paris , zone de tension
    ca justifie surtout la Grandeur de la France , et la présence de tous ces fonctionnaires surtout militaires dont les soldes sont multipliés par 2 ou 3 par rapport a la métropole , avec des ronds dans l’eau avec des frégates surdimmensionnées au départ de la France .
    Lancons un appel d’offres pour vendre cet ilot , et en méme temps donner leur indépendance aux kanaks .
    Réduction des couts budgétaires et en méme temps remboursement de la dette avec le prix de la vente .
    C’est une solution ainsi la métropole pourra continuer son millefeuille administratif et revenir sur une retraite a 62 ans .
    Donald Trump sera certainement acheteur , l’Australie aussi ……..l’Inde , la Chine ?

    • Vous êtes radical, et je ne suis pas loin d’être d’accord.
      je sais (tous) les avantages des Français, pour en connaître un couple, faisant leur carrière sur place. Pas à leur en vouloir, pourquoi ne pas en profiter, si l’opportunité est « offerte » !

    • Il faut en fait plus de vingt-quatre heures de vol et un billet à deux mille euros ! D’accord avec vous pour les salaires indécents versés aux fonctionnaires tandis que le privé peine à finir le mois. Ils sont d’ailleurs arrogants, méprisants, snobant les Calédoniens avec leurs gros 4×4 hors de prix, leurs bateaux et leurs domiciles luxueux. Réduire leurs soldes serait une bonne idée et apaiserait les tensions créées par ces gens, devenus indésirables. Ce qui n’empêche pas le débat sur l’utilité du maintien de cette minuscule collectivité qu’on appelle d’ailleurs le « Caillou ». Grâce à la NC, à Wallis et Futuna et à la Poltnésie française, la France est présente dans le Pacifique, comme sur tous les océans, et sa position est stratégique. Ce n’est pas sans raison que les Américains y ont installé leurs bases pendant la guerre. On peut réaliser des économies drastiques sur la NC, mais il ne faut pas pour autant l’abandonner. Tous les petits pays l’entourant (Vanuau, etc.) qui ont pris leur indépendance sont devenus des îlots de pauvreté extrême et beaucoup regrettent ces décisions d’indépendance plus idéalistes que réalistes. Les Calédoniens le savent et c’est pour cette raison qu’ils votent majoritairement pour le maintien dans la France. Valls ne convaincra personne, sa position est utopique et ne causerait que la misère..

    • n’aimant pas la NC vous avez une vision parcellaire de ce qu’elle est. La NC c’est aussi plus de 10% de la ZEE globale de la France dans le monde (4x plus que la métropole, et deuxième « fournisseur » de ZEE derrière la polynésie Française). Le nickel y est peut être plus cher qu’ailleurs mais c’est pour beaucoup du au coût de la main d’oeuvre, et cela n’est pas spécifique à la NC puisque nos principaux concurrents sont des pays asiatiques dans lesquels il n’y a pas de protection sociale comme en France. Accessoirement si vous prenez un avion de paris pour venir, au bout de 13 heures vous ne serez qu’à singapour ou tokyo selon la route choisie. rajoutez 9 h de plus pour arriver à nouméa

    • On ne peut pas faire une carrière entière de fonctionnaire métropolitain en NC, les contrats sont de 4 ans maximum. Les salaires sont indexés à 1,8X et reflètent les salaires des fonctionnaires territoriaux et le coût de la vie en NC qui est très élevé, 1,5X les prix pour la nourriture, 2X et plus pour des produits électroniques comme un portable.
      Pour venir s’installer dans le privé, il faut avoir un bon métier et les reins solides, les lois territoriales donnant la préférence à diplôme égal à l’emploi local. Le mieux est de créer son entreprise.
      Le problème du coût de la vie est lié à l’insularité et aux coûts des transports, beaucoup de choses venant d’ailleurs, et aux taxes douanières puisque tout ce qui vient d’ailleurs y compris de France est frappé de lourds droits de douane en entrant sur le territoire.
      Les droits de douane sont une grosse partie du budget du pays, le travail des gens de la province Sud non kanak apportant le reste et la France métropolitaine un complément. Il faut bien faire vivre les provinces kanaks du Nord et des Iles qui vivent à 90% d’assistanat complet et bénéficient depuis 40 ans d’un mécanisme complètement fou de retransfert d’une grande partie des ressources financières, cela s’appelle en NC la clé de la répartition. Et les travailleurs de la province Sud non kanak dont je fais partie en ont assez de cette injustice. Sans trainer les provinces kanaks, nous n’aurions pas du tout besoin d’argent de la métropole, du moins c’était le cas avant que l’économie de la province Sud ne soit ravagée.

  11. « En 2009, tandis qu’il déambulait dans la ville d’Évry, Manuel Valls a fait une remarque polémique sur la population de la zone. Pour lui, elle semblait manquer de « blancs », un terme qu’il reprend en anglais et en espagnol ».Manifestement,ce jour là Valls avait discerné d’un simple coup,d’oeil que dans sa ville,certains habitants n’avaient pas l’apparence « des peuples premiers ».

  12. A mon sens ce qu’il dit est plus large qu’en Nouvelle-Calédonie, çà vaut pour tout les peuples du monde entier, il y a un peuple premier en France un peuple autochtone qui était là avant d’être envahi par une puissance nouvel coloniale, étrangère. Voilà qui vas dans le bon sens. Grand merci Monsieur Valls, il n’y a pas les un et les autres.

    • Il est très généreux et plein d’humanisme, mais qu’il n’oublie pas qui est le peuple premier en France. Et croit-il que tous les Kanak veulent l’indépendance ? Il se trompe. Les Kanak voient leurs voisins devenus indépendants crever de faim. Pourquoi donc votent-ils massivement contre à chaque référendum ?

      •  » mais qu’il n’oublie pas qui est le peuple premier en France. » A quelle époque? Maintenant? Après le 1er empire? Après la révolution? Avant? Avant les Valois? Avant les Capétiens? Avant les Francs? Avant les Romains? les Gaulois? Ca peut durer longtemps…

      • Les Celtes (ou Gaulois) ne sont arrivés en ‘Gaule’ qu’au premier millénaire avant notre ère. Auparavant, il n’y avait pas d’autres peuples plus « premiers » ? Les dolmens et menhirs ont été sculptés par les vagues et les vents ? Soyez sérieux…

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