[Patrimoine] André Le Nôtre ou la nature au service de la France

Versailles

Si les châteaux et belles demeures de notre pays sont les joyaux de notre patrimoine, les jardins qui les entourent en sont bien les écrins dorés. Et de tous les orfèvres de ces bijoux faisant de la nature une œuvre de beauté, qui de mieux qu'André Le Nôtre ? Grand jardinier de Louis XIV, cet homme aura su doter le plus grand château de France qu’est celui de Versailles des plus beaux jardins qui soient. Ce week-end, lors des Journées européennes du patrimoine, chacun pourra admirer les chefs-d’œuvre de cet homme. Ce dernier, jusqu’à sa mort le 15 septembre 1700, aura influencé l’art des jardins dans toute la France. Si, aujourd’hui, vous avez chez vous un petit bout de jardin dit à la française, c’est un peu de Le Nôtre que vous possédez.

Né le 12 mars 1613 à Paris, André Le Nôtre est l’héritier d’une dynastie de jardiniers. En effet, son grand-père ainsi que son père furent au service du roi au palais des Tuileries. Mais ne devient pas jardinier qui veut. En effet, le jeune homme doit apprendre le dessin, la sculpture, l’architecture et la perspective afin de devenir l’égal des plus grands paysagistes. André Le Nôtre commence ses services auprès du frère de Louis XIII, Gaston de France, qui lui confie ses demeures de Saint-Cloud et du Luxembourg avant que le roi de France ne lui donne la charge de son père aux Tuileries.

En 1656, Le Nôtre loue ses services auprès de l’intendant général des Finances, Nicolas Fouquet. Ce dernier lui donne pour tâche de faire de son château de Vaux-le-Vicomte l’une des plus belles demeures du royaume. Une prouesse que réalisa le jardinier à l’aide de l'architecte Louis Le Vau et le peintre Charles Le Brun.

Leur œuvre était si belle que cela provoqua, selon l’historien Joël Cornette, « la fureur du prince : trop de richesses affichées, trop d’ostentation, trop de pouvoir affirmé dans ce défi de magnificence […] choqua Louis XIV ». Le souverain aurait même déclaré, en repartant : « Est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ? » En effet, le fils de Louis XIII avait pour seule maison des châteaux endormis et poussiéreux comme le Louvre ou Fontainebleau. Il n’avait pas encore en main les outils qui feront surgir du sol ce qui sera sa plus belle demeure : le château de Versailles.

Faisant arrêter Fouquet, le Roi-Soleil engage pour son projet architectural les trois « Le » : Le Nôtre, Le Vaux et Le Brun. Dès lors, le jardinier royal met tout son génie au service du roi de France. Il dessine les lignes du trésor que sera le parc de Versailles tel un tableau, faisant jouer les couleurs et la perspective. Traçant des routes et des jardins à travers les bois marécageux de Versailles, Le Nôtre dompte les eaux en dotant Versailles de 1.600 fontaines. Aucun élément ne saurait résister à la volonté et aux rêves de grandeur de Louis XIV, dont son humble jardinier est le plus grand artisan. Grâce à lui, c’est en ce lieu que furent données leurs lettres de noblesse aux jardins à la française. Ces derniers montrent ainsi la domination de l’Homme sur la nature, de l’ordre sur le chaos. Une pratique que chaque seigneur, petit ou grand, tenta de reproduire dans sa demeure en France.

Se retirant en 1693 à Paris après une vie prolifique au service des volontés du roi et des seigneurs de France, Le Nôtre s'éteint sept ans plus tard, à l’âge de 87 ans, et est enterré au sein de l’église Saint-Roch. Son tombeau est profané lors de la Révolution et ses restes détruits. Mais l’héritage d’André Le Nôtre n’est pas son corps mais bien son savoir-faire. Un génie qu’il a gravé dans la terre de France et qui, plus de trois siècles plus tard, continue à contribuer à la grandeur de notre nation. Il aura su faire comprendre que la beauté du patrimoine ne réside pas seulement dans les pierres centenaires qui constituent nos plus beaux édifices. Cette magnificence demeure aussi dans la nature gracieuse et silencieuse de nos parcs et jardins. Des trésors de notre civilisation que nous pourrons tous admirer ce week-end, lors des Journées européennes du patrimoine.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

6 commentaires

  1.  » Ces derniers montrent ainsi la domination de l’Homme sur la nature, de l’ordre sur le chaos. » Et nos dirigeants actuels, férus de progressisme, n’ont réussi qu’à construire l’inverse. Ou plutôt à ériger la civilisation du chaos.

  2. Parcs et jardins de Le Nôtre où pas, plus rien n’est respecté, peu importe la beauté des lieux, on pique-nique, joue dort ou campe sur les pelouses, mieux vaut se rouler dans l’herbe que s’assoir sur un banc ou une chaise, l’exemple donné aux enfants ne contribuera pas à leur faire admirer la beauté d’une simple pelouse et le travail fourni du jardinier. À l’exemple de ce qu’en a fait Mme Hidalgo !!!

  3. De vrais artistes , surtout quand on sait avec quels outils ils réalisaient ces chefs d’oeuvre . Ces bons artistes se font rares de nos jours . Quand on voit devant quoi certains peuvent s’extasier ça craint .

  4. Et dire que d ‘ après l ‘ individu qui occupe la place de Président , « il n ‘ y a pas d ‘ art Français « ….

  5. C’est tout ce qui reste de la France. Attention aux montages de tentes pour immigrés dans les jardins de Versailles. Ca ne va pas tarder.

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