On ne se lèche plus les doigts, s’il vous plaît !

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Le diable se cache dans les détails. Le principe de précaution et la bêtise aussi. Jugez-en par vous-même. La chaîne de fast-food KFC vient de retirer son fameux slogan (que j’ignorais jusqu’à ce jour…) : It’s Finger Lickin' Good, ce qui veut dire, en gros, « C’est bon à s’en lécher les doigts ». Personnellement, je n’en sais rien vu que, primo, je me lèche rarement les doigts, deuxio, je ne vais jamais chez KFC. Question de principe, tout court.

Principe de précaution ? « Nous nous retrouvons dans une situation unique – avec un slogan célèbre mais qui ne coïncide pas avec le contexte actuel », a expliqué la responsable du marketing international de la chaîne. Faut que ça coïncide. Le contexte ? Évidemment, le Covid. Se lécher les doigts, c’est mal élevé - ça, c’est pas grave – mais, surtout, c’est contraire aux gestes barrières. Il n'est cependant pas précisé si les doigts de pieds sont concernés. À creuser. En attendant, bannissons l’expression. Des fois que...

Des fois que, effectivement. Car, au Royaume-Uni, 164 personnes ont saisi, en mars dernier, l’Advertising Standards Authority (ASA), organisme chargé des normes publicitaires. Le diable se cache dans les détails, la bêtise aussi. Donc, on ne dit plus « c’est bon à se lécher les doigts » mais « c’est bon », sans plus. Si ça peut aider à freiner la diffusion du virus, pourquoi pas ! Mon petit doigt me dit qu’on n’est pas sorti de l’auberge…

La pub n’étant jamais que le reflet de notre société, il paraît évident qu’il faut aller carrément plus loin. Proscrivons toutes les expressions qui pourraient nous inciter à enfreindre ces sacro-saints gestes barrières. La main du législateur ne doit pas trembler sur ce sujet si grave et de salubrité publique.

« Les doigts dans le nez » : exit. En plus, c’est mal élevé et ça vous fait des grosses narines. « Savoir ses leçons sur le bout des doigts », « compter sur le bout des doigts » : exit, exit. Dès le plus jeune âge, faut inculquer les gestes barrières qui feront de nos gamins de bons petits soldats de la guerre anti-Covid, le petit doigt sur la couture du jogging. « S’en mordre les doigts » : exit. On pourrait, effectivement, s’en mordre les doigts, pardon, le regretter.

Bien entendu, les doigts ne vont pas sans la main. Enfin, en principe. Alors, exit « la main dans la main ». Plus célèbre en espagnol, la très gaullienne « mano en la mano ». Imaginez le général de Gaulle, non pas mis en examen, mais s’inclinant tel un mandarin devant Adenauer, comme le fait aujourd'hui Macron devant Merkel… Exit, aussi, « La main tendue ». Ce geste a définitivement abandonné le camp de la bienveillance pour rejoindre celui de la malveillance. Plus question, bien entendu, de « mettre la main à la pâte » ou de « donner un coup de main », on restera les mains dans les poches en attendant que ça se passe. En revanche, pas interdit, au contraire, de « mettre la main au porte-monnaie ». Ou de « mettre la main au feu ». Un geste purificateur ne fait jamais de mal dans le contexte actuel.

Croisons les doigts pour que tout cela cesse vite.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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