Notre Jacques Chirac : si proche, si loin

CHIRAC

On n'a pas impunément dix ans, en 1981, quand on est fils d'agriculteurs. Dans ce milieu qui, déjà, était abandonné, Jacques Chirac faisait naître une lueur d'espoir, face à un giscardisme bourgeois et une gauche, au pire stalinienne, au mieux tiers-mondiste, quand ce n'était pas les deux, il a représenté, un temps, la voix de la France oubliée et de la France de toujours. Ces Français-là, dont nous fûmes, lui reconnaissaient instinctivement un gène gaulliste, celui de l'énergie, de la résistance au déclin, à l'air du temps. Or, ce socle, son socle du premier tour, qui, lors des quatre élections présidentielles, les perdues comme les gagnées, répondait invariablement présent mais ne dépassa jamais les 20 % (de quoi nourrir tous les espoirs), a peut-être, plus que d'autres, de bonnes raisons de ne pas participer à la Chiracomania du moment et d'user de son droit d'inventaire.

Car cette France-là est orpheline, non pas du fait de la mort de Jacques Chirac, non, mais du fait de ses renoncements politiques. Il y a consensus, aujourd'hui, pour reconnaître que Jacques Chirac fut bien, sur le plan institutionnel (cohabitations, quinquennat, référendum perdu), mais aussi européen, « le fossoyeur du gaullisme », comme le redisait, dans Marianne, Natacha Polony. Il fut aussi le fossoyeur de la droite, n'appliquant jamais le programme qui nous était vendu (sécurité, immigration, etc.). Le gaullisme, la droite, passe encore, mais le problème, c'est que cela n'est pas sans conséquence, aujourd'hui, sur la France et les Français... Et s'il se retrouva, un soir du printemps 2002, face à Jean-Marie Le Pen en prétendant que c'était « le combat de toute [sa] vie », personne n'y croyait, ni à gauche, ni au sein de ses 20 % d'inconditionnels. S'il en était là, si la France en était là, c'est qu'il n'avait justement pas mené les combats pour lesquels nous l'avions hissé, avec la même énergie que lui, là où il était.

Mais tout cela est désormais du passé, presque de la Préhistoire, et le chiraquisme aussi reculé et exotique que ses arts primitifs. Jacques Chirac, ce Jacques Chirac seconde période qui n'avait plus rien de gaulliste, ni d'énergique, et en qui nous ne nous reconnaissions plus, a cependant un héritier, un dernier, en la personne d'Emmanuel Macron : accession au pouvoir dans les mêmes conditions, même docilité européenne, même complaisance pour le libéralisme économique et les délires sociétaux de la gauche. Sans les qualités de l'homme Chirac : l'enracinement dont parle Charles Millon, le fana mili, la connaissance du monde paysan, entre autres.

Plus que jamais, la France aurait besoin d'un Jacques Chirac. Mais vous aurez compris lequel.

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