« Notre civilisation est supérieure aux autres » : Schiappa choquée par Juvin. Et pourtant…

Capture d'écran ©Europe1
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Marlène Schiappa était interrogée, ce lundi 22 novembre, par Sonia Mabrouk sur le débat LR de la veille. Le résumant à « 50 nuance d’Éric Zemmour », elle a affirmé avoir été choquée d’entendre « dire [par Philippe Juvin, NDLR] nous sommes une civilisation supérieure ». Et rajouta : « Quand on aspire à devenir chef d’État, c’est problématique. »

Ce n'est pas la première fois, pourtant, que Philippe Juvin développe ce propos. Dans un entretien accordé, la semaine passée, à Jean-Sébastien Ferjou, du site Atlantico, il le martelait déjà : « Moi, je crois à la suprématie de notre modèle de civilisation. Je pense que nous avons une civilisation qui est meilleure que les autres. Il faut que nous soyons capables d’aller jusqu’au bout de cette croyance. Dès lors que vous en êtes persuadé, vous défendez ce modèle contre les coups de butoir identitaires, mais aussi sur le plan commercial, éventuellement militaire. »

On se souvient qu’en février 2012, Claude Guéant avait suscité à peu près les mêmes cris d’orfraie dans le monde politique quand il avait affirmé, lors d’un colloque organisé par l’association étudiante l’UNI à l’Assemblée nationale, que « toutes les civilisations ne se valent pas ».

Loin de s’en excuser, il avait ensuite enfoncé le clou sur France Inter. « Toutes les civilisations, toutes les pratiques, toutes les cultures, au regard de nos principes républicains, ne se valent pas. » Puis, lors d’un entretien dans Le Figaro : « Je l’assume. […] J’ai tenu des propos de bon sens et d’évidence. »

Comment le nier ? Si « la civilisation est l’ensemble des connaissances, des croyances, des institutions, des mœurs, des arts, des techniques d’une société », comme le stipule le dictionnaire de l’Académie française, il est un fait que les connaissances, les croyances, les institutions, les mœurs, les arts et les techniques de l’Europe ont porté des fruits prodigieux. Et si le cadre de vie prospère, généreux et pacifique - au moins pour l’instant - offert par notre civilisation européenne, rencontre de la civilisation gréco-romaine et du christianisme, n’était pas préférable à bien d'autres, pourquoi tant de populations souffrantes se précipiteraient-elles chez nous, au péril de leur vie parfois, avec l'espoir d'en bénéficier, elles aussi ? Il serait donc permis de dire, pour justifier leur accueil inconditionnel et massif, qu’elles fuient des pays en guerre, instables, dangereux, miséreux, dotés de gouvernants faillis et corrompus, où les femmes sont opprimées et la dignité humaine bafouée, mais il ne faudrait en tirer aucune conséquence quant à nos modèles de société respectifs ?

À quoi bon, dans ce cas, lutter pour conserver « nos civilités », pour reprendre le mot d'Emmanuel Macron, le 17 avril 2018, quand il s'était montré circonspect - à défaut de s'y opposer - sur le port du voile islamique ? Si toutes les civilisations se valent et sont interchangeables, si elles sont bonnet blanc et blanc bonnet, laissons donc disparaître celle-ci, quel est le problème ? C’est d’ailleurs ce que pense sans complexe l’extrême gauche. Sauf que ce n’est pas le camp politique, théoriquement, de Marlène Schiappa. Ce qui est problématique, en réalité, c’est qu’un ministre délégué du gouvernement français n’aime pas plus que tout autre le terreau unique sur lequel notre pays fleurit et rayonne depuis des siècles.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/11/2021 à 15:45.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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