Non, la nouvelle loi polonaise relative à l’immobilier n’a rien d’antisémite

Toute la presse se fait l’écho des propos incendiaires de Yaïr Lapid, le « Macron israélien », actuel ministre des Affaires étrangères et, sûrement, futur Premier ministre d’Israël: « Aujourd’hui, la Pologne a approuvé une loi antisémite et contraire à l’éthique. Ce soir, la Pologne est devenue un pays antidémocratique et illibéral qui n’honore pas la plus grande tragédie de l’histoire humaine. » Le Premier ministre israélien Naftali Bennett, lui, qualifie la loi de « honteuse […] de mépris scandaleux de la mémoire de l’Holocauste ». Mais qu’a donc bien pu faire la Pologne ? Comme d’habitude : rien de spécial.

C’est juste une fausse nouvelle de plus contre ce pays. Ce qui provoque cette nouvelle campagne de calomnies est une modification du code de procédure administrative polonais qui rend impossible la contestation d’une décision administrative de plus de 30 ans. Sont concernés notamment les litiges avec les collectivités locales sur les limites de parcelles de terrain, l'expropriation pour les rues ou d'autres questions administratives telles que les permis de construire ou les concessions. Mais aussi, et surtout, les biens saisis, spoliés, nationalisés, reprivatisés.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands envahissent la Pologne, la détruisent avec une brutalité inouïe, saisissent, spolient des biens immobiliers, rasent la capitale et des parties d’autres villes de Pologne. Arrivent les Soviétiques qui imposent un régime communiste. Ce dernier, sous la coupe de l’URSS nationalise des terrains, y reconstruit des immeubles (Varsovie a été reconstruite grâce à une grande mobilisation nationale), y loge des Polonais « du coin », mais aussi expulsés des territoires annexés par l’URSS. Puis, après la chute du communisme, les gouvernements élus démocratiquement, n’ayant plus assez d’argent pour entretenir tous les logements sociaux, proposent aux habitants de les racheter pour une somme très raisonnable. Ces derniers les rénovent et y investissent leurs temps et argent. Puis, peu à peu, des propriétaires d’avant-guerre ou leurs héritiers, qui avaient été spoliés, avec la fin du communisme et l’instauration de la démocratie, demandent la restitution de leurs biens. Tout cela provoque une grande insécurité juridique, des expulsions brutales et beaucoup de restitutions frauduleuses notamment organisées par des proches des dirigeants des partis progressistes polonais (ce dont la presse française ne parle jamais, bizarrement).

Cette loi n’est en rien discriminatoire envers les Juifs, elle ne mentionne même pas ce mot et, contrairement à ce que dit la presse française, ces problèmes de restitutions ne concernent pas essentiellement les Juifs polonais. Cette loi est problématique pour tous les Polonais partis avant-guerre, ayant fui la guerre ou le communisme, beaucoup de nobles et de propriétaires terriens sont affectés. En effet, les Juifs polonais représentaient 10 % de la population polonaise avant-guerre et possédaient un peu moins de 10 % des biens immobiliers. De plus, lors de la Seconde Guerre mondiale les Allemands ont assassiné méthodiquement 90 % des Juifs polonais. Aussi, et hélas, y a-t-il peu de biens qui peuvent être réclamés par des descendants de Juifs polonais.

En outre, il faut savoir que si les parties intéressées ne pourront plus, après le délai de 30 ans, réclamer leurs biens, elles auront toujours la possibilité d’intenter une action au civil et d’obtenir une indemnisation. Aussi, si l’on peut considérer à juste titre que cette loi, permettant la sécurisation juridique des transactions immobilières, est injuste pour ceux qui étaient attachés à leurs terres ancestrales ou biens immobiliers familiaux, elle n’est en rien antisémite.

Patrick Edery
Patrick Edery
Editorialiste à Tygodnik Solidarnosc-portal Tysol

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