Ne sommes-nous, pour les British, que de gentils Rintintin alsaciens ?
« Je suis Alsacien, mais je ne mords pas... » Cette expression ne figure pas dans le bestiaire dialectal des expressions locales. J’en suis le modeste auteur, à la suite d'un étonnant échange avec un sujet de Sa Gracieuse Majesté que je félicitais pour la beauté de son berger allemand. “No sorry! It's not a German dog, but an Alsatian shepherd, it's not the same...”, me rétorqua, interloqué, mon British interlocuteur : « Ce n'est pas un berger allemand, mais un berger alsacien, ce n'est pas la même chose... » Si vous le dites, my dear… Ainsi donc, nous autres, Alsaciens, ne serions-nous, pour nos amis britanniques, que de gentils Rintintin, des « Alsatian dogs ». Voilà un sobriquet un peu réducteur, mais certes plus gratifiant que celui de « frogs » (grenouilles), dont les rosbifs affublent volontiers mes compatriotes français de l'intérieur.
Au fait, d’où vient ce nom de berger alsacien and why not berger allemand ? En creusant un peu, en relisant moult articles canins, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il s'agissait bien de la même race, du même chien, qu’on l’appelle Alsatian Shepherd ou German Shepherd… Le nom de berger alsacien aurait fait son apparition outre-Manche pendant la dernière guerre où, sous les bombes allemandes sur Londres, on a voulu bannir du langage tout ce qui, de près ou de loin, rappelait l'agresseur allemand. Et qui plus est - cerise sur le pudding, en quelque sorte -, les Britanniques n’ignoraient pas que le berger allemand était le chien préféré du Führer, qui en comptait pas moins d'une demi-douzaine. L’éleveur moustachu de Berchtesgaden les aimait tellement qu'il testera une ampoule au cyanure sur l'une de ses chiennes préférées, le même cyanure qu'il utilisera pour lui-même, lors de son suicide dans son bunker berlinois. Et depuis lors, nos amis d'outre-Manche ont pris l'habitude d'appeler leurs shepherds allemands, bergers alsaciens.
C'est la raison pour laquelle depuis lors, à chacun de mes séjours dans le Commonwealth, je m'amuse à saluer mes interlocuteurs anglophones par un facétieux “I am Alsatian, be careful, but I don’t bite!” (« Je suis Alsacien, mais je ne mords pas ») que je complète dans la langue de Molière par ce délicieux aphorisme de l’ami Tomi Ungerer, récemment disparu : « J’aboie en allemand, je jappe en français et je grogne en alsacien, et si je grogne, c’est aussi pour mordre les fesses d’une Marianne gallinacée qui nous impose avec arrogance sa suffisance et son dédain. » C’est lui qui le dit et il avait été, peu avant sa mort, élevé par notre Président au grade de commandeur de la Légion d’honneur !
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