Il est rare que l'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée de l'ONU apporte des innovations à la marche du monde. Pourtant, la 74e édition, en cette fin septembre, sera sans nul doute historique. Le thème axé cette année sur le « renforcement des efforts multilatéraux visant à lutter contre le changement climatique et la pauvreté, sur le développement durable » n'a servi que de toile de fond aux tensions majeures : la Chine, le commerce international, la mondialisation de l'économie ; l'Iran et la sécurité stratégique du Moyen-Orient ; la doctrine multilatéraliste. L'homme fort de cette session fut Donald Trump. Les démocrates en pleine panique et divisions internes l'ont compris et ont allumé contre lui un énième bûcher de destitution, ce qui ne va pas leur attirer la sympathie de l'électorat. Au passage, notons la formidable vitalité de la démocratie américaine, qui peut contraindre un président à dévoiler le contenu de sa conversation avec un chef d'État étranger (ukrainien) et enclencher une procédure de destitution... qui n'aboutira pas car le Sénat (républicain) aura le dernier mot, tandis que Joe Biden (probable rival démocrate de Donald Trump) sera éclaboussé : son fils, lié en affaires à des oligarques ukrainiens, est poursuivi par la Justice, et le père, alors vice-président, a intrigué pour faire écarter le procureur... Qui sera le plus coupable aux yeux de l'opinion ?

Emmanuel Macron a pu vérifier sa faible influence internationale : l'Iran aux mains des factions religieuses qui se disputent le futur héritage Khamenei a refusé toute négociation alors que le Président français en rêvait pour faire oublier une pénible rentrée. Ayant, avec Merkel et Johnson, dénoncé l'Iran comme auteur principal de la déstabilisation du Moyen-Orient, il était inconséquent de vouloir jouer les bons offices : Biarritz ne marchera pas deux fois. Ses discours ont été, comme d'habitude, gonflés de mots, de phrases, d'exhortations. Avec un indéniable talent déclamatoire, un usage systématique de la rhétorique du « nous », il a annoncé fièrement avoir rencontré séparément les présidents iranien et américain, et estimé que « les conditions d'une reprise rapide des négociations [avaient] été créées »... Tout aussitôt démenti : les Iraniens et les Américains ne voulant pas se rencontrer, il a été réduit à se féliciter de son propre courage.

L'Iran est en position d'accusé : la police islamiste fait régner la terreur, les Pasdarans l'insécurité régionale, il n'est soutenu que par Cuba et le Venezuela. Quant à l'appui de la Chine, elle-même sur la défensive, il est contre-productif : personne ne souhaite s'afficher en compagnie d'un club de dictatures qui violent les droits de l'homme et la démocratie. La Chine occupe des pays voisins, menace la sous-région, a instauré une dictature orwellienne, fait travailler dans ses usines des millions de prisonniers politiques-esclaves. Et elle est désormais en tension économique, politique et sociale. Face au réquisitoire américain, un simple porte-parole des affaires étrangères a dénoncé les « affirmations fausses » des États-Unis sur Hong Kong, sans les réfuter juridiquement, ce qu'il aurait été en peine de faire. Sur le différend douanier, la Chine a appelé les USA à « faire un pas »« sur la base du respect mutuel ». Ce n'est pas la « perte de la face » mais on n'en est plus très loin.

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29 septembre 2019 à 9:38

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