Un an, jour pour jour, après l’incendie de l’édifice, Mgr Patrick Chauvet, recteur de Notre-Dame de Paris, a bien voulu donner une interview à Boulevard Voltaire. Il analyse cet événement historique et souligne, entre autres, l’importance de la transmission du savoir-faire ancestral des bâtisseurs de cathédrales.

Ce soir, le grand bourdon sonnera à 20 heures en signe de commémoration. Que ressentirez-vous, à ce moment-là ?

Une émotion. Vous savez, le grand bourdon ne sonne que pour les grandes occasions, les ordinations. Il avait sonné la dernière fois, malgré la cathédrale blessée, pour les obsèques de Jacques Chirac. Il sonnera ce soir, à la fois pour marquer ce premier anniversaire, et il sonnera à 20 heures, au moment où les gens applaudissent ceux qui se donnent sans compter pour sauver des vies. C’est bien que la cathédrale blessée soit proche de toutes celles et tous ceux qui se donnent, qui souffrent, toutes ces familles qui ont perdu des êtres chers. Marie est là. C’était important que la Vierge de tendresse, avec son sourire, puisse redonner un peu d’espérance à notre monde qui est bien perturbé.

L’Église experte en humanité ?

Oui elle est là, car elle sait ce que sont la souffrance et le deuil. Et elle sait aussi ce qu’est l’espérance.

Il y a un an, l’incendie de Notre-Dame, aujourd’hui les églises sont fermées. Quelle lecture faites-vous de ces événements ?

Tous ces événements ne viennent pas de Dieu. Mais le Seigneur veut nous dire quelque chose à travers ceux-ci. Dans notre vie, il y a des signes. Le premier est celui de notre fragilité. Je l’avais ressenti le soir de l’incendie. On croyait que la cathédrale était éternelle. Nous sommes tous des êtres fragiles. Cette pandémie nous montre qu’il nous faudrait sûrement revenir à l’essentiel. C’est un temps de conversion. Nous vivions beaucoup trop dans l’économique. Il va falloir retrouver l’importance de la relation humaine, de la compassion, du partage, des petits gestes qui font que la vie change.

La cathédrale est-elle sauvée, aujourd’hui ?

Je pense qu’aujourd’hui, l'édifice est sauvé. Depuis un an, les Compagnons du devoir ont sécurisé le bâtiment et, donc, la cathédrale ne risque pas de s’écrouler. Mais je serai serein quand l’échafaudage calciné et soudé sera complètement enlevé. À ce jour, le chantier est arrêté depuis le 17 mars à cause du confinement.

Combien de dons ont-ils été encaissés ?

Nous avons reçu 900 millions d’euros. Les petits dons et les grands dons continuent d’arriver, ce qui prouve l'attachement à ce beau monument, parce que Notre-Dame, c’est la France ! L’affectivité à notre cathédrale montre combien les gens sont prêts à partager pour qu’elle puisse renaître.

Quels sont les défis à relever, dans ce chantier ?

D’abord l’échafaudage, comme je vous le disais, ensuite, il faudra se rendre compte de l’état de la cathédrale. Il nous manque cette dimension pour pouvoir évaluer l’ensemble des travaux. On nous dit qu’avec 900 millions, nous aurons suffisamment, je crains que non. Nous avons déjà dépensé plus de 100 millions pour sécuriser l’édifice. Je ne sais pas combien cela coûtera, mais je sais que tous ceux qui travaillent sur ce chantier sont des passionnés et qu’ils sont très fiers de travailler sur Notre-Dame.

Vous souhaitiez l’installation d’un oratoire sur le parvis pour faire revivre le quartier et permettre aux passants de se recueillir. Qu’en est-il ?

Tout est quasi prêt. Après le confinement et les autorisations de se rassembler à nouveau, nous aurons cette renaissance. Ce sera bien de pouvoir faire une démarche auprès de la Vierge Marie, ne serait-ce que pour rendre grâce, pour qu’elle nous aide à vivre la seconde partie de la crise, qui sera une crise économique et qui sera grave.

À Chartres, après l’incendie de la cathédrale, en 1836, la charpente a été rebâtie en acier. Vous êtes favorable à une reconstruction en bois, à l’identique, à Paris. Pour quelle raison ?

Je voudrais qu’il y ait la transmission de ce savoir-faire des bâtisseurs de cathédrales. Nous sommes capables de la reconstruire totalement, au millimètre près. Nous l’avons en 3D, nous avons toutes les dimensions. Elle a été plus que dessinée et, donc, nous sommes capables de la refaire à l’identique. J’ai ce souci de transmission d’un savoir-faire, mais aussi ce respect pour les bâtisseurs inconnus du Moyen Âge. Enfin, le bois est un matériau noble et beau.

La cathédrale sera-t-elle rouverte dans quatre ans ?

Je le crois parce que l’essentiel, pour pouvoir y rentrer, c’est de restaurer les voûtes, la toiture et la charpente. Ensuite, tout ce qui est à l’extérieur pourra être fait bien après. L’essentiel, c’est que la cathédrale revienne au culte.

Notre-Dame de Paris, par son chef-d’œuvre de beauté, a été une muse pour de nombreux auteurs tels que Péguy, Hugo ou Claudel. Et vous, quel serait votre déclaration d’amour à Notre-Dame ?

Pour moi, Notre-Dame, c’est Marie, et Marie est la plus belle. Quand j’avais reçu Mme Macron et Mme Trump, nous avions commencé par contempler la statue de la Vierge au pilier qui a été miraculeusement sauvé. Et je leur ai dit : « Voilà, Mesdames, je vous présente la Première Dame ! » Madame Trump a souri et m’a répondu : « J’aime beaucoup la Vierge Marie. »

Pour aller plus loin : Notre-Dame d'espérance, Patrick Chauvet, Presses de la Renaissance, mai 2019.

Propos recueillis par Iris Bridier

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15 avril 2020 à 15:59

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