Martin Circus, le grand oublié de la pop française enfin réhabilité !

Qui se souvient encore de Martin Circus ? Probablement pas grand monde. Et pourtant, ce groupe a écrit certaines des plus belles pages du rock français, de 1969 à 1987. Une compilation, Martin Circus : Évolution française 1969-1985, éditée par le très chic label Born Bad Records – français, comme son nom ne l’indique pas –, vient aujourd’hui lui rendre hommage. Il était temps. « Dès sa création, en 1969, Martin Circus pose les jalons de la pop musique, un genre inventé qui tourne le dos aux yéyés et au rock’n’roll, leur préférant le psychédélisme et la langue française », rappelle le livret du disque en question.
Cette formation se signale par un personnel fluctuant, une vingtaine de membres viennent et repartent, qui pour une carrière de chanteur en solo, tel le chanteur Gérard Blanc et son tube, Une autre histoire, ou tenter des aventures plus étranges encore, à l’instar d’Alain Pewzner et de sa mise en musique, en 1995, de L’homme qui plantait des arbres, l’un des chefs-d’œuvre de Jean Giono.
Se réinventer en permanence…
Hormis cette bougeotte chronique, écouter Martin Circus équivaut à survoler presque trois décennies de musique française, tant ce groupe se sera en permanence réinventé. D’où la difficulté à le classer dans un genre donné, et explique probablement l’oubli dans lequel il est malheureusement tombé. La preuve en est que le très exhaustif et érudit Dictionnaire du rock (Robert Laffont), publié sous la direction de Michka Assayas, journaliste pourtant de l’espèce vétilleuse, ne daigne même pas en faire mention. C’est dire...
D’ailleurs, tout commence par un malentendu, avec leur premier tube, Je m’éclate au Sénégal, en 1971. Certes, il s’agit d’un morceau « sérieux », rigoureusement écrit, avec chœurs et grille harmonique de haute tenue ; mais aussi d’une pochade, pochade de haute tenue, mais pochade tout de même. Un malentendu qui s’installera plus durablement encore quand nos hippies s’acoquinent avec Les Charlots, groupe affichant naguère le même « sérieux », mais qui se lancent désormais dans la comédie pouêt-pouêt sur grand écran. Et c’est ainsi que Martin Circus signe la musique des Bidasses en folie (1971), de Claude Zidi, et des Bidasses en vadrouille (1979), de Christian Caza, navet d'anthologie dans lequel ils incarnent les quatre principaux rôles. Il y a effectivement de quoi désarçonner le plus blasé des musicologues.
Ainsi, Tout tremblant de fièvre, autre de leurs premiers succès, les montre au meilleur de leur forme artistique et leur vaut le respect de la critique. Arrangements de cuivres élégants, mélodie complexe : nous ne sommes pas loin des Anglais de Procol Harum et de leur A Whiter Shade of Pale. Pareillement, leur adaptation inattendue du Matin des magiciens d’un Louis Pauwels en pleine période ésotérique, et qui n’est pas encore le très droitier fondateur du Figaro Magazine, participe d’une semblable pop éminemment sophistiquée.
Ils assurent les premières parties de Michel Sardou…
Mais, dans le même temps, Martin Circus assure les premières parties des vedettes de variétés d’alors : Johnny Hallyday, Claude François, Claude Nougaro, Joe Dassin, Gérard Lenorman et même… Michel Sardou. Comme on pouvait s’en douter, le lecteur de Télérama ne s’y retrouve guère plus que celui de Télé 7 jours ; quant à celui de Rock & Folk, il ne peut que demeurer sceptique face à un groupe tour à tour populaire et élitiste. Histoire de davantage brouiller les pistes, nos olibrius sont les premiers à tenter l’aventure disco, avec Disco Circus, sorti en 1978, qui parvient à se hisser en tête des meilleures ventes aux USA. Un exploit qui ne se reproduira pour aucun autre artiste français, à l’exception, peut-être de Cerrone et son Supernature. Les puristes font évidemment la grimace ; autrement, puristes ils ne seraient pas. Néanmoins, dans ce style disco, catégorie souvent regardée de haut, Disco Circus demeure un modèle du genre, rivalisant avec les pointures américaines de l’époque.
Après le disco, la new wave…
Ensuite, et ce, tout en ne reniant rien de ses ambitions artistiques, Martin Circus suit l’air du temps en se lançant dans la new wave à la française, musique à base de synthétiseurs et de batteries électroniques. Ce sera donc un nouveau tube, Bains douches, du nom de l’emblématique boîte de nuit parisienne des années 80. Une fois de plus, la presse musicale ne sait plus sur quel pied danser. Tant qu’à faire, ils seront même précurseurs, en matière de techno, avec cet autre improbable succès qu’est J’t’ai vu dans le canoë, en 1983.
C’est cet improbable parcours que résume cette compilation plus que bienvenue. Car si l’on y réfléchit mieux, combien de musiciens français sont-ils parvenus à se réinventer en permanence ? Peu, très peu. D’ailleurs, à part Martin Circus, on ne voit pas. Cet exploit méritait bien d’être salué.

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15 commentaires
C’est un véritable bain de Jouvence que vous nous faites revivre à travers ce groupe mythique de notre adolescence . Tout comme Triangle , Ange , les Variations , Illous et Decuyper, Gérard Pallaprat etc . je préfère m’en souvenir par rapport à cette époque là que les dernières même si il y a eu quelques bons tubes dont ceux de Gérard Blanc
Comme très souvent Nicolas Gauthier nous remémore de bons moments de nos jeunes années…plus celles d’un Martin Circus que celles de Trénet d’ailleurs. Merci. Je vais m’éclater avec les quelques vinyles gardés de l’époque.
merci à MARY B pour ce rappel au directeur de la salle Mrj’ai connu aussi BOB ainsi que Jacky BRAUD et mon copain d’école le batteur JEAN LOUIS D
le trio avait enregitré un premier disque dans une salle à saint Avertin prés de Tours et ils avaient joué en première partie du concert de johnny à Tours grace au directeur de la salle Mr MIGLORETTI
Merci de rappeler que Martin Circus existe toujours…existera toujours.
J’adorais ce groupe, certes j’étais enfant, et j’avais pas compris toutes les paroles de « je m’éclate au Sénégal » , c’était bon enfant, et je craquait pour le regretté Gerard Blanc qui quelques années plus tard avait écrit « une autre histoire » et « du soleil dans la nuit », , disparu trop tôt, mais je n’ai jamais oublié ni lui ni son groupe !
Originaire de Tours, j’ai bien connu Bob Brault dans ma jeunesse. Mon futur mari a d’ailleurs joué avec lui dans un tout premier groupe formé à Tours, « Les gentlemen ». Je dois avoir une photo quelque part. Après nous sommes tous « montés » à Paris et avons choisi des chemins différents. Houla, ça fait longtemps !
Etait-ce ce groupe qui chantait…des poux des puces et des lentes…des démangeaisons violentes…?
Amusante chanson de cette époque…
Il faut aussi rendre un très belle hommage à Gérard Blanc qui nous à quitter très jeune avec une belle chanson UNE HAUTRE HISTOIRE.
Ils avaient adapté le matin des magiciens de Pauwels…..bouquin de ma jeunesse , que j ‘ai adoré !!
Ils n’ont fait que copier avec quelques années de retard The Rolling Stones Rock and Roll Circus, qui lui, présentait le très haut, très très haut du panier. Stones, Beatles, Jethro Tull, The Who, etc. Alors les Clampin Circus…
Oui , je m ‘ en souviens , on les entendait beaucoup ! mais ils ne m ‘ emballaient pas , je préférais les anglo-saxons ! par contre , merci pour cet article instructif , je ne savais pas qu ‘ ils avaient brillé aux USA et que leur carrière avait duré jusqu ‘en 1983
Merci pour cet article remarquable au sujet d’un des plus grands groupes français de l’histoire du rock.
Avec Martin Circus, c’est tous les groupes Pop Rock français qui furent relégués dans les arrière-cours.
On peut citer, pour les principaux : Ange, Triangle, Variations, Dogs, Alice, Little Bob Story, Magma…
Mêmes si certains ont pu avoir de beaux succès à l’étranger, tous auraient pu faire de vraies carrières internationales.
Beaucoup de qualités de virtuosité et d’inventivité, avec une French Touch malheureusement snobée par des producteurs frileux plus intéressés par les profits immédiats qu’ils pouvaient retirer de la « Variété » française ».
C’est malheureusement un mal français. Ce qui vient d’ailleurs est meilleur. Nous connaissons ça dans d’autres domaines.
Les seuls « rockers » Français des 60’s sont Polnareff, après ça se gâte, Dutronc, même commentaire puis deux ou trois morceaux de Téléphone.
Faut admettre qu’en attaquant leur carrière avec « je m’éclate au Sénégal » et « moi j’aime bien prendre mon pied » où la finesse du travail musical, pas forcément accessible à tous, a du mal à compenser l’ineptie absolue des paroles. rien de sérieux ne semblait se profiler à l’horizon. Et pourtant, pas mal de musiciens patentés reconnaissaient la qualité du groupe. D’autant qu’être parmi les premiers à rocker en français a probablement contribué à leur assurer une longévité que les pourtant méritants Variations ou Joël Daydé n’auront pas connue.
Bien dit.
Bel hommage à Martin Circus pour l’ensemble de leur carrière.