Mario Vargas Llosa sous la Coupole : l’internationalisme qui désole Mélenchon

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L'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature en 2010, vient d'être élu à l'Académie française, ce jeudi 25 novembre. Agé de 85 ans, il occupera le fauteuil n° 18, qui fut celui de Tocqueville et du maréchal Foch.
Vargas Llosa dépasse l'âge limite de 75 ans, fixé par les Immortels eux-mêmes en 2010. Ce n'est pas bien grave. Les codes ne sont-ils pas faits, on le dit tant aujourd'hui, pour être bousculés ? Fait plus surprenant : si ce n'est pas - loin s'en faut - le premier écrivain étranger à entrer sous la Coupole, c'est en revanche le premier académicien qui, bien qu'il soit parfaitement francophone, n'ait jamais écrit que dans une langue étrangère : l'espagnol. Cela ne l'a pas empêché de devenir, en 2016, le premier écrivain d'expression étrangère à être publié de son vivant dans la Pléiade.

En ce qui me concerne, en tant que simple locuteur du français, je vois dans cette élection un signe positif. D'abord, cela veut dire que notre langue est encore connue et parlée loin de chez nous, et pas seulement dans ce nouvel épicentre de la francophonie que seraient, selon notre Président africanolâtre, les rives du fleuve Congo. Ensuite, elle est souvent mieux parlée par ceux qui l'ont reçue comme un cadeau fragile plutôt qu'apprise sans y penser. Ce fait n'est pas nouveau ni isolé : le soin graphique et orthographique de certains écoliers francophones, russes ou africains par exemple, ferait mourir de honte - si ce sentiment leur était connu - beaucoup de nos propres écoliers. Mais ce fait, pour être connu, n'en est pas moins agréable. Enfin, ce sang neuf est un impératif d'excellence au sein de la vénérable Académie : craignons la justesse de celui qui a patiemment appris, et l'intransigeance d'un converti. En somme, c'est d'une « créolisation heureuse » qu'il s'agit, pour reprendre des mots à la mode. Or, cependant, ne voilà-t-il pas que Jean-Luc Mélenchon, à l'annonce de cette nouvelle qui aurait dû le transporter d'aise, s'est emparé de son compte Twitter et a rageusement écrit les mots suivants : « L'Académie française élit Vargas Llosa, écrivain qui n'a pas écrit un livre en français, plutôt qu'un écrivain francophone. Pauvre France. » « Pauvre France ! » « Pas un livre en français ! » Les mots de Déroulède dans la bouche de Tartuffe. À deux doigts d'ajouter « Eh, rentre donc chez toi, l'Espingouin ! », lui qui aime tant la diversité et parle parfaitement l'espagnol... On en perd son latin.

Au vrai, qu'est-ce qui dérange M. Mélenchon ? Vargas Llosa a pourtant écrit un brûlot révolutionnaire contre son ancien lycée militaire de Lima (La Ville et les Chiens), dont ledit lycée a symboliquement détruit des exemplaires par le feu sur l'emplacement du rassemblement. Il a été fasciné par la révolution cubaine et la querelle entre Sartre et Camus. Il a prononcé un discours de réception du Nobel sans ambiguïté contre le nationalisme, appuyé selon lui sur le hasard du sol, réactualisant le « sort de la naissance » cher au Figaro de Beaumarchais. Alors, quoi ? Eh bien, il faut dire que Vargas Llosa fut aussi candidat libéral à la présidence du Pérou en 1990 (et qu'il alla au second tour, où il fut battu par l'escroc Fujimori), qu'il fut cité dans les Panama Papers, qu'il soutint certains régimes latino-américains de droite (ce n'est pas qu'un pléonasme) et qu'il se détacha sans regret de sa jeunesse progressiste. Il faut également dire qu'un écrivain français aurait statistiquement eu davantage de chances d'être de gauche.

Pauvre France ? Pauvre Mélenchon, plutôt, réduit à faire de la xénophobie numérique, comme n'importe quel troll d'extrême droite, pour essayer de se faire rembourser ses frais de campagne. Dernier tour de piste du vieux routier qui se plaint de ne pas trouver de talents littéraires dignes de ce nom dans une France que ses amis eux-mêmes, depuis quarante ans, rendent analphabète. Indignation sélective contre une institution qui lui survivra et contre un auteur qui, lui, continuera d'être lu, parce que c'est un véritable écrivain. De Jean-Luc Mélenchon, en revanche, on en est de plus en plus sûr, il ne restera rien.

Au fond, ce tweet contre Vargas Llosa, ce n'est peut-être pas de la xénophobie, ni de la bassesse électoraliste, ni même de la bêtise ou de l'inculture. C'est peut-être tout simplement de la jalousie.

 

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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