Marine et Marion : la déchirure…

Dans ce drame des Atrides modernes, la fille tua le père puis la nièce tua la tante, se considérant comme étant l’héritière légitime du menhir de son grand-père. Contre toute attente, les dilemmes cornéliens ont encore une résonnance dans nos temps déconstruits. S’il y a une sorte de grandeur pathétique dans ces déchirures, faut-il pour autant s’en réjouir au vu de l’enjeu ?

Si on est toujours sensible à ces sentiments désuets que furent honneur et fidélité, on ne peut que s’enduire le visage de cendre devant cet événement, conditionnés que nous sommes par le si français syndrome de Poulidor qui nous a fait souvent préférer une noble défaite à une victoire à l’anglaise. « Tout est perdu fors l’honneur », disait François Ier, capturé par Charles Quint à la bataille de Pavie, ce qui fut une catastrophe majeure pour le royaume de France. Si la déclaration du roi à la salamandre était flamboyante, c’était une bien maigre consolation que de se draper vaincu dans un étendard chevaleresque... dépenaillé, outragé et rançonné.

Beaucoup de sympathisants patriotes n’auraient pas misé gros sur le retour de Marion Maréchal sur le champ de bataille politique, tout du moins avant la présidentielle de ce printemps. Dans l’hypothèse où Marine Le Pen ne serait pas élue à l’Élysée et aurait donc raccroché les gants pour vivre enfin sa vie, l’avenir se serait grand ouvert à l’ancienne plus jeune députée de France pour parachever le projet de l’union des droites hors et dans les murs. « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Mais pourquoi autant d’impatience à sortir de sa réserve alors qu’elle disait, il y a peu, de ses terres lyonnaises : « Je soutiendrai le candidat le mieux placé », en parlant, bien sûr, d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen ; Valérie Pécresse étant exclue de ces hypothèses pour une évidente incompatibilité d’humeur.

Si on ne peut pas ausculter les esprits et les cœurs, on peut être sûr qu’un homme (ou une femme) qui s’engage dans une voie considérée comme radicale arbitre entre les pertes d’amis, les bannissements sociaux, les divorces familiaux et la mission qu’il pense être juste pour un bien supérieur. Ce peut être douloureux, de l’ordre du sacrifice ! Devant le séisme intime du choix de l’infante qu’elle avait bercé sur son sein, que sa tante pouvait dire d’autre que : « C’est brutal, c’est violent, c’est difficile pour moi... » Sincérité, humanité, sentiment de trahison... Marine Le Pen aura gagné sur ces points. C’est une juste chose que de voir son image passer de diablesse infréquentable à humaine très commune.

Par quoi la nièce et la tante sont-elles séparées ? L’une est libérale tandis que l’autre est étatiste. C’est pourtant une fausse opposition sur laquelle elles pourraient s’accorder facilement. Il est fort possible d’allier un libéralisme au sein de la nation où se jouerait une saine concurrence non faussée et un souverainisme aux frontières régulant les agressions extérieures comme il est possible de conserver un État colbertiste tout en libérant les forces vives créatives. La déchirure s’opère sur une autre trame du tissu national : entre le conservatisme sociétal et civilisationnel, pour l’une, et un faible intérêt pour ces sujets, pour l’autre.

Nous avons, ici, la confirmation de ce que l’Histoire nous a appris et que notre indolence d’enfants gâtés nous a fait oublier. La Déchirure, selon le film de Roland Joffé, relate les humanités particulières balayées par les vents de l’Histoire. Comme on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, on ne peut pas faire de politique avec des bons sentiments. Entre l’honneur et le devoir, il faut parfois choisir quand il y a des intérêts supérieurs qui peuvent déchirer les cœurs.

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Marine cultive les erreurs. La chasse d’un FN diabolique, jeu de ses adversaires, a fait fuir les pattriotes. Critiquer Zemmour est une erreur. Le pouvoir ellene l’aura pas car elle ne voit même pas qu’elle fait le jeu de ses ennemis les macroniens. Macron la veut car il sait qu’il gagnera… sauf si Zemmour invite à la soutenir au second tour( ce que je pense). Mais à l’inverse ? Que fera Marine ? Le silence ? E si on avait Marine/Zemmour là ce serait du sport.

  2. L’heure actuelle n’est pas aux états d’âme, non seulement déplacés mais hypocrites.

    Marion est intellectuellement supérieure à sa tante qui s’est débarrassée d’elle par peur de la concurrence. Aujourd’hui Marion découvre un champion inattendu susceptible de faire valoir avec succès les conceptions qu’elle défend.

    Comme tout citoyen français Marion est libre de ses opinions et de son choix.

  3. se bagarrer pour des programmes qui ne seront jamais mis en oeuvre fussions-nous à l’Elysée avec EZ ou MLP!
    Les législatives contraindront à mettre à Matignon Pécresse, ou jadot, ou Mélanchon!
    Alors calmons ceux dont la pâture quotidienne nous impose ces. contre-sens…

  4. Marine a bien cherché ce qui lui arrive elle qui a mis sa nièce au placard car elle lui faisait de l’ombre car elle est bien plus intelligente qu’elle .

  5. une différence d’opinion n’est pas une déchirure, SAUF pour l’extrême gauche et dans une certaine religion où ils se marient et ne se fréquentent qu’entre eux. Que vaudrait notre tendresse, notre respect, si elle impliquait la soumission de l’autre à ses propres idées.

  6. Socialiste, progressiste, et souverainiste telle est Marine. Libérale, conservatrice, et souverainiste telle est Marion. Il est logique que Marion soutienne Eric.

  7. Zemour ou Le Pen ? Ni l’un(e) ni l’autre ne cédera devant l »autre. Peut-être que la solution serait qu’ils s’effacent tous deux devant Marion qui, elle, serait certainement élue devant Macron. Il suffirait juste qu’elle prenne MLP comme premier ministre et le Z comme ministre de l’intérieur et tout le monde serait content. !

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